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La solidarité pour empêcher une crise sociale aiguë

Femme assise à une table d'une aide alimentaire.
© Olivier Vogelsang

La pandémie a augmenté la pauvreté des plus démunis. Photo: aide alimentaire proposée aux personnes dépendant de l’aide sociale.

Se fondant sur diverses études récentes, Unia exige des mesures rapides pour les populations aux plus bas revenus, exposées de manière bien plus importante que les nantis au virus et à la pauvreté

Nous ne sommes pas égaux face au coronavirus. C’est le constat tiré non seulement à l’échelle internationale mais en Suisse aussi. Alors que le Parlement fédéral se préparait à débattre d’un renforcement des mesures d’aide, Unia alertait, fin février, sur les risques de crise sociale aiguë engendrée par la pandémie. Celle-ci «met les personnes aux salaires modestes et aux conditions de travail précaires à rude épreuve. Les milliers de requêtes et de demandes d’aide que des membres en détresse adressent à Unia depuis plus d’un an déjà en témoignent», écrit le syndicat dans un communiqué. Une situation corroborée par des études sociomédicales menées notamment par les hôpitaux universitaires de Bâle et de Genève, et par l’Ecole polytechnique fédérale. Ces recherches montrent clairement que, même si aucunes données ne sont collectées à l’échelle nationale sur la question, les facteurs socioéconomiques jouent un rôle important dans l’impact du coronavirus sur la population helvétique.

Virus plus présent dans les quartiers pauvres

Publiée en janvier 2021, la recherche réalisée à Genève sur 3355 cas atteste que le virus est plus présent dans les quartiers pauvres, et que les clusters y durent plus longtemps que dans les zones riches. Ainsi, dans un quartier défavorisé tel que le Lignon, un cluster était encore actif dans 85% des cas deux mois après sa détection, alors que ce chiffre tombait à 30% dans les zones aisées, comme les rives droite et gauche du lac. Selon l’étude, cette influence tiendrait non seulement aux questions de proximité entre les habitants, mais également à une problématique de santé publique, les personnes défavorisées souffrant davantage des conséquences du Covid-19 en raison de facteurs tels que les maladies chroniques ou l’obésité. Des mesures pratiques permettraient de limiter la circulation du virus, comme l’a fait le Canton de Genève en mettant à disposition des chambres d’hôtel pour préserver l’entourage d’une personne atteinte du Covid-19.

Inégalité face au télétravail

L’étude bâloise, menée en décembre 2020, constate elle aussi que la propagation du virus est plus lente dans les quartiers riches que dans le centre-ville, où la population est plus dense, plus jeune, les contacts sont plus fréquents et le travail à domicile plus rare.

Le télétravail, facteur de diminution de la contagion, n’est possible que dans certains secteurs et métiers où les revenus sont particulièrement élevés, note Unia dans un rapport détaillé. Selon l’étude de l’Université de Bâle, trois quarts des employés gagnant plus de 130000 francs par année peuvent travailler à domicile, contre un tiers de ceux touchant un salaire moyen de 70000 francs. D’autres recherches, réalisées au Canada ou en Angleterre, attestent également que le risque de contracter le virus et de développer une forme grave de la maladie touchent davantage les personnes défavorisées, aux petits revenus, et celles les plus exposées, comme dans le secteur des soins.

Les écarts de revenus se creusent

Une autre étude, du Centre de recherches conjoncturelles de Zurich, publiée en février, démontre que la pandémie creuse les inégalités existantes. Ainsi, note Unia, «les ménages situés au bas de l’échelle des revenus sont plus touchés par la crise que les ménages les plus riches dans la plupart des dimensions et, dans certains cas, de manière significative». Les ménages ayant un salaire inférieur à 4000 francs ont perdu quelque 20% de leurs revenus en moyenne, contre 8% pour ceux gagnant plus de 16000 francs. Les personnes au chômage partiel ont aussi subi une baisse de 20%. Un tiers des personnes interrogées et touchant moins de 4000 francs de salaire se sont retrouvées au chômage, partiel ou total, contre un sixième pour les ménages gagnant plus de 16000 francs. Les familles les plus pauvres s’étant retrouvées au chômage, soit 8% de celles gagnant moins de 4000 francs, ont perdu en moyenne 50% de leurs revenus… La recherche montre encore une chute significative de l’épargne des ménages à bas salaires, et l’endettement d’une personne sur neuf dans cette catégorie.

Les conséquences psychologiques ont également été bien plus fortes sur ces catégories de personnes. Un impact qui s’est aggravé entre la première et la seconde phase de semi-confinement. L’étude suisse sur le stress coronavirus montre une augmentation des symptômes de stress élevé, dû aux craintes en matière de santé et aux impacts des mesures décidées par les autorités. Ce stress élevé est passé de 11% à 20% chez les personnes interrogées. Celles ayant des symptômes dépressifs sévères sont passées de 3% avant la pandémie, à 9% pendant le confinement en avril 2020, à 12% en mai et à 18% en novembre.

Désamorcer la bombe sociale

Face à cette situation, où «les plus modestes sont au bord de l’abîme», Unia a présenté diverses revendications pour désamorcer la bombe sociale en préparation. En matière de santé, Unia exige une application et une vérification rigoureuse des concepts de protection au travail, de même qu’une augmentation des ressources pour les contrôles. Le syndicat demande aussi que les personnes devant être à l’isolement ou en quarantaine puissent disposer de leur propre chambre, et que les autorités y pourvoient si nécessaire. Enfin, Unia réclame une stratégie de vaccination prenant en compte les facteurs socioéconomiques et un accès rapide au vaccin pour les personnes vivant dans des zones plus exposées.

Concernant les aspects économiques, Unia réclame une compensation à 100% du salaire jusqu’à un salaire net de 5000 francs en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT). Il exige qu’il soit possible de percevoir l’aide sociale indépendamment de son statut ou de son permis de séjour. Enfin, il demande la mise en place d’une nouvelle redistribution afin de faire face aux inégalités croissantes, en introduisant par exemple une taxe de solidarité sur les revenus en capital. «Seule une stratégie de solidarité pourra empêcher cette crise sanitaire de dégénérer en crise sociale aiguë. Les décisions politiques doivent ainsi davantage tenir compte des expertises socioéconomiques», souligne le syndicat.

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