Ecopsychologue, géographe, acteur du Réseau Transition et militant pour le climat, Micaël Metry voit dans la crise sanitaire actuelle une chance à saisir pour changer notre mode de vie
Ce matin, il est allé courir avant de se baigner dans l’eau gelée du lac Léman. Une manière de se ressourcer dans cette nature qu’il affectionne tant et pour laquelle il milite dans différents groupes, dont la Grève pour le climat et Extinction Rebellion. En sandales malgré une température guère clémente, calme et souriant, Micaël Metry analyse la pandémie du coronavirus à l’aune des déséquilibres environnementaux provoqués par les humains. Et d’une mondialisation qui a permis sa folle propagation. «Ce qui nous arrive aujourd’hui est directement lié à notre séparation d’avec la nature dont nous faisons partie. Aujourd’hui, elle se défend. Nous devrions chercher à comprendre ce qu’elle veut nous dire et en tirer les leçons plutôt que d’appréhender le coronavirus comme une menace extérieure, une guerre à mener, sans nous remettre en question», note le Vaudois qui, irréductible optimiste, y voit néanmoins une chance à saisir. «Ce virus est parvenu à paralyser un système économique morbide et déjà instable, le capitalisme, là où d’autres mouvements ont échoué. Bénéfique pour nous tous et la planète, même si, bien sûr, je suis touché par les décès. Je pense néanmoins que cette situation provoquera une prise de conscience et contribuera à la création d’une culture soutenable», déclare cet écopsychologue de 32 ans qui définit son activité comme «du travail qui relie». Une relation à soi, aux autres et à la Terre que le Vaudois, formé à cette discipline en Belgique, promeut aujourd’hui dans le cadre de stages. Une voie qu’il a découverte au retour de plusieurs longs voyages où sa sensibilité à la préservation de la planète n’a cessé de s’aiguiser.
A la force des mollets
«Après mon bachelor en géographie, j’ai décidé d’explorer le monde de manière plus concrète», raconte Micaël Metry. Le jeune homme sillonne alors la Suisse à vélo, puis visite le Canada et les Etats-Unis, en particulier les parcs nationaux, toujours à la force des mollets. Il parcourt ensuite avec son épouse l’Amérique du Sud à moto. Et rentre de ses périples avec une perception renforcée, celle de faire partie d’un tout, et une sensibilité exacerbée aux maux de la planète et à toutes les formes d’exploitations. Ses valises défaites, il termine un service civil comme animateur socioculturel auprès de personnes âgées, suit une formation de coaching, effectue un semestre à la Haute Ecole pédagogique avant de découvrir l’écopsychologie. Un domaine qui fait écho à ses centres d’intérêts tout en intégrant le facteur émotionnel. «Nous sommes des êtres avec un cœur, pas seulement cérébraux», souligne Micaël Metry, père depuis 14 mois, qui confie être profondément attristé par les blessures infligées à la Terre, la déforestation à large échelle, la disparition des espèces... Chagrin mais aussi colère contre les autorités, les multinationales, les lobbys de l’agroindustrie, les banques, etc. C’est notamment dans ce type de situations qu’intervient l’écopsychologie qui offre des clefs pour gérer peur ou désespoir, tout en favorisant la poursuite d’actions militantes.
Alignement avec soi
«Ce courant a été lancé dans les années 1970-1980 pour soutenir les personnes se battant contre le nucléaire. Il se fonde sur un processus composé de quatre étapes principales. Il s’agit dans un premier temps de s’ancrer dans la gratitude – la vie est un cadeau –, puis d’honorer sa peine, en d’autres termes d’accepter que ce présent soit menacé et de plonger dans des émotions dites négatives. La troisième phase tend à un changement de perception et la dernière pousse à agir», explique en substance Micaël Metry, qui œuvre aussi au sein du mouvement social Villes et territoires en transition. Ce dernier vise à surmonter les crises écologiques et économiques engendrées par le dérèglement du climat et la fin programmée des énergies fossiles et à promouvoir des initiatives locales durables. Résilience, relocalisation de l’économie et de l’agriculture, entretien des liens communautaires: autant de propositions qui reviendront souvent sur les lèvres de Micaël Metry qui, de son côté, a déjà opté pour la «sobriété heureuse». «Le progrès se mesure à la manière dont nous nous épanouissons sur cette Terre, non au confort matériel. J’y ai déjà largement renoncé pour ma part», affirme cet adepte de la décroissance, qui ne possède pas de véhicule motorisé, mange peu – «une fois par jour» –, cultive son potager et a banni le sucre de son alimentation... «C’est pour ça que je suis en pleine forme», jure le jeune homme qui, questionné sur sa définition du bonheur, répondra par: «Un alignement avec soi». Sa foi dans les êtres humains joue, elle, peut-être également un rôle quant à sa faculté à se montrer joyeux, à rester positif. Et bien sûr, déterminé.
Bleu azur
«Le paradigme modernisme sera bientôt minoritaire. Ce n’est pas une utopie. La part de la population qui défend des valeurs écologiques, féministes, de justice sociale et spirituelles augmente sans cesse. Mon réseau grandit», se réjouit Micaël Metry, ce qui ne l’empêche pas de pester contre la stupidité, l’avidité ou encore le manque de courage. Si la crise climatique et la menace nucléaire l’inquiètent, l’activiste puise toutefois dans ces craintes la volonté de se battre. Et, au regard du contexte de pandémie actuelle, appelle chacun à se poser des questions et à contribuer à la mise en place de nouveaux modes de vie. Un «changement de culture» qu’il pourrait bien traiter dans un livre, lui qui s’est déjà exercé à l’écriture en rédigeant des textes sur des personnes qui l’ont touché et des carnets de voyage. «C’est une manière de vider mon esprit, de garder une trace et de poursuivre la réflexion», précise celui qui se définit parfois aussi comme un loup solitaire – un animal qu’il admire. Alors qu’il mentionne, au chapitre de ses couleurs préférées, le bleu: «Un bleu limpide, comme un ciel sans pollution».