Stagnation et baisse des salaires, hausse des primes maladie et des cotisations au 2epilier, diminution des rentes: l’Union syndicale suisse veut contrer l’érosion des revenus des ménages
Le pouvoir d’achat des ménages est sous pression en Suisse. Tel est le constat affiché par l’Union syndicale suisse (USS) le 15 janvier, lors de sa traditionnelle conférence de presse de début d’année. En cause, des salaires réels faisant du surplace malgré la reprise économique, des revenus grignotés par les hausses incessantes des primes des caisses maladie, et par les cotisations réglementaires aux caisses de pension qui augmentent. Ces dernières sont passées de 18% avant la crise financière à près de 19,5% aujourd’hui. Malgré ce relèvement, les retraités voient aussi leur rente du 2epilier diminuer de manière importante.
«La situation économique suisse est en plein essor et diverses branches et entreprises affichent à nouveau de gros bénéfices, a relevé Giorgio Tuti, vice-président de l’USS. Cependant, au lieu de faire participer le personnel à ces résultats, les employeurs s’opposent énergiquement à des augmentations réelles des salaires qui seraient pourtant justifiées et nécessaires.»
Baisse des salaires réels
Vania Alleva, vice-présidente de l’USS et présidente d’Unia, a signalé que lors des négociations salariales, les syndicats ont été «confrontés à une dureté inédite de la part des employeurs». Même si le bilan final n’a pas encore été réalisé, elle estime qu’«après deux ans de stagnation salariale et alors que le renchérissement s’accélère, une baisse des salaires réels s’annonce pour l’année à venir.»
Selon la faîtière syndicale, les salariés les plus touchés par la diminution du pouvoir d’achat sont les employés de longue date, ayant vingt ans et plus d’ancienneté dans leur entreprise. «Depuis 2010, leur rémunération n’a pratiquement pas augmenté», précise l’USS qui a présenté une liste de mesures pour contrer cette tendance tant au niveau des salaires que des rentes.
«Accord-cadre inacceptable»
Aux faits exposés, s’ajoutent les risques d’accroissement de la pression sur les salaires et les conditions de travail qu’engendrerait immanquablement tout relâchement des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes et de la protection des salaires en Suisse. Vania Alleva a été claire à ce sujet: «L’accord-cadre négocié entre le Conseil fédéral et une délégation de l’Union européenne est inacceptable. Non seulement il sacrifie les instruments indispensables à d’étroits contrôles, soit le dépôt obligatoire de cautions, les annonces préalables ainsi que les contrôles auprès des indépendants. Mais tout le système des conventions collectives de travail (CCT) étendues, qui a fait ses preuves dans le cadre de notre partenariat social, est remis en question. Au cas où la Suisse devrait reprendre les directives européennes et où nos mesures d’accompagnement seraient soumises à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, le volet d’application de nos CCT serait compromis.»
Saluant le système suisse unique en Europe d’exécution des CCT par les partenaires sociaux, la vice-présidente de l’USS a souligné que les syndicats luttaient partout en Europe pour renforcer les droits des travailleurs. «Un coup d’œil au-delà des frontières le montre: quand le désordre s’installe sur le marché du travail, ce sont avant tout les nationalistes et les xénophobes qui en profitent. Il nous incombe en tant que syndicats de veiller, en renforçant les mesures d’accompagnement et les droits des travailleurs en général, à ce que les salaires et les conditions de travail helvétiques restent garantis à l’avenir. Il est hors de question d’affaiblir les mesures d’accompagnement», a-t-elle insisté.
Renverser la tendance
Afin de contrer la baisse des salaires, Vania Alleva a appelé à «un renversement de tendance», grâce à un rassemblement des forces et à une campagne interprofessionnelle. Outre les revenus des travailleurs de longue date, la syndicaliste vise une revalorisation des salaires féminins, dont les écarts avec ceux des hommes sont restés quasi inchangés depuis l’introduction de l’égalité dans la Constitution il y a bientôt 40 ans. Fustigeant l’attitude des associations patronales et des partis bourgeois opposés à toute amélioration de la Loi sur l’égalité, la vice-présidente a rappelé les quelques modifications obtenues après la grande manifestation de 20 000 personnes à Berne le 22 septembre. «Il est urgent de mettre en œuvre systématiquement ces améliorations, a-t-elle ajouté. Or c’est loin d’être suffisant. Il faut des mesures plus poussées, qui garantissent une véritable égalité et qui mettent un terme à la discrimination. C’est précisément ce que vise la grève nationale des femmes du 14 juin 2019. Notre travail de mobilisation se poursuit à plein régime, et les syndicats collaborent en vue de cette manifestation avec une vaste alliance des organisations féministes et progressistes.»