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Lieux de travail, terreau d’incidents racistes...

Banderole "Barrons la route au racisme".
© Neil Labrador/archives

Humanrights et la Commission fédérale contre le racisme viennent de présenter le rapport 2020 sur les incidents racistes dont un grand nombre se sont déroulés sur les lieux de travail et dans le voisinage des personnes

Inégalités de traitement, attitudes dénigrantes, refus de prestations, insultes, calomnies, accusations mensongères, profilage racial, propagande raciste, menaces, dommages à la propriété, voire même violences physiques, etc. En 2020, le Réseau des 23 centres de conseil pour les victimes du racisme a documenté et évalué 572 cas de discrimination raciale. Ces incidents et leur analyse ont fait l’objet d’un rapport dressé par l’ONG de défense des droits humains, Humanrights, et la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Cette récente étude, la treizième du genre et étoffée d’exemples concrets, montre que la fréquence des problèmes constatés est particulièrement élevée sur les lieux de travail (95 cas) et dans le voisinage des victimes (72 cas). Cette situation s’explique par les effets de la pandémie, la vie sociale s’étant, l’an passé, essentiellement réduite à ces espaces. «Ce que nous pouvons observer durant cette crise sanitaire nous démontre, une fois encore, que l’incertitude et les tensions au sein de la société sont des circonstances propices au dérapage et au non-respect des personnes. La tentation du bouc émissaire est toujours présente en période de difficultés. Elle prend malheureusement de plus en plus la forme de “fausses nouvellesˮ et de théories du complot douteuses et faciles à répandre sur les réseaux sociaux...» déclare, dans l’introduction du rapport, Martine Brunschwig Graf, présidente de la CFR.

Nécessité de la tolérance zéro

Le déplacement d’incidents racistes dans la sphère privée, en particulier dans la vie de quartier, se révèle lourd de conséquences. «L’expérience du racisme dans l’environnement de vie, l’endroit où l’on devrait se sentir le plus à l’aise et en sécurité, est particulièrement stressante pour les personnes concernées», souligne Humanrights dans un communiqué. Et l’ONG d’insister sur la nécessité de sensibiliser les gérances immobilières, les propriétaires et le voisinage à cet état de fait, estimant qu’ils doivent être tenus «responsables des agressions et de l’absence des possibilités d’action pour protéger les locataires».

Le lieu de travail reste toutefois le domaine le plus touché par la problématique où stéréotypes et préjugés génèrent des inégalités de traitement. «Les entreprises et les institutions publiques doivent enfin prendre leurs responsabilités et adopter une position ferme, intransigeante et cohérente contre toutes les formes de racisme et de discrimination, et mettre en place une politique interne de tolérance zéro.» La nécessité de la formation continue des cadres et des employés est évoquée. Les autres domaines dans lesquels ont eu lieu des discriminations regroupent, par ordre d’importance décroissant, les espaces publics et l’administration, les centres de formation, les réseaux sociaux et les interactions avec la police. La xénophobie, puis le racisme anti-Noir et enfin l’hostilité à l’égard de personnes musulmanes sont les principaux facteurs générant des discriminations.

Pointe de l’iceberg

Le rapport consacre aussi un chapitre aux données relatives aux victimes. La plupart d’entre elles sont européennes (168). Un facteur qui n’a rien de surprenant, la grande majorité de la population étrangère résidant dans nos frontières provient d’un pays du Vieux-Continent. Viennent ensuite des ressortissants d’Afrique (148), puis du Proche-Orient et d’Asie centrale (58). Détail piquant: les centres de conseil ont épaulé un grand nombre de personnes suisses (87) discriminées car perçues comme étrangères. Des Erythréens et des Syriens ont aussi eu recours aux prestations des centres. Reste que le rapport ne reflète qu’une partie de la réalité du racisme en Suisse. Le nombre de cas non signalés demeure élevé selon l’étude. Les raisons évoquées sont multiples. Parmi ces dernières: l’existence d’autres structures non spécialisées confrontées à la problématique ou traitant par exemple d’un aspect spécifique du racisme comme l’hostilité à l’égard de personnes musulmanes ou l’antisémitisme. Les victimes renonceraient aussi bien souvent à se manifester, «par méconnaissance des services à disposition, par défiance, ou parce qu’elles ont peur, ou tendance à minimiser ou à refouler certains incidents».

Discrimination au travail: un exemple tiré du rapport

Monsieur K. travaille depuis vingt ans comme chef de cuisine dans une entreprise de restauration, lorsque celle-ci procède à un licenciement collectif. Monsieur K. ne se voit pas proposer d’autre emploi, son préavis de licenciement n’est pas respecté et on ne lui verse pas de prime de fidélité comme à ses collègues. Monsieur K. se sent trahi et humilié par l’entreprise.

Lors de l’entretien avec le centre de conseil auquel il s’est adressé, il évoque par ailleurs les innombrables remarques, gestes et inégalités de traitement méprisants subis sur son lieu de travail. Avec l’aide de son interlocuteur, il écrit à la direction de son entreprise qui propose un rendez-vous. Une première rencontre en présence de personnes du centre et de M. K. est organisée, suivie d’une seconde entrevue avec, alors, le supérieur direct de la victime. Qui hésite à y participer, redoutant cette confrontation. Il finit par s’y résoudre. L’histoire se termine par des excuses des responsables et du chef de M. K. pour les expériences racistes et discriminatoires auxquelles il a été confronté, aux souffrances occasionnées, ainsi que pour les erreurs commises lors de la procédure de licenciement. Il va aussi avoir droit à la prime de fidélité...

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