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La solidarité rivée au cœur

portrait de Andrea Antoniotti sous un parapluie
© Thierry Porchet

Andrea Antoniotti déplore le manque d’engagement syndical des jeunes.

Cette année, Andrea Antoniotti fête 50 ans de militantisme syndical. Un engagement naturel pour cet ancien mécanicien italo-suisse

Il n’a jamais manqué un cortège du 1er Mai. Une manifestation. Une distribution de tracts. Une récolte de signatures. Et même la retraite venue, Andrea Antoniotti a poursuivi son engagement solidaire. Aujourd’hui, à 75 ans, cet Italo-Suisse vivant à Monthey, en Valais, fête ses 50 ans de militantisme syndical. Un combat naturel pour cet homme amical, prompt à tutoyer ses interlocuteurs, qui s’irrite devant l’égoïsme, «pire que le cancer». Mais s’il peut piquer des colères, il retrouve très vite son calme. Et pour cause. L’homme, sensible, déteste les conflits, privilégiant le dialogue et la bonne entente avec tous. Un trait de caractère qui ne l’a pas empêché de se mobiliser tout au long de son parcours pour ses collègues comme pour ses proches. Il dira d’ailleurs, regardant dans le rétroviseur de sa vie, ne nourrir aucun regret sauf, peut-être, celui de n’avoir pu aider davantage de personnes. Et le retraité de continuer à rêver à un monde «plus juste, plus humain, où personne ne souffrirait de la faim», lui qui associe le bonheur à ces conditions tout en se disant néanmoins heureux à son niveau, grâce aux siens et à ses amis. Même si, tout au long de l’entretien, il laissera poindre une certaine mélancolie et nervosité, entre soucis familiaux et baisse de forme... Ce monde meilleur auquel il croit encore, il y a contribué à son échelle.

«Seul, on ne peut rien»

Syndiqué de la première heure, socialiste, cet ancien mécanicien n’a pas ménagé ses efforts pour faire avancer les choses. De 1966 à 1987, travaillant pour Zwahlen et Mayr (Z&M) puis, jusqu’en 2003, pour la société associée, Giovanola, l’homme a occupé dans les deux structures la fonction de vice-président de la commission d’entreprise. «Je me battais pour de bonnes conditions de travail, des rémunérations justes, les vacances...» note Andrea Antoniotti, relevant que, déjà dans les années 1968-1969, Z&M accordait un 13e salaire aux ouvriers. Ces deux sociétés, remarque-t-il encore, ont été par ailleurs parmi les premières à donner congé aux ouvriers le jour de la Fête internationale des travailleurs. Il souligne aussi le passage sans perte d’acquis de la Convention collective d’entreprise, qualifiée de bonne, à celle nationale de la branche. «La lutte collective est importante. Seul, on ne peut rien», poursuit le retraité tout en déplorant une solidarité en perte de vitesse auprès des jeunes. «Il faudrait mener une réflexion syndicale approfondie sur ce sujet. Motiver la relève, l’inciter à s’unir.» Un objectif prioritaire selon le militant, toujours actif au sein du comité romand et valaisan des retraités d’Unia, qui estime aussi capital d’œuvrer à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Comme il s’inquiète de la numérisation du monde professionnel et de la disparition de postes, de la diminution des prestations chômage, des risques pesant sur les retraites...

Doublement fêté

«J’ai pour ma part eu la chance de bénéficier d’une bonne ambiance au travail sauf à la fin, l’entreprise ayant fait faillite. J’aimais beaucoup mon métier. J’ai consacré 44 ans de mon existence à la mécanique.» Une vie de labeur – «On ne comptait pas nos heures, aussi avec le job à la vigne» – qui a débuté dans nos frontières en janvier 1962. «Je viens de Toscane, en Italie. Je travaillais alors à deux heures de trajet de mon village. Pénible. Sur les conseils d’un copain, j’ai bouclé ma valise pour le Valais où je l’ai rejoint.» Le plein-emploi et un petit goût pour l’aventure ont aussi motivé le jeune homme d’alors à immigrer. A son arrivée, il œuvre pour différentes entreprises et passera deux ans au barrage en construction du Mattmark. «Un chantier assez dur avec quelque 800 ouvriers. Je réparais les pelles mécaniques. On vivait dans des baraques à deux. Il y avait beaucoup d’Italiens de Belluno (Vénétie). Originaire de Toscane, j’étais l’étranger», se souvient Andrea Antoniotti qui a épousé en 1967 une Valaisanne. «On a fêté l’an dernier nos noce d’or. Deux fois. En Suisse et en Italie», relève le septuagénaire, père de deux grands enfants qui, au bénéfice de la double nationalité, serait bien emprunté s’il ne devait en choisir qu’une.

 

Pas de peur

«Ma vie est ici, mais je tiens à mes racines. Je n’aime pas entendre de critiques sur les étrangers. Elles me font mal. Même si je ne suis pas visé», poursuit l’immigré qui passe volontiers du temps à la Colonie italienne. «Là, on parle plus fort. On peut...» sourit-il alors qu’il continue à se rendre deux ou trois fois par an dans son pays natal, y suit l’actualité et le sport. A Monthey, le retraité ne manque pas d’occupation: jardin potager – avec le plaisir d’offrir des légumes à son entourage –, ski de fond et raquette en hiver, garde de sa petite fille, parties de cartes avec ses amis, balades dans la nature... «J’aime bien partir à la cueillette des champignons. Mais dans ce cas, tout seul, pour rester concentré», précise Andrea Antoniotti qui, interrogé sur ce qui lui inspire de la peur, hésite avant de répondre un «Ma... rien. J’ai de bonnes relations avec tous. Quant à la mort, elle fait partie de la vie», lance ce catholique qui apprécie le pape François. «Il en faudrait plusieurs comme lui. Il est ouvert, humain, sincère», relève-t-il avant de conclure sur une note plus joyeuse, chassant les ombres ternissant un moral un rien en berne: «Que la vie continue. Avec bonne humeur!» Une invite appuyée alors par une pétillante lumière dans ses yeux bleus.