L’association propose en août deux après-midi de découverte avec, comme fil conducteur, la contestation des développements techniques et structurels
Cet été à Genève, les amateurs d’histoire sociale auraient tort de manquer l’après-midi de découverte autour des résistances aux développements techniques et structurels que proposent les Archives contestataires. Créée en 2007 à l’initiative de l’historien Charles Magnin, qui s’était «agité» dans les mouvements étudiants autour de 1968, et de la militante «historique» du MLF genevois Rina Nissim, cette association, dont le but est de collecter et d’archiver les documents de mouvements sociaux de la seconde partie du XXe siècle, entrouvre ses cartons et dévoile à cette occasion quelques-uns de ses trésors. Deux sessions se sont déjà tenues au mois de juillet et il reste deux dates, les 8 et 29 août, pour se rendre à Carouge dans les locaux de l’ancienne usine Lucifer-Parker. Animé par l’historien Frédéric Deshusses, auteur de Grèves et contestations ouvrières en Suisse 1969-1979 (Editions d’En Bas, 2014) et employé des Archives contestataires, l’activité proposée ressemble à un séminaire universitaire, la convivialité en plus. Il y a d’ailleurs beaucoup de jeunes parmi la vingtaine de personnes présentes dispersées entre quatre tables. Chaque groupe de travail a pour mission d’analyser des documents, souvent originaux, avant de les exposer à l’ensemble de l’assistance. Il y a là des brochures, des études, des notes, des journaux et une vieille cassette audio. «La lutte contre les conséquences néfastes de l’évolution technique nécessite le maximum d’unité de la part des travailleurs. Celle-ci ne peut s’obtenir que par la dénonciation de l’adversaire patronal et bourgeois comme préalable à toute étude et proposition», lit-on dans des notes manuscrites de Charly Barone, datant de 1974, en vue de la rédaction d’un bilan du Groupe de base de l’imprimerie. Décédé en 2011, ce typographe était aussi membre du Centre de liaison politique, un mouvement qui rassembla jusqu’à cent militants inspirés par le maoïsme. L’atelier des Archives contestataires intéressera autant les «vieux», qui ont connu ces années-là, leurs acteurs, et qui veulent s’y replonger, que les jeunes qui pourront découvrir cette période pas si éloignée. Pour Frédéric Deshusses, les documents présentés «résonnent particulièrement dans la période actuelle», même si la jeune génération est parfois surprise par le vocabulaire marqué de l’époque. «L’automatisation au service de la rentabilité et du profit amène une déqualification, un travail parcellisé, une soumission à la machine», dénonce, en 1973, une brochure d’étudiants de l’Institut d’études sociales. Les enjeux restent bien actuels. A la fin de la séance, autour d’un verre, les participants pourront encore consulter journaux et les tracts de la commission du personnel de Lucifer, ce fabriquant d’électrovalves qui connut une grève en 1976, et déambuler entre les murs de l’usine malheureusement promise à une destruction prochaine.