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La vie en vert

Julien Perrot pose au milieu des plantes.
© Thierry Porchet

«Préserver la nature, c’est protéger notre avenir», martèle, depuis plus de quarante ans, Julien Perrot, particulièrement inquiet par la perte de la biodiversité.

Père du célèbre magazine La Salamandre, auteur de plusieurs livres, Julien Perrot travaille à la rédaction d’un nouvel ouvrage émaillé de réflexions philosophiques sur la nature. Une source inépuisable d’inspiration et d’émerveillement.

La préservation de la nature pour boussole. L’amour du vivant comme moteur. Le souci de le partager comme objectif. Depuis plus de quarante ans, Julien Perrot poursuit sur sa ligne écologique, mû par une passion qui ne s’est jamais essoufflée. Bien au contraire. Au fil des ans, le fondateur du magazine La Salamandre, âgé 52 ans, a étoffé le champ des activités, diversifiant les supports pour servir au mieux la cause défendue. Outre l’édition de trois revues destinées à différents publics cibles et réunissant 80000 abonnés en Suisse et en France, La Salamandre publie des livres et des guides, produit des documentaires animaliers et organise chaque automne un festival. Julien Perrot anime aussi une chaîne Youtube, La minute nature. L’entreprise compte 27 collaborateurs et fonctionne sur le modèle de la gouvernance partagée. «Je n’ai jamais nourri le rêve d’être chef», souligne Julien Perrot, séduit par cette forme d’organisation qu’il préconise à large échelle. Aujourd’hui, le quinquagénaire, air juvénile et yeux rieurs, travaille encore à la rédaction d’un nouvel ouvrage. Ce dernier traitera de la flore et de la faune dans nos contrées et sera émaillé de réflexions philosophiques. Un projet que l’auteur mène à travers le prisme de son parcours et de son intérêt pour l’environnement, plantant ses racines dans l’enfance.

Sous le charme d’un dinosaure miniature

Julien Perrot a grandi entre Aubonne et Allaman. Gamin, il consacre son temps libre à arpenter et à observer la campagne. «Je me trouvais en décalage avec mes camarades. Ils s’intéressaient au foot, à leur boguet, moi aux fourmis.» Une virée en nature va particulièrement le marquer. Rembobinage. Un soir de pluie, protégé par un ciré jaune et des bottes en plastique, le gosse d’alors, âgé de 11 ans, se balade dans les bois, au bord d’une petite rivière. De belles limaces et des grenouilles retiennent son regard quand, soudain, il remarque, contre une souche moussue, une bestiole noire et jaune. «Un dinosaure miniature. J’étais émerveillé», se souvient l’écologiste de la première heure. Cette singulière rencontre avec une salamandre l’incite alors à partager son engouement pour l’environnement. Mais aussi sa tristesse d’assister à sa destruction. «Très tôt, j’ai vu des ronds-points et des centres commerciaux remplacer prairies et marais.» 

Le naturaliste en herbe récupère la machine à écrire de sa grand-maman et entame la création d’un fanzine consacré à la nature. La Salamandre est lancée. Photocopiée et vendue à l’école et aux membres de la famille, la revue artisanale attire l’attention d’un journaliste animalier qui décide de médiatiser l’histoire du petit Perrot. Le plus jeune rédacteur en chef du pays enchaîne les plateaux télévisés. Les demandes d’abonnements affluent...

Un chemin montré par la Terre

Au fil du temps, le périodique se développe, l’ordinateur s’est substitué à l’ancienne mécanique piégeant les doigts. Le passionné décroche un diplôme de biologiste. Et décide de transformer son hobby en métier, soucieux de continuer à transmettre un message qui n’a pas évolué: «La nature est belle inestimable. La protéger, c’est préserver notre avenir.» Un avertissement qui porte en lui l’urgence d’agir. Mais depuis le début de l’engagement de Julien Perrot, la situation de la flore et de la faune n’a cessé de se détériorer, encore aggravée par des températures qui s’affolent. «Le dérèglement climatique est le chemin que la Terre a trouvé pour nous inciter à changer de paradigme. Cette crise et celle de la biodiversité sont liées. Nous avons perdu beaucoup de temps», déplore l’écologiste, insistant sur l’effondrement de nos conditions de vie. «Les limites planétaires ont été atteintes. Ça va mal se terminer», prévient ce père de famille, en couple, confiant sa peur pour l’avenir de ses trois enfants, dont deux issus d’une première union. 

Responsabilités faussées

«La nature, c’est le vivant. Ce qu’on a de plus précieux. En la détruisant, on fait preuve d’un égoïsme, d’une arrogance extrêmes. Toute ma vie, je me suis inquiété pour les arbres, les libellules, les papillons... Mais c’est désormais la survie de notre civilisation qui est en jeu», note le biologiste, critique face à notre mode de vie et de consommation. «La majorité des êtres humains se hissent au-dessus des autres. On submerge la planète d’écrans et d’objets plastiques. Plus rien ne nous limite, c’est le triomphe de la science, de la technologie. On marche sur la tête», ajoute-t-il, fustigeant au passage les élites, les multinationales, le lobby pétrolier. Qui cherchent à orienter le débat en faisant porter la culpabilité de la crise aux citoyens afin de s’affranchir de leurs responsabilités.

Un constat qui n’empêche pas le défenseur de la biodiversité de rester positif grâce à l’action. En restant attentif à savourer l’instant présent. Et, bien sûr, vitaminé par ses échappées dans la nature – «Mon moyen de rester debout». Car Julien Perrot n’apprécie rien de plus, hormis l’amour qu’il porte à sa famille, que ses soirées passées à observer des sangliers, les marches en montagne, dormir sous les étoiles, etc. Et confie en revanche sa détestation des voitures, des avions, du béton, de la passivité du monde politique, du gaspillage ou encore de la croyance en une technologie prétendument apte à résoudre les problèmes. A ce monde bruyant, pollué, cimenté et absurde, Julien Perrot lui préfère depuis toujours celui de la nature. Et évoque la joie et la paix ressenties dans la contemplation d’un paysage inspirant. Comme celui d’un petit lac à proximité de mélèzes, son arbre préféré, sous la neige. «Le temps alors s’arrête.» Une remise à l’heure des pendules plus que bienfaitrice, favorisant une reconnexion à l’environnement essentielle...