Les syndicats maigrissent, mais leur poids augmente
Unia n’est pas le seul à perdre des membres, les principaux syndicats voient aussi leurs effectifs s’éroder. En 2002, le taux de syndicalisation en Suisse atteignait 25%, il a fondu à 17,9% en 2019, soit moins de 700000 adhérents. Première explication: dans le secteur secondaire, les emplois dans la production ont diminué, alors qu’augmentait le nombre des techniciens et des cols blancs que le syndicat recrute plus difficilement. Ces pertes n’ont été que partiellement compensées dans le tertiaire. Seconde interprétation possible: la gauche et les syndicats ont essuyé autour de la décennie 1980 une défaite idéologique qu’ils paient encore. On se souvient de la formule de Thatcher: la société n'existe pas. Porté par le libéralisme, l’individualisme s’est répandu là où autrefois les ouvriers et les travailleurs immigrés dans les usines et les chantiers étaient encadrés par des militants de gauche qui servaient de relais. Malgré cet affaiblissement, les responsabilités se sont accrues: plus de 2 millions de salariés dans le privé sont couverts par une CCT, alors qu’ils n’étaient que 1,4 million il y a vingt ans. Et l’on peut rester raisonnablement optimiste sur les possibilités de rebond. Il y a quelques années à peine, le féminisme était vu comme un mouvement ringard et dépassé. Les syndicats ont impulsé la grève des femmes de 2019 et, aujourd’hui, des dizaines de milliers de femmes, notamment de jeunes, s’affichent ouvertement féministes.
4000 adhésions par an, l’objectif des dialogueurs
Pour recruter, Unia utilise aussi les services de démarcheurs de rue, les «dialogueurs», qui tiennent des stands dans les grandes villes sur le modèle des ONG. «Depuis le début de l’année, les dialogueurs sont engagés directement par Unia. Nous avons agrandi l’équipe et pouvons tenir chaque jour huit stands, dont trois en Suisse romande», explique Philipp Ginsig, chef de projet développement de membres chez Unia. «Si les secrétaires syndicaux peuvent se rendre sur les chantiers ou dans certaines usines, ils n’ont en général pas le droit d’entrer dans les magasins, les centres de soins ou les établissements publics. Ces stands nous permettent de toucher ces salariés du secteur tertiaire, avec qui nous n’avons pas de contact, lorsqu’ils rentrent du travail ou se promènent en ville. Nous visons à obtenir ainsi au moins 4000 adhésions confirmées par année.»
«Ce travail demande une grande aisance relationnelle, souvent les personnes que nous abordons sont pressées et nous n’avons pas beaucoup de temps pour discuter», souligne Rémi Luce, responsable des stands en Suisse romande. Autre difficulté, les dialogueurs sont en première ligne lorsque le syndicat est le sujet d’articles négatifs dans la presse. Mais la démarche offre une «excellente visibilité et un relais de communication direct. C’est un nouvel outil important, notamment pour le tertiaire, il ne demande qu’à être exploité de façon optimale, nous y travaillons en essayant de l’améliorer.»
Faut-il revoir les cotisations?
Pour faciliter le recrutement, faut-il revoir le barème des cotisations? Machiniste et délégué d’Unia Fribourg, Eric Ducrey est intervenu en ce sens au congrès. Pour un revenu de 1000 francs, les cotisations se montent à 1,59%; à partir de 4000 francs, elles représentent 1%; alors que, dès 6500 francs, elles ne sont plus que de 0,78%, a alors calculé celui qui, entretemps, a été engagé par Unia comme secrétaire syndical. «Ceux qui gagnent 6500 francs et plus travaillent souvent dans une branche conventionnée et bénéficient de contributions professionnelles. Par exemple, dans la construction où je suis actif, la cotisation que nous payons est assez maigre grâce au fonds paritaire. Par contre, une travailleuse de la vente, elle, paie plein pot, soit au moins 30 à 35 francs par mois», explique le syndicaliste, qui verrait bien le barème de 1% s’appliquer à tous. Le règlement d’Unia sur les cotisations précise d’ailleurs que celles-ci doivent correspondre à au moins 1% du salaire mensuel. «On pourrait aussi envisager de se montrer plus solidaire envers ceux qui tirent la langue. Je crois d’ailleurs que c’est indispensable si nous voulons recruter en masse dans le tertiaire comme dans la construction. C’est, en tout cas, un aspect qu’il me semble important de discuter.»
Convoqué en 2023, un congrès extraordinaire consacré aux structures du syndicat, «Unia 2.0», débattra des modèles d’affiliation.