Retour en arrière pour convaincre
Au Locle, Pierre-Yves Maillard, président de l’USS, a fait un détour par l’histoire pour exposer les enjeux de la votation du 3 mars
«Pour une fois, nous sommes à l’offensive. Nous sommes à un tournant.» Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse (USS), a fait le voyage au Locle pour parler des enjeux de l’initiative AVS x13. Une votation cruciale pour l’avenir des retraites, qu’il a mise en perspective en faisant un détour par l’histoire, celle qui débute un peu avant 1947, année de la votation ayant permis la création de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS). «A l’époque, quand on n’était plus en capacité de travailler, à cause de la vieillesse, d’un accident ou d’une maladie, il n’y avait plus un franc qui rentrait. Les gens vivaient dans l’angoisse de ne plus pouvoir nourrir leur famille. Dans les années 1930, il y avait un chômage de masse, des soupes populaires partout.» Le syndicaliste explique ensuite pourquoi, en 1947, ce que les syndicats demandaient depuis longtemps, notamment lors de la grève générale de 1918, a pu voir le jour: «Face à la misère, les gens se révoltent contre le système démocratique et se tournent vers des systèmes fascistes ou staliniens. En 1945, les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont pensé qu’il n’était plus possible de revenir à ces situations. Il y a eu une prise de conscience politique qu’il fallait développer la sécurité sociale.» D’où l’instauration, après-guerre, de grandes avancées en matière de sécurité sociale, avec notamment la création de l’AVS, ponctionnant une partie du produit du travail pour assurer l’absence de revenu à la vieillesse. «Mais depuis trente ans, un virus politique s’est répandu: le néolibéralisme. Un virus de l’oubli des leçons de l’histoire. Il a introduit l’idée du moratoire social, puis a commencé à dégrader ce qui avait été acquis. Ce n'est pas une question économique, mais un choix politique.» Il remarque aussi que beaucoup de personnes recommencent à avoir peur face à leur retraite, et qu’après des années d’oubli, les réponses de l’extrême droite réapparaissent.
Solidarité massive entre les générations
Abordant la campagne pour la 13e rente, Pierre-Yves Maillard dément un chiffre brandi par les adversaires, celui du nombre d’actifs par retraité qui diminuerait. «En 1947, il y aurait eu 6 actifs pour un rentier, et maintenant plus que 3. C’est faux. Il y avait 6 adultes pour un retraité. La moitié étaient des femmes qui, pour l’immense majorité, n’avaient pas de salaire. Au sens de l’AVS, il y avait donc 3,5 actifs pour un rentier.» Les inactifs n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, ajoute-t-il, mentionnant que les retraités actuels assument pour 8 milliards de francs de prestations de garde, soit l’équivalent de 80000 places de travail. «Quand on nous dit que la 13e rente AVS c’est prendre aux jeunes pour donner aux vieux, c’est le contraire qui est vrai! C’est grâce aux grands-parents qu’ils peuvent bosser. C’est une solidarité massive entre les générations.»
«Opération choquante»
Le président de l’USS fustige aussi les cinq anciens conseillers fédéraux qui ont écrit une lettre à 700000 retraités suisses alémaniques pour qu’ils rejettent la 13e rente. «Quand je les croiserai, je leur demanderai s’ils s’inquiètent pour leur retraite. Eux qui gagnent 23000 francs de rente par mois, et ont laissé la Confédération avec 50 milliards de dette! C’est un scandale de voir des gens qui vivent tous les mois avec autant qu’un retraité en une année s’opposer à cette 13e rente! C’est très choquant, cette opération de propagande financée par Economiesuisse.»
Lors de la discussion, un participant s’est enquis des chances de succès de la 13e rente en Suisse alémanique, la double majorité du peuple et des cantons risquant de faire défaut. «C’est très difficile à juger, a répondu Pierre-Yves Maillard. Les sondages étaient à 80% de oui en Suisse romande et de 58% à 65% en Suisse alémanique, mais cela a toujours tendance à baisser.» Il ajoute que l’USS investit des moyens outre-Sarine, que des débats ont lieu, qu’il a lui-même participé à l’Albisgüetli de l’UDC zurichoise et que les courriers de lecteurs sont à 9 sur 10 favorables à l’initiative syndicale, même dans la très conservatrice Weltwoche. «Mais cela reste la grande incertitude dans cette affaire.»