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L'importance des radios libres pour la vie citoyenne et la paix au Congo

De passage en Suisse, le spécialiste des médias Pascal Chirhalwirwa plaide pour une presse pacifiée et responsable

Les récentes élections en République démocratique du Congo (RDC) ont mis en lumière l'importance des médias et plus particulièrement de la radio, dans ce pays qui sort péniblement d'une longue période de dictatures, de guerres et de troubles intérieurs. Pascal Chirhalwirwa est bien placé pour savoir que la radio est souvent le seul moyen d'information de la population en dehors de la capitale, Kinshasa. Ce journaliste congolais de 33 ans travaille dans une station de radio de Bukavu, dans la province du Kiwu, près du Rwanda. Il travaille aussi et surtout pour l'institut Panos Paris, une ONG française qui a pour but d'encourager la production d'une information axée sur la paix, la démocratie et la bonne gouvernance. Il est chargé d'accompagner dans cette démarche les médias des trois provinces orientales du Congo.

Chez un ami syndicaliste
Pascal Chirhalwirwa a récemment fait un séjour privé en Suisse. Hébergé au Locle, chez le militant Unia Jean-Marie Rotzer, il a effectué des petits stages au quotidien L'Impartial et à la radio locale RTN. Et en a profité pour informer les médias suisses de la situation des médias au Congo. A part dans la capitale, il n'y a quasi aucun journal dans cet immense pays. «La radio est donc le média le plus répandu, et de loin. Pas seulement pour donner des nouvelles du pays et de l'étranger mais aussi pour tisser des liens dans les campagnes, participer à l'éducation et donner des informations de proximité. Les petites stations locales, avec des émetteurs bricolés et des bénévoles au micro se multiplient. Elles sont importantes pour l'unité de ce pays qui a été brisée par la guerre de 1998. L'écoute collective fait désormais un peu office de place du village, de débat public, d'acte citoyen. Les villageois ne font pas qu'écouter, ils participent, ils jouent un rôle véritablement interactif. Parfois, des petits enregistreurs sont prêtés aux auditeurs qui réalisent à leur tour des petits reportages.»

Radio citoyenne
Davantage qu'informer, ces radios locales forment la population. «On y parle d'hygiène, d'accès à l'eau potable, de plantes médicinales, d'éducation des enfants, des préjugés, des comportements, de la culture des terres. La radio fait un travail d'enseignement pour les nombreuses personnes analphabètes peuplant la campagne.»
L'extraordinaire popularité de ces radios peut être une chance ou un cauchemar, selon à quoi on les voue. On se souvient en effet du rôle décisif joué par l'infâme radio gouvernementale rwandaise dans le déclenchement des massacres ethniques, il y a quelques années au Rwanda. A l'opposé, on se souvient aussi du formidable travail de «Radio hirondelle», dans l'appui aux survivants et l'aide aux réfugiés. Voilà pourquoi le jeune journaliste congolais tient à responsabiliser les protagonistes des médias de la région, à les accompagner sur la voie de la paix, de l'objectivité et de la pluralité de l'information. Il s'agit aussi de «clarifier les choses et de définir les priorités dans un paysage médiatique partagé entre le gouvernement, l'ONU, les groupements religieux, les ONG et différents groupes de pression». Mission difficile. Mais Pascal Chirhalwirwa n'est pas homme à reculer face à l'adversité. Il l'a prouvé en 2004, au moment de la prise sanglante de Bukavu. «Je suis resté au micro toute la semaine, pour faire le lien avec l'ONU. J'ai subi des menaces de mort et un gardien de la station a été abattu, mais il fallait continuer, c'était mon devoir de paix.»

Pierre Noverraz