Fronde contre l’évacuation de la Zad
L’association de défense juridique de la Zad a demandé un report d’évacuation des activistes après que toutes les voies de recours ont été épuisées
Menace d’épilogue pour la première zone à défendre (Zad) de Suisse, établie sur la colline du Mormont, dans la commune vaudoise de La Sarraz. Pour mémoire, des dizaines d’activistes ont investi ce lieu depuis cinq mois, luttant contre la volonté du cimentier Holcim d’élargir la carrière qu’il exploite dans cet espace d’une grande richesse naturelle et historique. Et désireux d’explorer de nouveaux modes de vie et de convivialité. Vendredi dernier, l’association Les Orchidées du Mormont, créée le 29 octobre dernier dans le but d’offrir un cadre légal à la Zad, a informé que les voies de recours pour éviter une expulsion des activistes étaient épuisées. Et a appelé à un report de la décision d’évacuation exécutable le 26 mars en ce qui concerne la maison occupée par les militants et le 30 mars pour les alentours où ils ont élevé des yourtes et autres abris. Une requête teintée d’inquiétude face à cette issue. «Le temps n’est pas à la brutalité mais au dialogue et au mûrissement démocratique de la décision, dans un contexte de crise climatique et écologique aigu. Rien ne presse. Laissons le temps au génie helvétique» a déclaré l’association lors d’une conférence de presse tenue vendredi passé à Lausanne et réunissant Dominique Bourg, philosophe et professeur honoraire à l’Université de Lausanne, spécialiste des questions environnementales, Jacques Dubochet, Prix Nobel de chimie 2017 et Nicole Ammann, comédienne et enseignante de théâtre, habitant à Eclépens. L’occasion pour ces intervenants de préciser leur position relative à la Zad et aux zadistes qui, ont-ils souligné, «ont raison sur le fond».
Désobéissance civile par nécessité
Graphique à l’appui, Jacques Dubochet a brossé un tableau sombre de la situation concrétisé par une hausse exponentielle des températures depuis les années 1970. «Rien n’est maîtrisé. Pas un chouia de freinage. Ce qu’on a fait jusqu’à ce jour, c’est du pipeau», s’est-il indigné avec le franc-parler qui le caractérise tout en saluant le courage des zadistes qui, eux, ont pris la mesure du drame en cours. Dominique Bourg a renchéri sur l’urgence d’agir, avec une augmentation des émissions de CO2 et, partant, un réchauffement climatique qui aura des conséquences mortelles sur la santé. Le philosophe écologiste a également orienté son intervention sur le rôle de «lanceurs d’alerte des zadistes» et l’importance, face à l’inertie, de la désobéissance civile. «L’action non violente souligne l’état de carence de lois face à des dangers particuliers. Il s’agit d’un moyen démocratique. Il se base sur un argument de nécessité.» Et l’homme de renouveler l’appel à ne pas évacuer la Zad, tout en plaidant, à défaut, pour que le combat des militants s’inscrive dans une politique de stricte non-violence, «de part et d’autre». «Je comprends la tentation de radicalisation de certains jeunes, face à l’absence de résultats et les menaces climatiques tangibles – pourquoi se laisseraient-ils faire comme des bêtes qu’on conduit à l’abattoir – mais nous les incitons à ne pas tomber dans ce piège.»
L’espoir d’un autre futur
De son côté Nicole Ammann, qui arpente «l’exceptionnelle» colline du Mormont depuis son enfance, n’a pas caché son admiration pour l’action concrète des zadistes. Elle leur ouvre d’ailleurs régulièrement les portes de sa maison pour qu’ils puissent prendre une douche chaude, faire une lessive, recharger leurs portables ou juste partager un repas. «Ces jeunes sont joyeux, attentionnés, serviables. Ils font vivre l’espoir d’un autre futur.»
A noter que la Zad a par ailleurs reçu l’appui de quelque 130 élus du canton exprimé dans une lettre ouverte au Conseil d’Etat. Ils s’opposent eux aussi à l’évacuation des militants sans une rencontre au préalable avec ces derniers en vue de «proposer des solutions constructives, écologiques et démocratiques».
La Grève du climat Vaud appelle de son côté à une manifestation de soutien, ce vendredi 26 mars à 17h15 à la place du Château à Lausanne, pour défendre la Zad, la colline et en faveur de la mise en place «d’une transition juste pour les salariés d’Holcim».