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«Par la fenêtre ou par la porte»

Un documentaire sur le long combat syndical et le procès contre France Télécom, sera projeté par le ciné-club MetroBoulotKino à Genève le 29 octobre.

Tout est hors normes dans l’affaire France Télécom. Pour mémoire, après un procès en appel, le 30 septembre 2022, les dirigeants de France Télécom (rebaptisé Orange) étaient condamnés à un an de prison avec sursis et à 15000 euros d’amende. Une peine largement insuffisante à la suite de la stratégie de la terreur exercée contre 22000 travailleurs poussés à la sortie, «par la fenêtre ou par la porte», selon l’expression cynique de Didier Lombard, le PDG de l’époque. Le réalisateur, Jean-Pierre Bloc, en a fait le titre de son documentaire, demandé par un collectif de syndicalistes dont Patrick Ackermann, délégué alors à SUD PTT, premier intervenant lors du procès.

Le film remonte jusqu’à 1987, aux sources du new management. Il retrace la privatisation de France Télécom en 2004, la course aux dividendes quitte à pousser à la sortie 22000 fonctionnaires en l’espace de deux ans, la détresse des employés et les suicides qui découleront de ce harcèlement terrifiant, le dépôt de la plainte pénale contre la direction en 2009, jusqu’au procès exceptionnel dix ans après… Des travailleuses, des travailleurs, des syndicalistes, des délégués, des professeurs, des sociologues, des médecins du travail, des avocats ou encore le directeur de France Télécom (de 2010 à 2022) rappellent les faits et la portée de ce procès. Avec le recul, le réalisateur, comme d’autres intervenants, parle de victoire – amère, certes, car la peine de prison est restée symbolique – parce qu’elle ouvre une brèche dans l’immunité des hautes sphères économiques. De surcroît, la notion de «harcèlement moral institutionnel» est entrée dans le droit français. Surtout, le documentaire tente d’ouvrir de nouvelles pistes de convergence des luttes, et de prise en compte politique des conditions de travail… 

Dans le cadre de son cours de sociologie des organisations et du travail à l’Université de Genève, la professeure Mathilde Bourrier a proposé ce film au ciné-club MetroBoulotKino qui l’a inscrit dans son programme. Entretien avec la sociologue.

L’affaire France-Télécom, devenu Orange, est-elle la pointe de l’iceberg du harcèlement au travail et plus largement du mal-être au sein des entreprises en France, mais aussi en Suisse et au-delà?

Certes, c’est une affaire française, où les sciences sociales ont été appelées à la barre – et c’est très rare – pour éclairer la décision des juges. Si ces cas de harcèlement extrême ne sont certainement pas isolés, reste que les suicides ont été accompagnés de messages vindicatifs à l’adresse de l’entreprise. C’est donc leur déroulement qui frappe, davantage que leur nombre qui n’était pas tellement plus élevé qu’ailleurs ou qu’à d’autres moments malheureusement. Les agriculteurs se suicident aussi, mais c’est beaucoup moins visible. On sait que nombre de travailleurs prennent des médicaments, des smart drugs (pour prétendument atteindre de meilleures performances, ndlr), mais on ne sait pas combien de suicides (non commis sur les lieux de travail) ou de fausses couches par exemple sont liés au stress. Et celui-ci continue d’augmenter*. 

Ce procès contre les dirigeants de France-Télécom a permis de faire jurisprudence en intégrant la notion de «harcèlement moral institutionnel»…

Le harcèlement moral n’existait qu’entre deux personnes. Aujourd’hui, il est élargi. Le procès a été très médiatisé et a déclenché un mouvement moral. A l’image des Printemps arabes: un homme s’est immolé, ce qui a déclenché la première révolution. 

Où en est le new management depuis son essor dans les années 1990?

A la base, l’idée de l’horizontalité au lieu de la hiérarchie, du travail par objectifs plutôt que par procédures, requalifiait la manière de travailler. Mais, concrètement, les rapports de travail sont restés très hiérarchiques. Toutes les promesses intéressantes ont failli dans une large mesure. Que donne-t-on réellement comme autonomie aux travailleuses et aux travailleurs? Quelle place ont-ils réellement à la table des décisions?

Comment améliorer la santé au travail?

Avec la pandémie et le télétravail – même si beaucoup d’entreprises font marche arrière en le limitant – il s’agit de changer la focale. Le bien-être de l’employé n’est pas seulement une question de poste de travail, car beaucoup travaillent à la maison ou dans les transports publics. Il s’agit aussi de prendre en compte les contraintes familiales, les nouvelles technologies… Les syndicats ont aussi un rôle à jouer dans cette évolution. 

Enquête 2022 de l’Office fédéral de la statistique

Par la fenêtre ou par la porte, mardi 29 octobre à 19h à Fonction Cinéma, à la maison des Arts du Grütli (Général-Dufour 16), à Genève, suivi d’une discussion avec la sociologue Mathilde Bourrier.

Plus d’informations sur metroboulotkino.ch et parlafenetreouparlaporte.fr

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