Gérard Filoche, Mai 1968. Une histoire sans fin, tome II, Editions Atlande, 2021.
Gérard Filoche, l’homme de toutes les mobilisations
Militant de la gauche politique et syndicale, Gérard Filoche a consacré l’essentiel de sa vie à l’action politique et sociale. Une histoire sur laquelle il revient avec le 2e tome de son ouvrage "Mai 1968. Une histoire sans fin"
De Mai 68 à nos jours, Gérard Filoche a participé à un nombre incroyable de mobilisations. Une vie militante qu’il relate dans le deuxième tome de Mai 1968. Une histoire sans fin*, volume qui compte 1200 pages et qui est aussi lourd que le Code du travail (1,5 kg)! Le premier tome de ces mémoires portait sur l’époque de Mai 68, alors que celui-ci est consacré aux «années PS», de 1994 à 2017.
Du trotskisme au PS
Aujourd’hui âgé de 77 ans, titulaire d’une maîtrise en philosophie, Gérard Filoche exercera une dizaine de métiers durant douze ans (facteur, journaliste, imprimeur, etc.) avant de devenir inspecteur du travail, poste qu’il occupera dès 1985 jusqu’à sa retraite en 2010. Très sourcilleux sur le respect du Code du travail et d’autres réglementations, il fera trembler de nombreuses directions d’entreprises. Son parcours syndical et politique est tout aussi riche et complexe. Il entre à la CGT en 1963 et adhère au Parti communiste (PC) l’année suivante. Il devient ensuite un militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, trotskiste), dont il fera partie du bureau politique de 1969 à 1994, tout en étant l’un des animateurs de la tendance «pour le travail de masse et l’unité de la gauche». Il militera ensuite au Parti socialiste (PS) de 1994 à 2018, où il sera membre du bureau national durant de nombreuses années. Gérard Filoche a aussi été un militant du Comité Vietnam National et des Comités Chili, ainsi que cofondateur de SOS Racisme. Il a parfois payé pour son militantisme, puisque entre 1999 et 2018, son activité lui a valu quatre procès venus de la droite et du patronat. Mais il les a tous gagnés, et même «triomphalement» selon son avocat, Me Tricaud. Précision utile, c’est en bonne partie grâce à son épouse Françoise Le Toullec que Gérard Filoche fut initié à l’action politique. Il est vrai que le père de celle-ci fut notamment membre des Francs-tireurs et partisans français (FTP, mouvement de résistance fondé par le PC).
Petits défauts, grandes qualités
Depuis 2018, il anime la Gauche démocratique et sociale (GDS), un mouvement auquel est lié le mensuel Démocratie & Socialisme et qui, sous une autre forme, constitua auparavant l’aile gauche du PS. En 1994, lorsque les membres de ce courant seront accueillis par Henri Emmanuelli, alors premier secrétaire du PS, celui-ci leur dira simplement: «Bienvenue avec vos tout petits défauts et vos très grandes qualités.» Les termes «grandes qualités» font allusion à un militantisme reconnu, alors que les «petits défauts» s’appliquent à leur passé… trotskiste! Durant 25 ans, la Gauche socialiste sera non seulement un courant du PS mais aussi un «courant de la société». Comme le souligne l’éditeur du livre, la Gauche socialiste va écrire l’histoire, celle du salariat, celle de la mobilisation de novembre-décembre 1995 contre le démantèlement des retraites, celle des 35 heures, celle du contrôle des licenciements, celle du «non» au Traité constitutionnel européen, celle des grèves et des luttes pour la retraite à 60 ans à taux plein, celle de la défense du Code du travail, «un droit intime fait de sueur et de sang, de luttes et de larmes».
L’homme de l’unité
Gérard Filoche a constamment travaillé à l’unité des forces de la gauche politique, syndicale et associative. Non pas une unité de façade et uniquement électorale, mais une unité fondée sur l’action, des luttes, des mobilisations et des projets communs. A son avis, que nous partageons, c’est en effet le seul moyen de transformer de manière substantielle les rapports de force entre la gauche et la droite, entre le salariat et le patronat. Aujourd’hui, Gérard Filoche poursuit ce combat avec la GDS, tout à la fois groupe de réflexion et d’action, au sein duquel cohabitent des gens de gauche d’horizons différents. Et la GDS a plaidé en faveur de cette unité durant des mois et des mois avant l’élection présidentielle de ce printemps. La gauche a malheureusement préféré s’en tenir à ses divisions et à ses ego. Mais l’Histoire donnera sans doute raison à la GDS. Il est vrai que le dernier leader véritablement unitaire fut Lionel Jospin, comme le rappelle Gérard Filoche: «Il travaillait en même temps qu’il animait le débat dans le parti, il œuvrait à l’unité de la gauche.» Avant d’ajouter: «Ça fait tout drôle d’y repenser après le quinquennat Hollande et l’évolution du PS qui l’a suivi.»