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«Les cantons n’ont pas les moyens de tout contrôler»

Chantier.
© Thierry Porchet

Que ce soit sur les chantiers ou dans les entreprises, les moyens pour contrôler le respect des règles de sécurité face au coronavirus sont dérisoires par rapport à l’ampleur de la tâche. Unia continue d’exiger l’arrêt des activités non nécessaires.

Le Conseil fédéral veut privilégier la poursuite des activités et demande aux cantons de s’assurer que les mesures de l’OFSP sont respectées. C’est irréaliste et irréalisable selon Unia

Maintenir l’activité économique coûte que coûte, tel est le credo du Conseil fédéral. A tel point que ce dernier a serré la vis aux cantons qui ont décidé de se montrer plus stricts en fermant certaines branches, à l’image du Tessin et de Genève. Désormais, les entreprises doivent prouver qu’elles ne peuvent pas exercer en respectant les mesures dictées par l’OFSP pour suspendre leur activité et bénéficier du chômage partiel. De la même manière, un canton peut demander la fermeture totale ou partielle des secteurs non essentiels si, et seulement si, son système de santé arrive à saturation.

Le gouvernement veut se montrer rassurant en promettant que les lieux de travail seront contrôlés, mais qu’en est-il dans la réalité? Contactée, la Suva nous informe que dix inspecteurs sont chargés de tourner en Suisse romande. «Ils contrôlent les conditions de travail habituelles mais aussi la mise en application des recommandations de l’OFSP», affirme Jean-Luc Alt, son porte-parole. Cela dit, en cas d’infraction, la Suva n’a aucun pouvoir de sanction, l’exécution des mesures incombant aux cantons. A ce jour, l’institution n’a pas pu nous donner de statistiques sur les contrôles réalisés depuis le début de la pandémie. «Il n’y aura pas de dotation d’inspecteurs supplémentaire de notre côté, ajoute Jean-Luc Alt. Cela se jouera plus au niveau de l’inspection cantonale.»

Profit avant tout

Dans le canton de Vaud, Yves Defferrard, secrétaire régional d’Unia, est catégorique: les annonces du Conseil fédéral ne sont pas du tout en adéquation avec la réalité sur le terrain. «Même si on cumulait l’inspection cantonale, paritaire et celle de la Suva, ce serait nettement insuffisant pour contrôler rien que le secteur de la construction. La semaine passée, 75% des contrôles du canton réalisés sur les chantiers ont montré une infraction, sans compter les quelque 200 dénonciations formulées par Unia dont seulement 12 ont été traitées...» A ce jour, le syndicaliste n’a toujours aucune idée du nombre d’inspecteurs cantonaux actuellement sur le terrain, malgré ses multiples sollicitations. Pour Yves Defferrard, le Conseil fédéral a fait le choix de placer le profit avant la santé. «On nous fait des annonces spectaculaires depuis Berne qui sont irréalistes et irréalisables. Ce qui est annoncé ne fonctionne pas. La seule solution reste donc de stopper toutes les activités non essentielles et de les réactiver seulement si on a la preuve tangible et solide que l’activité peut se faire sans aucun danger pour les travailleurs.»

Inspection cantonale à la traîne

A Genève, la situation est un peu différente. «Dans la construction, c’est l’inspection des chantiers, à savoir onze personnes, qui se charge des contrôles», souligne Alessandro Pelizzari, secrétaire régional, très critique par ailleurs avec la décision du Conseil d’Etat de permettre la réouverture des chantiers. Mais sur les 3000 chantiers arrêtés, 200 seulement ont fait une demande de réouverture et seront contrôlés systématiquement. «Il est aussi possible que l’on mandate des inspecteurs paritaires pour leur venir en aide s’ils sont débordés.»

Si dans la construction, la casse est limitée, ce n’est pas le cas dans les autres branches. «Dans l’industrie, les contrôles dépendent de la Suva, qui est très peu dotée, poursuit le responsable syndical. Nous verrons comment cela se déroule quand les usines rouvriront. Pour le reste, c’est catastrophique. L’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) a totalement loupé le coche: quasiment aucun contrôle n’a eu lieu pendant deux semaines. Nous attendons un déploiement de force beaucoup plus important de la part de l’OCIRT, mais aussi qu’il ferme immédiatement les lieux de travail en infraction, et non pas qu’il se contente de demander des mises en conformité.»

En Valais, la Suva observe que la distance sanitaire sur les chantiers est souvent impossible à respecter. Unia demande une nouvelle fois l’arrêt des chantiers par l’inversion du fardeau de la preuve et réclame aussi plus de contrôles dans la vente, où les consignes de sécurité ne sont pas appliquées de manière uniforme selon les enseignes.

Enfin, dans le canton du Jura, l’initiative cantonale pour disposer d’une équipe de contrôle des entreprises porte ses fruits. En une semaine, six inspecteurs ont vérifié 140 entreprises et prononcé 40 mesures d’interdiction, dans les commerces, la construction et les usines. Il n’y a en revanche qu’un seul contrôleur dans le Jura bernois à la connaissance d’Unia, alors que le tissu industriel y est comparable...

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