Un récent rapport de Solidar Suisse révèle la précarité des conditions de travail et de vie des travailleurs migrants dans les plantations de palmiers à huile du Sabah, en Malaisie.
Dans l’Etat de Sabah, sur l’île de Bornéo, en Malaisie, ce sont principalement des travailleurs migrants sans papiers, originaires d’Indonésie et des Philippines, qui se tuent à la tâche dans les plantations de palmiers à huile. Payés à la pièce, ils gagnent entre 800 et 1800 ringgits par mois, soit 160 à 360 francs suisses, révèle Solidar Suisse, dans son dernier rapport 2025 sur l’huile de palme. Le salaire minimum légal est pourtant de 340 francs et un salaire décent a été estimé à 500 francs mensuels par l’ONG… La plupart n’ayant pas de permis de travail ni de titre de séjour, ils sont à la merci de leur employeur et vivent avec la peur constante d’être arrêtés lors des descentes de police, souligne le rapport. «Cette insécurité extrême intensifie l’exploitation, car les personnes concernées, en raison de leur statut illégal, sont exclues des systèmes publics de santé et d’éducation, ce qui pèse encore davantage sur leur budget.»
«Quand il pleut, nous ne pouvons pas travailler, témoigne un travailleur dans une vidéo tournée par Solidar Suisse. En plus des plantations, je travaille toute la nuit, pendant 12 heures. Je m’occupe des éléphants. J’ai des dettes, comme la plupart d’entre nous. Le salaire suffit à payer la nourriture, mais pas à envoyer de l’argent à la maison ou à rendre visite à ma famille.»
Un travail éreintant
En plus d’être précaires et dangereuses, les conditions de travail sont très difficiles. «Les hommes, souvent affectés à la récolte, doivent porter de lourdes grappes de fruits pesant jusqu’à 23 kilos, indique Solidar Suisse. Les femmes s’occupent principalement de la fertilisation et de la pulvérisation de pesticides, ce qui les expose à des produits chimiques toxiques. Malgré les risques élevés pour leur santé, les travailleurs et les travailleuses ne disposent pas d’équipement de protection adéquat. Les accidents sont fréquents et soulignent l’absence de mesures de protection appropriées.» «S’il n’y a pas d’inspection, on ne nous donne pas de chaussures», raconte l’un des travailleurs dans une autre vidéo, sandales en plastique ouvertes aux pieds. «Pour pulvériser les pesticides, je porte sur le dos un réservoir de 15 litres que je remplis entre dix et douze fois par jour, rapporte Hasna, une travailleuse. J’épands environ 180 litres de pesticides par jour au total. Pendant la saison des pluies, il n’y a rien d’autre à faire que de rester chez soi, sans rien gagner.»

©Muhammad Rizky Kurniawan
Une huile à succès
On le sait, la consommation d’huile de palme a explosé ces dernières années. Les 60% des produits emballés de supermarché contiennent de l'huile de palme, comme le chocolat, les nouilles instantanées, la crème glacée, mais aussi les cosmétiques, les shampoings, les déodorants ou la lessive. L’ascension de l’huile de palme est vertigineuse: entre 1995 et 2022, sa production mondiale a été multipliée par cinq, dont 80% vient d’Asie du Sud-Est, et c’est loin d’être fini. Pourquoi? Parce qu’elle est polyvalente, bon marché et a un rendement à l’hectare bien plus élevé que les autres huiles végétales.
Le problème, c’est que l’être humain et l’environnement sont les premières victimes de cette production: déforestation en faveur des monocultures de palmiers à huile, déplacement forcé des populations autochtones, menaces pour la faune et la flore, et exploitation des travailleurs sont la réalité du boom de cet or rouge...
Complicité occidentale
Et la Suisse dans tout cela? D’après l’enquête de Solidar Suisse, des entreprises suisses telles que Nestlé et le fabricant de chocolat Barry Callebaut se fourniraient également en huile de palme provenant de cette région, malgré leurs engagements pris publiquement. «Ils affirment être conscients des nombreux problèmes de la chaîne d’approvisionnement en huile de palme et expriment la volonté d’utiliser exclusivement de l’huile de palme “responsable” et “durable” dans leurs produits. Notre rapport montre cependant qu’il existe un grand écart entre ces déclarations et la réalité.» L’ONG souligne que Nestlé et Barry Callebaut, comme beaucoup d’autres entreprises, s’appuient principalement sur le label RSPO (Table ronde sur l’huile de palme durable), censé garantir la durabilité. «Cependant, les critères de certification révisés récemment n’exigent plus le versement d’un salaire permettant de vivre dignement. Cela représente un retour en arrière alarmant.» Et de préciser qu’en 2023, le salaire du PDG de Nestlé était 5831 fois supérieur à celui d'un travailleur des plantations de palmiers à huile…

©solidar