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La Suisse se rapproche des cancres

L’Arabie saoudite, le Costa Rica, la Fédération de Russie, la Finlande, Israël, le Kirghizistan, Madagascar, le Mexique, le Nigeria, le Qatar, le Soudan, la Suisse et le Venezuela partagent un point commun. Tous ont vu leur note se dégrader en matière de respect des droits des travailleuses et des travailleurs. Notre pays a reculé d’un point sur l’échelle établie annuellement par la Confédération syndicale internationale (CSI). Un barème allant de 1 pour les meilleurs élèves à 5 pour les pires. La Suisse se rapproche des cancres. Et passe du deuxième au troisième rang, ce qui correspond à des «violations régulières» des droits des salariés. Et pour cause. Elle n’a pas avancé d’un iota dans la nécessité de protéger les représentants du personnel et les employés engagés syndicalement contre les menaces de licenciement. Des personnes courageuses, solidaires, qui risquent de perdre leur job en défendant les intérêts de leurs collègues lors de négociations ou de conflits collectifs dans l’entreprise. En montant au créneau pour protéger la santé et la sécurité de leurs pairs. Durant l’exercice de référence analysé par la CSI, pas moins de 21 figures de proue de salariés ont été abusivement congédiées. Un chiffre probablement bien plus élevé. On ne parle là que de dossiers connus et documentés.

Ces représailles foulent aux pieds les droits fondamentaux garantissant la liberté syndicale. Elles sont rendues possibles par la passivité du Conseil fédéral. Et ce quand bien même il a ratifié la convention en la matière de l’Organisation internationale du travail (OIT), dont le siège mondial se trouve à Genève. Une attitude particulièrement indigne d’un pays se targuant plus souvent qu’à son tour d’une démocratie exemplaire. Et supposé tenir les engagements pris.

Une lueur d’espoir avait pourtant été entraperçue en 2019 avec l’organisation par le gouvernement d’une médiation réunissant les partenaires sociaux. Cette initiative coïncidait avec l’inscription de la Suisse sur la liste noire de l’OIT des 40 cas les plus préoccupants. Et avait dès lors généré le retrait de notre pays de ce répertoire honteux. L’image helvétique était provisoirement sauve. Une image qu’il fallait d’autant plus soigner qu’on s’apprêtait à fêter le centenaire de l’institution. Autant dire qu’on avait mis la charrue avant les bœufs. La démarche inaugurée par les autorités a traîné en longueur avant que les patrons ne jettent l’éponge en décembre dernier. Et demandent au conseiller fédéral Guy Parmelin de suspendre le processus. Cet échec cinglant couronne deux décennies ou presque de recommandations visant à renforcer la protection syndicale formulées par l’OIT et ignorées. Et se trouve à l’origine aujourd’hui de la baisse de la note de la Suisse.

La situation n’est plus acceptable. Les syndicats exigent une reprise immédiate de la médiation tripartite. Si la démarche n’aboutit pas, ils misent encore sur le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme. Rappelons que Strasbourg doit statuer sur le cas toujours pendant des grévistes de l’Hôpital de la Providence, à Neuchâtel, qui avaient été licenciés en 2013. En l’absence de résultats, les organisateurs des travailleurs lanceront une initiative populaire. La pratique doit changer. Il faut mettre un terme au blanc-seing dont bénéficient des employeurs revanchards qui peuvent se séparer d’employés jugés dérangeants sans sanctions réellement dissuasives. Aujourd’hui, moyennant quelques mois de salaire aux personnes licenciées, l’affaire est pliée. L’obligation de les réintégrer comme le réclament les syndicats n’existe pas. Une marge de manœuvre laissant aux patrons tout loisir de jouer du couperet final. Et instiller un climat de peur propre à décourager et à bâillonner toute opposition interne en dépit de la justesse des luttes menées.