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Loi climat: urgent besoin de travailleurs

Un chantier de panneaux solaires désert.
© Neil Labrador/archives

Du personnel qualifié est nécessaire pour construire la Suisse de demain. Pour cela, de bonnes conditions de travail sont indispensables.

Après l’acceptation de la Loi climat, Unia appelle à l’amélioration des conditions de travail dans les branches de la transition pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre. Rénovation des bâtiments, remplacement des chauffages ou encore installations solaires sont au nombre des activités qui nécessiteront davantage de personnel qualifié

Les métiers de l’artisanat, dans le secteur de la construction, sont essentiels pour la politique climatique suisse. Unia l’a martelé lors d’une conférence de presse la semaine dernière. Le syndicat souligne l’urgence de trouver du personnel qualifié pour rénover les bâtiments, remplacer les systèmes de chauffage et poser des installations solaires. A l’horizon 2035, près de 87000 postes seront nécessaires, selon une étude de la Haute école zurichoise de sciences appliquées. «Or, aujourd’hui, une pénurie alarmante de main-d’œuvre fait rage dans les branches clés de la transition écologique que sont la technique du bâtiment et l’électricité», alerte Bruna Campanello, membre du comité directeur d’Unia et coresponsable du secteur des arts et métiers. Dans ces deux branches, des négociations pour le renouvellement des conventions collectives de travail (CCT) sont en cours.

L’amélioration de ces CCT est donc essentielle pour attirer de nouveaux travailleurs et notamment des apprentis. «Tant dans la technique du bâtiment que dans l’électrotechnique, plus de la moitié des places d’apprentissage étaient encore inoccupées en mars 2023, souligne Bruna Campanello. Le secteur de l’électricité enregistre en outre un taux d’interruption d’apprentissages très élevé. Sur les contrats conclus en 2017 pour une formation, 34% ont été résiliés prématurément.» De surcroît, selon une enquête menée par Unia auprès de 2000 électriciens, plus de 44% des sondés veulent ou ont déjà envisagé de quitter la branche. Les raisons invoquées: des salaires insuffisants, des journées à rallonge, le stress lié à la pression des délais et au manque de personnel qualifié. Autant de griefs qui se retrouvent dans les métiers de la technique du bâtiment.

Renforcer l’attractivité

«Le programme SuisseEnergie se targue d’avoir invité toutes les personnes représentant le secteur du bâtiment concernées par la problématique de la pénurie de main-d’œuvre dans les métiers de la transition écologique, afin d’y apporter des réponses. Au-delà de cette déclaration d’intention, il est symptomatique de constater que les autorités fédérales n’ont pas jugé nécessaire de consulter les organisations syndicales, puisque seules les associations patronales y ont été conviées… assène Aldo Ferrari, coresponsable du secteur des arts et métiers d’Unia. Les seules mesures retenues dans le rapport pour renforcer l’attractivité des branches professionnelles renvoient à la promotion du temps partiel ainsi qu’à l’édiction de concepts de protection de la sécurité, de la santé et d’hygiène sur les chantiers, à savoir le respect des prescriptions légales en la matière.» Des mesures clairement insuffisantes, selon le responsable syndical, qui s’insurge contre la position des associations patronales: «A ce stade des négociations, nous constatons toutefois que la seule réponse qu’ils entendent apporter à la pénurie de main-d’œuvre est une flexibilisation outrancière des horaires de travail. Plutôt que de valoriser leurs métiers, ils préconisent d’augmenter, si ce n’est de complètement déplafonner, le solde des heures supplémentaires autorisées. Avec pour effet de pressuriser encore davantage le personnel.»

Des investissements conséquents

La situation devrait encore se dégrader au vu du volume de travail attendu. Comme l’explique Peppina Beeli, secrétaire spécialisée en politique climatique et énergétique d’Unia, des subventions sont accordées au remplacement des chauffages fossiles à hauteur de 200 millions par an (pendant dix ans). S’y ajoutent les fonds du Programme Bâtiments, de la Confédération et des cantons, alimentés par la taxe CO2 (pour exemple, en 2021, 361 millions ont été versés) ainsi que l’encouragement aux installations photovoltaïques (450 millions en 2022, 600 millions pour l’année en cours). «La réussite de la transition énergétique et climatique passe nécessairement par des investissements conséquents», souligne-t-elle. Si des aides étatiques profitent aux propriétaires et aux carnets de commandes des entreprises, Peppina Beeli estime que «les subventions doivent aussi aller à celles et à ceux qui font le dur travail de la transition énergétique et climatique!»: «Les salariés dans ces emplois du futur méritent des salaires corrects et ont besoin de bonnes conditions de travail. Cela a aussi à voir avec la justice climatique.» Unia demande donc une augmentation urgente des salaires, l’introduction d’une retraite anticipée comme dans les autres branches de la construction, des journées de travail plus courtes, la prise en compte des déplacements professionnels dans le temps de travail, une augmentation des indemnités repas et des mesures concernant la santé et la sécurité.

Lors de la conférence de presse d’Unia, Bruna Campanello, accompagnée d’Aldo Ferrari et de Peppina Beeli.
Lors de la conférence de presse d’Unia, Bruna Campanello (au centre), accompagnée d’Aldo Ferrari et de Peppina Beeli, a alerté sur la pénurie alarmante de main-d’œuvre faisant rage dans les branches de la transition écologique. © Lucas Dubuis

 

Le climat n’attend pas

La Suisse est particulièrement exposée au réchauffement climatique. C’est ce qu’a rappelé Peppina Beeli, en se basant notamment sur un rapport de l’Office fédéral de météorologie: «Les étés deviendront plus chauds et plus secs. La température estivale moyenne pourrait augmenter jusqu’à 7 degrés d’ici à la fin du siècle. Cela s’accompagnera d’une augmentation du nombre de jours de canicule: jusqu’à 30 par an selon les endroits, d’ici au milieu du siècle. C’est une menace pour la vie des gens! Les étés caniculaires de 2003 et de 2015 ont montré comment la mortalité et les hospitalisations d’urgence ont augmenté. La sécheresse mettra sous pression la production alimentaire. Et alors que la somme des précipitations diminue globalement, certains épisodes de pluie seront d’autant plus violents, entraînant inondations, coulées de boue et éboulements.» La secrétaire d’Unia spécialisée en politique climatique et énergétique cite également le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui tire la sonnette d’alarme depuis des années: «Il ressort des rapports du GIEC que le temps nous est compté pour freiner le réchauffement, mais que nous devons nous battre pour chaque petit degré, car l’évolution n’est pas linéaire: si l’on atteint des points de bascule, la catastrophe menace.» Peppina Beeli en appelle à l’action: «Nous avons perdu des décennies et nous avons maintenant un très long chemin à parcourir en très peu de temps.» Or, la transition est encore beaucoup trop lente. Selon les chiffres du ReporterEnergie de SuisseEnergie, seuls 34,5% des systèmes de chauffage fonctionnent aux énergies renouvelables, et seulement 5,8% du potentiel solaire est utilisé pour la production d’électricité et la génération de chaleur. De surcroît, selon une étude du Fonds national suisse, seul un bâtiment sur cent est, pour l’heure, rénové chaque année sur le plan énergétique.

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