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Premier bras de fer contre Bolsonaro?

C’est peut-être le prélude d’une bataille d’envergure entre le monde du travail et le nouveau Gouvernement brésilien. Le 22 mars, syndicats et mouvements sociaux appellent à une journée nationale de lutte. Ils refusent la démolition du système de retraite

«Nous aurons un pays de personnes âgées et de travailleurs qui mendieront dans les rues», dénonce Guilherme Portanova, de la Confédération brésilienne des retraités et pensionnés. Le 22 mars, syndicats et mouvements sociaux brésiliens organiseront une première journée nationale de mobilisation. Il s’agira d’un «échauffement» en vue d’une grande grève générale. Dans leur collimateur: la proposition d’amendement constitutionnel (PEC) 6 transmise par le président Jair Bolsonaro au Parlement, le 20 février dernier. Ce projet de refonte du système de retraites, intitulé «Nouvelle Prévoyance», a été concocté par le ministre de l’Economie, Paulo Guedes. Pour Vagner Freitas, président de la Centrale unique des travailleurs (CUT), «il s’agit d’une attaque brutale contre la classe travailleuse».

Travailler plus longtemps

La révision fixe un âge limite obligatoire donnant droit à une rente de retraite: 62 ans pour les femmes (contre 60 aujourd’hui), 65 ans (inchangé) pour les hommes. Arrivés à cet âge, les salariés devront prouver une durée de contribution minimale de 20 ans – au lieu de 15 aujourd’hui – pour avoir droit à une pension.

La durée de cotisation nécessaire pour toucher une rente pleine sera augmentée de cinq ans – 40 ans pour les hommes, 35 pour les femmes. En cas de durée de cotisation insuffisante, les pertes de rentes seront bien plus élevées – jusqu’à 40% de manque à gagner.

En parallèle, la possibilité de toucher une retraite avant l’âge limite – permise aujourd’hui après 35 années de cotisations pour les hommes, 30 ans pour les femmes – est supprimée.

Il faut ajouter à ces reculs la coupe brutale dans le revenu d’assistance prévu pour les retraités les plus précaires – 4,5 millions de personnes. Des actuels 998 réaux mensuels (260 francs) il passera à 400 (105 francs) pour les personnes âgées entre 60 et 70 ans.

Comprendre le contexte

Pour une majorité de salariés, ces changements équivaudraient à un tremblement de terre. Selon l’Institut brésilien de géographie et statistique (IBGE), le nombre de travailleurs informels a dépassé, en 2017, le nombre de travailleurs occupant des emplois réguliers. Une majorité des personnes arrivées à l’âge de la retraite ne parvient donc pas à établir les vingt années de cotisations qui seront nécessaires pour toucher une rente. Conséquence: «Avec le projet de Bolsonaro, ces millions de salariés, pour la plupart des travailleurs pauvres, n’auront plus le droit à une retraite. Ils seraient condamnés à la misère. Et ceux qui arriveront à prouver vingt années de cotisations recevront une rente de retraite largement amputée.»[1]

Au Brésil, l’espérance de vie moyenne était de 76 ans en 2017. Mais les différences sont énormes selon la région et la classe sociale. Dans le Nordeste, les travailleurs ruraux meurent en moyenne dix ans plus tôt. Les conséquences de la PEC 6 y seraient dramatiques: «Fixer un âge de la retraite à 60 ans pour les travailleurs ruraux, femmes et hommes, assorti de vingt années de cotisations va condamner des contingents entiers à la misère absolue», dénonce Kelli Mafort, dirigeante nationale du Mouvement des sans-terre (MST). Pour le député fédéral João Daniel, issu du Parti des travailleurs, c’est aussi «la garantie de retirer le droit à la retraite à plus de 70% des travailleuses rurales du Nordeste».

Premier test

Les opposants à la «Nouvelle Prévoyance» dénoncent son objectif ultime: remplacer un système de retraite public, fondé sur la répartition, par la capitalisation privée – introduite par le projet de M. Guedes. Les marchés financiers, de leur côté, applaudissent.

Pour le président Bolsonaro, affaibli par une pluie de scandales – liens entre sa famille et les milices paramilitaires à Rio, affaires de corruption touchant son fils, le parti présidentiel et ses alliés –, la pilule ne sera pas facile à faire passer. Son prédécesseur, Michel Temer, s’est cassé les dents sur une réforme moins brutale.

La bataille des retraites pourrait donc être le premier bras de fer d’envergure entre l’équipe au pouvoir et le camp populaire.

1 Instituto Humanitas Unisinos, 25 février 2019.

 

Article paru dans le journal Services publics du SSP, le 8 mars.

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