Plutôt introvertie et solitaire, Louiza Becquelin s’exprime à travers l’illustration, son métier et sa passion. Esquisse d’une dessinatrice sensible
Comme la plupart des enfants, Louiza Becquelin s’est, petite, piquée au jeu du dessin sauf qu’elle ne rangera jamais ses crayons et ses stylos. Stimulée par son environnement familial, la fille de feu Mix & Remix a tracé sa propre voie et travaille aujourd’hui comme illustratrice indépendante. Un métier, ou plutôt une passion, qui permet à la Lausannoise, diplômée de l’Ecole d’art et de communication, d’exprimer ses sentiments et ses émotions. De défendre ses valeurs. De refléter ce qui l’anime. En respectant sa nature un rien sauvage. «J’ai toujours été plutôt introvertie et solitaire», confie la souriante et délicate jeune femme de 32 ans. Inspirée par la pop culture, l’artiste intègre volontiers dans ses créations personnelles des références cinématographiques. Spontanéité, fraîcheur et trait d’humour caractérisent ses réalisations. Sans oublier une certaine sobriété. Un style dépouillé, souvent ponctué par quelques mots, au service d’intérêts pluriels. Louiza Becquelin met volontiers son talent en résonance avec les questions de genre, notamment la culture queer, le climat ou encore le racisme. Mais si ces thématiques la touchent, elle ne milite pas dans des mouvements constitués. Son combat s’inscrit davantage dans des actes individuels, du quotidien. Peu de chance dans ce contexte de la croiser dans une manifestation – la foule l’angoisse vite, dira-t-elle – même si, exceptionnellement, elle aura rejoint dans la rue les militants du Black Lives Matter.
Le cœur à gauche
«Personne ne peut nier les discriminations subies par les personnes de couleur. Et pas seulement elles. Il suffit d’avoir un nom à connotation étrangère pour mesurer la portée du problème.» De quoi révolter l’illustratrice, le cœur à gauche, qui confie également son scepticisme par rapport au système capitaliste. Et ses inquiétudes pour l’environnement influençant son comportement. Louiza Becquelin a ainsi mis les voyages entre parenthèses. Elle se souvient avec un certain malaise d’un séjour en Inde en raison de l’empreinte carbone, mais aussi de la différence de niveau de vie. «Nous avons tellement plus de moyens... Je ne milite dans aucune structure, mais je partage mes opinions. A travers mon travail. Dans mon entourage. Je fais également des efforts dans mon existence», affirme la jeune femme attentive, par exemple, à réduire ses déchets ou encore à consommer local, des produits du marché, de saison. Elle cultive d’ailleurs sur son balcon un petit potager et passe volontiers du temps derrière les fourneaux. Mais pas de produits carnés et de poissons au menu, la végétarienne les a bannis. «Si je suis invitée, je ferai toutefois une concession, histoire de ne pas froisser mon hôte», nuance la trentenaire qui n’en espère pas moins que le marché de la viande «soit entièrement repensé».
Besoins limités
Proche de la nature, aimant les animaux, en particulier sauvages, même si les hérissons la font craquer, Louiza Becquelin se réjouit, à la rentrée, de déménager avec son ami dans la campagne fribourgeoise. «Me balader me ressource, me donne de l’entrain. Au même titre qu’un dessin», indique cette lève-tôt qui débute ses journées à 5h30 du matin. «Je calque mon horaire sur le soleil. Je commence par m’occuper de mon jardin, puis je fais un peu de yoga avant de me mettre au boulot. J’ai davantage d’énergie le matin. Je marche aussi beaucoup et me couche de bonne heure.» Pour gagner sa vie, l’illustratrice peut s’appuyer sur des commandes de clients réguliers même si la pandémie de coronavirus aura compliqué la donne. «La période de semi-confinement s’est révélée difficile en termes de revenus. J’ai aussi souvent des mandats pour la culture. Et le prétendu oreiller de paresse mentionné par un conseiller fédéral faisant allusion à l’aide aux indépendants s’est avéré un soutien pour le moins symbolique. Heureusement, là, ça va mieux», note Louiza Becquelin qui, bien qu’elle concède vivre modestement, ne regrette pas son choix professionnel. «Evidemment, avec une famille ce serait nettement plus compliqué. Mais je n’ai pas beaucoup de besoins. Et j’ai adapté ma vie à mes moyens», poursuit l’illustratrice, dotée d’une grande capacité de résilience. «Je rebondis vite. Je suis une personne volontaire. Et mets beaucoup d’énergie dans ce qui me plaît», affirme cette optimiste, trouvant son bonheur dans une forme de sérénité et le rire.
Journal intime
«Je suis heureuse. Mais bien sûr, il ne s’agit pas d’un état permanent», souligne la sympathique et sensible dessinatrice, intégrant dans son existence une dimension spirituelle. «Je ne m’identifie pas à une religion établie, mais crois à certaines choses de l’ordre du karma, des cycles, de l’intention.» Dans cet esprit, elle insiste sur la notion du respect. Du vivant, mais aussi des choses. Elle voue par exemple un soin particulier aux cadeaux d’êtres qui lui sont chers comme si, justifie la jeune femme très attachée à sa famille, ils comportaient un peu de leur âme. Et de confier une de ses peurs, qui a marqué son adolescence. «Ce que je crains le plus c’est l’abandon. Le rejet. Ma période scolaire a été malheureuse. Je ne me sentais pas intégrée. Un peu comme un vilain petit canard. Mes camarades me trouvaient certainement aussi bizarre, fermée», souffle celle qui aura également su apprivoiser les mots, gagnant, au printemps 2019, un concours de poésie. Ses haïkus, comme l’exigeait la compétition, sont parus aux Editions de l’Age d’Homme, sous le titre Tout ce que reflète la nacre. Un genre littéraire proche, par la brièveté et la sobriété des versets, des illustrations de Louiza Becquelin. Elle précise néanmoins préférer ce dernier mode d’expression. Et, se prenant souvent comme modèle pour ses dessins, dira encore qu’ils sont un peu comme son journal intime...