Premières condamnations de la justice suisse pour corruption d’agents publics étrangers
Le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone a infligé une amende de 3 millions de francs à Trafigura, une société de négoce de matières premières, ainsi que des peines de prison ferme à deux accusés.
C’est une première pour la justice helvétique. Fin janvier, le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone a condamné une entreprise pour corruption d’agents publics étrangers. L’un de ses anciens dirigeants et un ex-responsable d’une société d’Etat angolaise écopent d’une peine de prison ferme.
Au terme d’un procès public très suivi, le géant du négoce de matières premières Trafigura, qui a des bureaux à Genève, devra s’acquitter d’une amende de 3 millions de francs pour des faits de corruption, ainsi que d’une créance compensatrice de 145 millions de dollars. Cette somme équivaut aux profits perçus grâce à une série de contrats obtenus en Angola, entre 2009 et 2011, à la suite du versement de près de 6 millions de dollars de pots-de-vin.
Ancien numéro deux de Trafigura – et par ailleurs pilote automobile – Michael Wainwright, Britannique résidant dans le canton de Genève, est condamné à 32 mois de prison, dont douze ferme. Une peine moins sévère que les quatre ans de prison ferme requis par le Ministère public de la Confédération à l’encontre de celui qui figure au classement du magazine Bilan des 300 plus grandes fortunes de Suisse. De plus, un homme d’affaires genevois, ex-employé de Trafigura devenu son intermédiaire en Angola, écope pour sa part de 24 mois avec sursis. Enfin, Paulo Gouveia Junior, ancien dirigeant de Sonangol, la compagnie pétrolière étatique angolaise, se voit infliger une peine de 36 mois de prison, dont quatorze mois ferme, pour avoir touché ces pots-de-vin.
Le Ministère public reprochait également à Trafigura de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher ces délits, sa réglementation interne de l’époque n’étant pas conforme aux standards internationaux en matière de prévention et de lutte contre la corruption. Cela alors que les activités du groupe dans le secteur pétrolier en Angola présentaient un risque élevé à cet égard.
L’ONG Public Eye salue un verdict qui sonne comme «un avertissement à l’ensemble du secteur des matières premières», au terme d’un procès ayant «mis en lumière les rouages de la corruption» existant dans ce négoce, dont Genève est l’une des places fortes mondiales. Public Eye (à l’époque «Déclaration de Berne») avait publié, dès 2013, un rapport montrant comment Trafigura contribuait à l’enrichissement d’une caste de dirigeants autocratiques au détriment de la population angolaise. «Terre d’accueil des plus grands négociants en matières premières, la Suisse doit enfin agir de manière préventive, en établissant des devoirs de diligence contraignants ainsi qu’une autorité de surveillance spécifique pour ce secteur à haut risque», estime l’ONG.
L’avocat de Michael Wainwright a d’ores et déjà annoncé qu’il ferait recours. En ce qui concerne Paulo Gouveia Junior et l’intermédiaire genevois, rien n’était encore décidé à l’heure où nous mettions sous presse.