Protégeons les travailleurs âgés
Il y a quelques années, Unia Genève dénonçait les licenciements récurrents des travailleurs âgés dans la construction. Une pression qui avait porté ses fruits puisque des mesures, telles que la mise sur pied d’une cellule de reclassement pour ces travailleurs licenciés ainsi que le rallongement du délai de congé, avaient été obtenues. Hélas, constate José Sebastiao, secrétaire syndical, les mauvaises pratiques du gros œuvre finissent toujours par arriver dans le second œuvre. «Depuis le mois d’octobre 2022, les syndicats genevois ont recensé une trentaine de cas de travailleurs de plus de 55 ans licenciés, alors que la CCT de la branche stipule justement que ces licenciements doivent être évités.» Le syndicaliste évoque le cas récent d’une entreprise qui a licencié une dizaine de travailleurs âgés, directement remplacés par des intérimaires et des sous-traitants. «Tout est une question d’économie: le but ultime des entreprises est de recourir à la main-d’œuvre la moins chère possible!»
Unia exigera au sein des discussions conventionnelles que la CCT SOR soit plus contraignante sur la question des travailleurs âgés, et qu’une cellule de reclassement soit mise en place au niveau de la Commission paritaire pour ceux dont le licenciement n’a pas pu être évité. «Ce dispositif a fait ses preuves dans le secteur principal de la construction», assure José Sebastiao.
Deux travailleurs du second œuvre ont accepté de témoigner.
Manuel, plâtrier, 61 ans
«Je suis dans le second œuvre depuis 25 ans à Genève. J’ai été licencié le mois dernier, sur-le-champ, pour un prétexte bidon. Avant cela, je n’avais jamais eu de problème avec mon employeur pour qui je travaillais depuis 2018. J’aurai 62 ans au mois de juin prochain, donc je ne crains rien pour ma retraite anticipée, à part des petites pertes financières, mais c’est quand même triste. Je ne pensais pas finir ma carrière de cette façon, je ne m’y attendais pas, d’autant que je suis encore en forme et que la qualité de mon travail a toujours été bonne. C’est déprimant, on se sent comme des moins-que-rien.
Mon poste a été repris par un jeune arrivé il y a quatre mois. Je n’ai rien contre lui, il n’y peut rien, mais il est urgent de mettre en place des protections pour nous, travailleurs âgés.
Avant, ce n’était pas comme ça. Les employeurs avaient une autre posture vis-à-vis de leurs employés. Maintenant, il n’y a plus de vision d’avenir ni de respect du travailleur. Il est uniquement question de faire de l’argent, et le plus vite possible.»
Joaquim, façadier, 61 ans
«J’ai été licencié en 2018 avec effet immédiat, avec une quarantaine d’autres collègues, pour cause de restructuration de l’entreprise. J’ai été quelques mois au chômage, puis j’ai enchaîné les missions intérimaires pendant plusieurs mois. J’ai fini par être gardé par une entreprise, mais toujours en temporaire. Je donnais le maximum chaque jour, car on me disait que, dès qu’une place fixe se libérerait, elle serait pour moi. Mais les promesses n’ont pas été tenues: malgré mon expérience et mon savoir-faire, ce sont des jeunes qui ont obtenu les postes. Nous, les anciens, ils nous utilisent tant qu’ils ont besoin, et ils nous jettent à la première occasion venue.
En février 2022, j’ai eu un accident. J’ai glissé sur un échafaudage qui était enneigé et je me suis déchiré deux tendons à l’épaule. J’ai dû être opéré. L’agence d’intérim m’a licencié un mois plus tard. Aujourd’hui, la Suva a cessé de me verser des indemnités et je n’ai plus de revenu. Je vais devoir m’inscrire au chômage et retrouver du travail très vite, sinon je vais perdre mon droit à la retraite anticipée (62 ans dans la branche, ndlr). Et si je le perds, je vais devoir aller jusqu’à 65 ans. Le problème c’est que je suis seulement à 60% de mes capacités à cause de mon épaule: dans les deux cas, qui va bien vouloir m’embaucher? Je suis très inquiet pour cette dernière année…»