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L’équité fiscale n’est pas un luxe…

Attention, place économique en danger! C’est la ritournelle servie à chaque fois que les privilèges des plus riches de notre pays risquent d’être égratignés par une revendication syndicale ou, en l’occurrence, une initiative. La semaine dernière, le Conseil fédéral, par son ministre des finances Ueli Maurer, et le patronat, par la voix de l’Union suisse des arts et métiers, ont dit tout le mal qu’ils pensaient de l’initiative des Jeunes socialistes visant à imposer davantage les revenus du capital. Une proposition «dangereuse», «nuisible», «inutile» et menaçant les emplois.

Le texte, sur lequel nous voterons le 26 septembre, demande simplement plus de justice fiscale. Les revenus des travailleurs sont taxés dès le premier franc. Les revenus du capital (intérêts, dividendes et autres produits de la spéculation) bénéficient de certains avantages fiscaux. De plus, ces gains sont le fruit du travail de petites mains et de salariés qui n’en voient pas la couleur. Comme en témoigne la famille Blocher qui a distribué aux actionnaires de sa société EMS-Chemie, la semaine dernière, 397 millions de francs réalisés grâce au labeur de son personnel, et après avoir procédé à des licenciements au début de la pandémie. Cette entreprise est la pire de Suisse en matière de répartition de la richesse produite entre salariés et actionnaires: les seconds touchant l’équivalent de deux fois le montant du total des salaires versés chaque année. Mais EMS-Chemie est exemplaire, comme l’ont dénoncé les Jeunes socialistes, des privilèges accordés aux plus riches. Ainsi, les personnes possédant plus de 10% des actions d’une société ne sont imposées que sur le 70% des dividendes au niveau fédéral et environ 50% au niveau cantonal.

L’initiative «Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital», ou «initiative 99%», veut corriger cela avec une redistribution de la fortune des 1% des nantis – qui détiennent près de 43% des richesses de Suisse – vers la grande majorité de la population. Le texte prévoit que les dividendes dépassant un certain seuil, par exemple de 100000 francs par année comme le proposent les auteurs, soient imposés à hauteur de 150%. Les quelque 10 milliards de recettes fiscales engendrées permettraient de diminuer les impôts des personnes à petits et moyens revenus ou de financer des éléments de prospérité sociale, tels que crèches, services publics, aides à la formation et assurances sociales.

Pour les opposants qui se démènent contre la proposition, attaquer les revenus des mieux lotis pourrait les faire déguerpir de Suisse et nuirait à l’emploi. Or pour l’heure, le constat est que les plus fortunés continuent de s’enrichir, y compris pendant la crise du Covid-19; que les écarts entre petits et gros revenus ne cessent de croître; et qu’aucune retombée en matière de postes de travail et de hausse de pouvoir d’achat ne voit le jour. Quant au ministre Ueli Maurer, qui mène campagne en alléguant que les richesses sont bien réparties en Suisse, il devrait ausculter les chiffres des recours aux prestations complémentaires et ceux de la pauvreté pour constater les graves inégalités qui sont loin de se combler. Et lorsqu’il évoque la complexité du texte, on ne peut que sourire: on se souvient de sa réforme de l’imposition des entreprises, basée sur des déductions des plus alambiquées…

La peur est toujours mauvaise conseillère. Pour l’heure, seuls 45% des votants sont prêts à soutenir le projet des Jeunes socialistes. Or les énormes écarts sociaux existant dans notre pays devraient suffire à convaincre. Glisser un oui dans l’urne aboutirait non pas à un écroulement économique, mais à un peu plus d’équité dans un monde dominé par l’arrogance financière.