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Inquiétudes sur les routes suisses

Syndicats et organisations patronales exigent le maintien de l’interdiction du cabotage, que l’Union européenne souhaite assouplir davantage. L’alliance syndicale Fairlog propose aussi la mise en place d’une CCT de force obligatoire

Les chauffeurs du pays sont inquiets. Tant leur association corporatiste, Les Routiers suisses, que les organisations patronales du privé et du public ont tiré la sonnette d’alarme récemment face au risque d’assouplissement de l’interdiction de cabotage. Ils craignent qu’un tel assouplissement soit l’une des contreparties possibles lors des négociations menées entre la Suisse et l’Union européenne (UE) en vue de la conclusion d’un accord-cadre institutionnel.

L’accord bilatéral sur le transport de marchandises et de voyageurs signé avec l’UE, qui vise notamment à «libéraliser l'accès des parties contractantes à leur marché des transports routier et ferroviaire des marchandises et des voyageurs», prévoit une limitation du cabotage dans notre pays. Les camions immatriculés à l’étranger peuvent venir livrer de la marchandise en Suisse, et la règle est identique pour un camionneur suisse allant à l’étranger. En revanche, ce «grand cabotage» est limité pour le transport de voyageurs. Et le «petit cabotage», c’est-à-dire la fourniture de prestations entre deux ou plusieurs adresses à l’intérieur du pays par un transporteur étranger, est lui interdit en Suisse. Il l’était également dans les pays de l’UE, mais cette dernière a déjà assoupli la disposition permettant, sous couvert d’éviter des retours à vide, d’effectuer trois opérations de cabotage à l’intérieur d’un pays dans les sept jours suivant un trajet transfrontalier. Or, l’UE s’apprête aujourd’hui à assouplir encore plus cette norme.

Dumping salarial et social

Pour les chauffeurs helvétiques, de tels allégements en Suisse signifieraient l’arrivée de camionneurs provenant entre autres des pays de l’Est, où les salaires sont misérables, et la perte de nombreux emplois. Selon l’ATS, les Routiers suisses réunis fin avril parlent de mise au chômage de 30000 chauffeurs et d’autant de salariés de la logistique et des secteurs apparentés.

L’Association suisse des transports routiers (Astag) et l’Union des transports publics (UTP) chiffrent le nombre d’emplois menacés en Suisse à plus de 5000. Dans un communiqué diffusé le 3 mai, les deux associations patronales indiquent que «l’interdiction des courses de cabotage entre deux points situés en Suisse avec des véhicules étrangers est d’une importance capitale pour toute l’industrie helvétique des transports routiers et ferroviaires. Un assouplissement des dispositions en vigueur entraînerait une augmentation massive du nombre de camions étrangers et pousserait le secteur suisse des transports à la ruine à travers un dumping salarial et social.»

L’Astag et l’UTP avaient mandaté le bureau Ecoplan à ce sujet. Elles relatent ses principaux résultats: baisse jusqu’à 12% du fret routier pour les véhicules immatriculés en Suisse, jusqu’à 6% du trafic de lignes ferroviaire international et 30% chez les autocars de voyage; hausse du nombre de véhicules étrangers et du trafic sur les routes suisses; pression sur les salaires et l’emploi dans le transport marchandises et voyageurs; diminution des rentrées fiscales en matière d’impôts sur les véhicules et les huiles minérales, transfert du rail vers la route, atteintes à l’environnement. Sur la base de ces résultats, l’Astag et l’UTP «demandent au Conseil fédéral de défendre l’interdiction de cabotage face à l’UE».

Salaires 53% plus bas en Europe

Une revendication soutenue par l’alliance syndicale Fairlog, créée en fin d’année dernière par Unia, le SEV et Syndicom pour obtenir de meilleures conditions de travail dans les transports. Fairlog estime qu’un simple assouplissement du cabotage serait «un coup dur pour le personnel de la branche suisse de la logistique». D’autant que, selon l’étude d’Ecoplan, «les salaires des chauffeurs dans les pays voisins sont jusqu’à 53% plus bas qu’en Suisse», relève l’alliance dans un communiqué. Outre la défense de l’interdiction du cabotage, les syndicats exigent la mise en place d’une Convention collective de travail (CCT) déclarée de force obligatoire, permettant à tous les employés de la branche d’être soumis aux mêmes conditions. Pour Fairlog, une CCT serait aussi un atout pour le patronat puisqu’elle offre en plus la garantie de la bonne exécution des normes minimales légales. «Une CCT est un gage de sécurité pour toutes les parties. Dans la lutte pour le maintien de l’interdiction du cabotage, il serait plus facile pour les partenaires sociaux de former un front uni», plaide Vania Alleva, présidente d’Unia.

Fairlog propose en outre de durcir les contrôles de cabotage, par exemple en installant des GPS sur les poids lourds immatriculés à l’étranger, outil qui faciliterait également le contrôle de l’interdiction de circuler la nuit et le dimanche.

Rappelant que la concurrence fait rage dans l’industrie du transport depuis l’assouplissement de l’interdiction du cabotage dans l’UE, «avec pour corollaire du dumping salarial et la précarisation des conditions de travail», et que les pressions sur la Suisse redoubleraient en cas de disparition de la mesure dans l’UE, Fairlog indique qu’elle «se battra de toutes ses forces pour que l’interdiction du cabotage soit maintenue en Suisse. Fairlog a besoin à cet effet de partenaires sociaux forts.»

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