Au bout du lac, les autorités proposent d’ouvrir les magasins le dimanche 22 décembre, alors que le peuple a voté maintes fois contre l’extension des horaires le dimanche sans convention collective étendue.
Nouvelle menace pour les travailleurs de la vente à Genève. Le Département de l'économie et de l'emploi (DEE), par l’entremise de la police du commerce, propose d’ouvrir les magasins le dimanche 22 décembre 2024. Une consultation est prévue, mais les syndicats montent d’ores et déjà au créneau. Dans un communiqué de presse du 19 septembre, Unia et le SIT dénoncent cette énième tentative d’ouverture dominicale alors que le peuple s’est exprimé plusieurs fois dans les urnes (la dernière fois était le 28 novembre 2021) contre l’extension des ouvertures des magasins le dimanche sans que soit négociée une convention collective de travail (CCT) étendue dans la branche.
«Le DEE semble à nouveau vouloir se placer du côté des employeurs, sans prendre en compte la volonté populaire ni la voix du personnel, pourtant déjà exprimée par les syndicats lors d’échanges ayant précédé l’ouverture formelle de la consultation: toute ouverture dominicale supplémentaire n’est acceptable qu’en contrepartie d’une convention collective de travail offrant au personnel des compensations dûment négociées», insistent Unia et le SIT. «Et le fait que les organisations patronales souffrent depuis quelques années d’un manque de représentativité pour permettre l’extension d’une telle CCT ne saurait masquer le fait qu’elles n’ont jamais véritablement accepté d’entrer en matière sur cette négociation. »
Illégal et immoral
Pour les syndicats, cette nouvelle tentative de passage en force est d’autant plus problématique qu’elle est illégale. En effet, la Loi sur les heures d’ouverture des magasins (LHOM) actuellement en vigueur prévoit deux régimes: la possibilité d’ouvrir trois dimanches supplémentaires sans nécessité d’autorisation, mais conditionnée à l’existence d’une CCT étendue, ou un régime dérogatoire qui, lui, doit être soumis à une autorisation spéciale d’employer du personnel en application de la Loi fédérale sur le travail. Or, les conditions requises pour une telle autorisation ne seraient pas réunies selon Maître Christian Bruchez, spécialiste en droit du travail et avocat-conseil des syndicats sur ce dossier: «D’un côté, l’absence de CCT étendue dans le secteur empêche toute ouverture selon le régime ne nécessitant pas d’autorisation, et de l’autre côté, l’application du régime dérogatoire n’aurait aucune utilité pratique car les commerces n’obtiendraient pas d’autorisation d’employer du personnel ce jour-là.»
Pour les syndicats, l’attitude du DEE est choquante. «La lecture juridique que ce dernier semble vouloir faire de la loi, consistant à fusionner le régime ordinaire avec le régime dérogatoire pour finalement vider la LHOM de tout sens, revient à contourner la volonté du législateur confirmée par un vote populaire. »
Si le département de Delphine Bachmann persiste dans ce sens, le SIT et Unia préviennent qu’ils feront recours et mettront tout en œuvre pour faire respecter les droits des travailleuses et des travailleurs de la vente.