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L’allocation pour impotent: un droit méconnu

Personne âgée marchant dans la rue.
© Thierry Porchet

Combien de personnes à l’AVS ne savent pas qu’elles ont droit à une prestation lorsqu’il leur est devenu impossible d’effectuer seules certains gestes quotidiens comme aller faire ses courses ou se laver? L’allocation pour impotent est une aide appréciable.

Une personne à l’AVS ayant besoin d’une aide régulière pour les actes de la vie quotidienne a droit à cette prestation ignorée

C’est une allocation méconnue. Au nom peu engageant. Pourtant, elle concerne un nombre considérable de personnes ayant besoin de l’aide régulière d’un proche ou d’une connaissance. Une prestation qui pourrait soulager de nombreuses familles. L’allocation pour impotent est destinée aux bénéficiaires de l’assurance invalidité (AI) et aux retraités touchant l’AVS. Si les personnes à l’AI semblent mieux la connaître, les retraités souffrent d’une absence d’information absolue sur ce droit pour lequel chacun cotise. «Une personne est considérée comme impotente lorsqu’elle a besoin d’une aide régulière d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie (se vêtir, faire sa toilette, manger, etc.) et que son état nécessite des soins permanents ou une surveillance personnelle», indique la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS sur son site internet. Pour les personnes à l’AVS, le montant de cette allocation varie selon que l’impotence est considérée comme faible (237 fr. par mois), moyenne (593 fr.) ou grave (948 fr.). Pour les bénéficiaires de l’AI, les sommes sont doublées. Chaque assuré AVS nécessitant l’aide de son conjoint, de ses enfants ou de proches, qu’il touche ou non des prestations complémentaires et quelle que soit sa fortune ou son revenu, peut prétendre à cette allocation, exonérée d’impôts, pour autant qu’il réside en Suisse.

Délai de carence injuste

«Il y a un manque d’information incroyable», s’indigne Rosi Déglise-Nisticò, de l’association MoDC (Mobilità, Diritti e Cittadinanze – Mobilité, droits et citoyenneté) qui conseille et soutient les Italiens résidant en Suisse, dont beaucoup sont aujourd’hui à la retraite. A ce déficit d’information, s’ajoute une grande injustice: le versement de l’allocation ne débute qu’après un an de carence. «Si une personne tombe malade aujourd’hui, atteinte par exemple d’une maladie foudroyante mettant à dure épreuve le conjoint ou les enfants, il faudra attendre une année pour obtenir ce soutien. Si la personne décède entre-temps, elle n’aura droit à rien… Il serait souhaitable que ce délai de carence soit supprimé», estime la responsable du bureau lausannois du MoDC. D’où l’importance de ne pas tarder à déposer une demande. «Pour cela, il faut présenter un certificat médical attestant que l’on a besoin de l’aide d’autrui pour accomplir les tâches de la vie quotidienne. La requête doit être adressée à l’Office AI du canton de domicile qui l’instruira et définira le degré d’impotence. Ce qui est essentiel pour obtenir l’allocation, c’est que l’aide apportée par les proches soit régulière et stable», explique Rosi Déglise-Nisticò. Elle précise que cette allocation peut être reçue même si les services à domicile passent régulièrement. «Cette aide permet par exemple aux proches de trouver d’autres relais pour être soulagés et éviter l’épuisement et les frictions.» A certaines conditions, si l’aide régulière a débuté plusieurs années auparavant, un versement rétroactif peut être envisagé.

Nécessité d’informer

Reste l’absence d’information sur ce droit très peu connu. «On privilégie aujourd’hui le maintien à domicile. Une telle allocation permet aux personnes d’y rester plus longtemps. C’est très important pour eux et pour tout le monde, on gagne sur tous les plans, ça coûte beaucoup moins cher que l’aide à domicile ou le placement en EMS», remarque Rosalia, qui témoigne ci-dessous. Forte de son expérience, elle invite à ce que cette prestation devienne automatique dès que médecins ou services sociaux constatent une situation de dépendance.

TÉMOIGNAGES

«Je suis furax!»

«Cela fait plus de sept ans que mon papa a des problèmes artériels. Il a eu plusieurs opérations, notamment aux genoux ou aux pieds. Il a plus de 80 ans et vit toujours à la maison avec ma maman qui, elle aussi, n’est pas en grande forme. Mais elle l’aide pour les gestes de la vie quotidienne. Il a de la peine à s’habiller, à se lever la nuit, à marcher. Il faut l’accompagner à la salle de bains et pour tous ses déplacements. Mes parents n’ont qu’une petite retraite. Grâce à cette allocation, ils peuvent payer une personne pour quelques tâches ménagères. Mais je suis furax: mon papa aurait pu bénéficier de cette aide depuis des années et on ne le savait pas. J’ai appris son existence par quelqu’un de ma famille. Ce n’est pas normal que l’Etat n’informe pas les gens qui ont des graves problèmes sur leurs droits et que l’on doive passer par le bouche-à-oreille. Je suis sûre que beaucoup de personnes dans le besoin n’ont pas les moyens de payer quelqu’un pour s’occuper d’eux.»
Floriane (prénom d'emprunt)


«Pourquoi n’ont-ils rien dit? Ce soutien est précieux»

«Pendant près de dix ans, alors que mon papa était bien malade, ma maman s’est occupée de lui, avec mon aide et celle de mon frère. Ils n’ont jamais rien demandé à personne, jamais sollicité d’aide. Après le décès de mon papa, il y a six ans, ma maman était épuisée. Elle n’arrivait plus à sortir, à faire les courses. Avec mon frère, nous avons assuré une présence tous les jours, pour la lessive, les commissions, le nettoyage, les paiements. Nous la prenions à tour de rôle le week-end chez nous. Elle est devenue très dépendante. Il y a un peu plus d’un an, ma tante m’a demandé si j’avais fait les démarches pour obtenir une aide. J’ai appelé l’association MoDC et je suis tombée des nues! Ma maman aurait déjà eu droit à quelque chose pour mon père, indépendamment des prestations complémentaires (PC). Chaque année, mon frère se rend au bureau des PC pour les démarches administratives mais personne ne lui a parlé de cette allocation pour impotence. Pourquoi n’ont-ils rien dit? Pourquoi le médecin n’en a-t-il jamais parlé? Ce soutien est précieux. On aurait pu faire venir quelqu’un pour le ménage, ou demander à une voisine de passer une fois par jour, avant de faire appel au centre médico-social qui coûte un saladier! Pour moi et mon frère, qui étions à bout, cela aurait aussi été bénéfique. Depuis que l’on a fait la demande d’allocation, l’automne dernier, la santé de ma maman s’est dégradée. Elle est aujourd’hui en attente de placement dans un EMS. J’ai un respect total pour les institutions, mais ce que je reproche, c’est de ne pas avoir été informée durant toutes ces années du droit à cette prestation.»
Rosalia