Les partenaires sociaux forgent un compromis pour la LPP
Patrons et syndicats ont trouvé un accord pour réformer et moderniser la prévoyance professionnelle
La nouvelle réforme de la prévoyance professionnelle se dessine. Les syndicats et l’Union patronale suisse ont trouvé un accord et présenté il y a deux semaines au conseiller fédéral Alain Berset leur proposition pour assainir et moderniser le 2e pilier.
Pour mémoire, le Conseil fédéral et le Parlement avaient déjà voulu réduire le taux de conversion minimal, qui détermine le niveau de la rente LPP, de 6 à 6,4% en raison de la baisse du rendement des placements, mais le projet avait échoué dans les urnes en 2010 après un référendum lancé par les syndicats qui dénonçaient un «vol des rentes». Une nouvelle tentative avait été faite en vain au travers du paquet Prévoyance 2020. Après cela, Alain Berset avait invité les partenaires sociaux à présenter leurs recettes. «La réforme que nous proposons tire les leçons de ces deux échecs et vise une solution pragmatique où les partenaires sociaux ont chacun fait des concessions», a expliqué à la presse Pierre-Yves Maillard, le président de l’Union syndicale suisse (USS).
L’Union patronale, l’USS et Travail.Suisse suggèrent d’abaisser le taux de conversion à 6% en une seule fois. Concrètement, si vous avez mis 100000 francs de côté, au lieu de toucher 6800 francs par an de rente LPP, vous ne percevrez plus que 6000 francs… Pour compenser ces pertes, les syndicats et l’Union patronale ont heureusement prévu l’introduction d’un supplément de rente fixe financé par une cotisation salariale paritaire de 0,5%. Contrairement au principe du 2e pilier, ce financement ne reposera donc plus sur une capitalisation personnelle, mais sur le modèle de répartition solidaire de l’AVS. Le supplément profitera d’abord aux travailleurs âgés de 50 ans et plus au moment de l’entrée en vigueur de la réforme. Durant cette période de quinze ans, les cinq premières cohortes de retraités toucheront 200 francs par mois en plus, les cinq suivantes 150 francs et les cinq dernières 100 francs. Ensuite, le Conseil fédéral fixera chaque année le montant du complément sur la base des moyens disponibles.
Selon les calculs des partenaires sociaux, un salarié de 64 ans ayant un revenu annuel correspondant au maximum LPP obligatoire de 85320 francs ne subira pas de baisse de rente grâce au complément. Mieux, dès l'entrée en vigueur de la révision, les assurés à faibles revenus et à temps partiel profiteront d'une amélioration sensible des prestations. Un travailleur du même âge avec un revenu de 60000 francs bénéficiera d'une augmentation mensuelle de 85 francs par rapport à aujourd’hui. Et, selon les projections, une personne âgée de 24 ans disposant d'un revenu de 60000 francs percevra une rente mensuelle supérieure d'environ 100 francs, et de 200 francs si elle ne gagne que 40000 francs.
Autre point positif, la déduction de coordination, qui détermine le salaire assuré, sera réduite de moitié. On sera désormais assuré à partir d’un salaire annuel de 12443 francs, ce qui profitera aux postes à temps partiel, on pense en particulier aux femmes.
Petite avancée
On sera encore loin de garantir à chacun des montants de retraite qui permettent de vivre dignement sans avoir recours aux prestations complémentaires. En compensant la baisse du taux de conversion, en augmentant substantiellement les rentes des faibles revenus, en élargissant l’assiette des assurés et en introduisant une dose de solidarité dans le 2e pilier, ce projet constitue toutefois une petite avancée. Président de l’Union patronale, Valentin Vogt a reconnu que le supplément de rente au financement solidaire était une «pilule désagréable à avaler» et qu’il avait suscité «beaucoup de discussions» dans les rangs des employeurs. Son intérêt est de «réduire le taux de conversion de 6% d'un seul coup tout en garantissant le niveau actuel des rentes», il est donc «dès lors susceptible de rallier une majorité». Pour Pierre-Yves Maillard, il s’agit d’un «compromis qui consolide les rentes et renforce la solidarité». Rappelons que l’USS s’est aussi récemment entendue avec l’Union patronale sur une série de mesures en faveur des travailleurs âgés, notamment une rente-pont dès 60 ans pour les chômeurs en fin de droits.
Evidemment, ce projet des partenaires sociaux ne règle pas tous les problèmes de la LPP. Le président de l’USS voudrait aussi entreprendre d’autres actions afin de «réduire les coûts de gestion et les marges de profit permises par le droit actuel» et «le pouvoir excessif laissé aux experts qui privilégient systématiquement le principe de prudence».
La balle est maintenant dans le camp d’Alain Berset, qui doit élaborer un avant-projet, et du Parlement qui décideront ou non de reprendre tel quel le projet de l’Union patronale, de l’USS et de Travail.Suisse. L’Union suisse des arts et métiers (USAM), de son côté, refuse de conclure le deal. Comme l’UDC et le PLR, la faîtière connue pour ses positions très à droite ne veut pas entendre parler d’extension des prestations ni de répartition dans le 2e pilier. «Nous serons évidemment très attentifs à la mise en œuvre de cette réforme et suivront le travail du Conseil fédéral et du Parlement en espérant qu’ils ne dénatureront pas le compromis trouvé, ce qui naturellement nous amènerait à revoir notre position», a prévenu Pierre-Yves Maillard. En évitant les écueils, la réforme pourrait entrer en vigueur à partir de 2021.