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La Suisse a bel et bien violé le droit de manifester

1er Mai virtuel depuis un salon.
© Olivier Vogelsang

Les manifestations du 1er Mai avaient été interdites en 2020 lors de la première vague du coronavirus. L’USS s’était rabattue sur un débat en ligne, et quelques actions avaient néanmoins eu lieu en défense de salariés ayant perdu leur travail.

La Cour européenne des droits de l’homme donne raison aux syndicats genevois qui avaient dénoncé l’interdiction des réunions et des manifestations au début de la pandémie

Pandémie ou pas, les droits fondamentaux de réunion et de manifestation doivent être respectés. Voilà, dans les grandes lignes, la position de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans son arrêt du 15 mars dernier. Pour rappel, cette dernière avait été saisie par la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) en mai 2020, en pleine première vague du Covid-19, à la suite de l’adoption, deux mois plus tôt, par le Conseil fédéral d’une ordonnance interdisant toute manifestation publique ou privée ainsi que l’exercice des droits politiques.

Invoquant l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège la liberté de réunion et d’association notamment syndicale, la faîtière pointait la contrainte de devoir renoncer à la manifestation du 1er Mai et, de manière générale, l’impossibilité de prendre part à des réunions publiques.

«Les syndicats avaient dénoncé la différence de traitement entre les employeurs, qui pouvaient librement continuer à employer du personnel en l’exposant à des contaminations, tout en interdisant à ce même personnel de se réunir, dans le respect des normes sanitaires, et d’exiger collectivement un renforcement de leurs droits, rappelle la CGAS dans un communiqué de presse. Et les employés du commerce de détail alimentaire qui se voyaient à l’époque parfois interdire par leur employeur de porter un masque alors qu’il n’existait pas de restrictions pour la clientèle non plus. Ce même personnel n’avait par contre pas le droit de se réunir à l’air libre et de manifester publiquement pour exiger des mesures.»

Jugement capital

Deux ans plus tard, la CEDH vient de confirmer l’illégalité de l’interdiction générale de manifester, décrétée par le Conseil fédéral et les autorités cantonales. Une satisfaction pour la CGAS. La Cour reconnaît très clairement le manque de proportionnalité et l’atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs. «Le jugement est capital, car il met en lumière l’importance de la liberté de réunion pacifique dans une société démocratique, et considère que l’ingérence de l’Etat n’était pas nécessaire et que celui-ci a outrepassé sa marge d’appréciation», réagit Anna Gabriel, secrétaire régionale d’Unia Genève et vice-présidente de la CGAS. Dans les faits, il faut rappeler que c’est sans doute cette procédure qui a convaincu le Conseil fédéral de modifier rapidement l’ordonnance en question, permettant de nouveau les manifestations de nature politique.

«En tant que syndicat, notre devoir est de recourir à toute mesure de lutte quand les droits des salariés sont bafoués, y compris le recours aux instances judiciaires, comme dans ce cas-là, poursuit la syndicaliste. Ainsi, à l’avenir, nous pourrons toujours faire valoir cette décision, nous pourrons rappeler que les autorités doivent faire très attention quant à la restriction des droits fondamentaux et nous n’hésiterons pas à poursuivre notre combat pour le droit de manifester qui est de plus en plus attaqué.»

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