Le Nouveau Musée de Bienne met en scène l'histoire et les enjeux liés à l'automatisation dans le monde du travail. Une exposition remarquable à voir sous forme de visite virtuelle jusqu'à la réouverture du musée, provisoirement fermé pour cause de mesures liées à la pandémie
Digitalisation globalisée, robotisation, télétravail: l'industrie «4.0» est en pleine expansion. Pour inédite qu'elle paraisse, cette nouvelle évolution du monde du travail n'a pourtant rien de singulier. Elle s'inscrit dans une continuité historique. C'est ce que s'attache à démontrer l’exposition «Révolution au travail dès 1800» mise sur pied par le Nouveau Musée de Bienne (NMB). Ses concepteurs ont mis en relief les quatre révolutions industrielles qui ont marqué l'histoire depuis le début du XIXe siècle, en particulier dans la région biennoise (voir encadré). La mécanisation liée au développement des nouvelles énergies (vapeur, puis électricité) a profondément modifié la production. A Bienne par exemple, en 1889, les entreprises industrielles utilisaient un total de 2819 chevaux-vapeur dont 818 générés par les travailleurs et 2001 par les machines. Seize ans plus tard, le total grimpait à 5433 CV dont 3644 liés aux machines. L'automatisation joue un rôle majeur dans cette évolution. Et son emprise démultipliée finira par tuer les emplois dans le secteur industriel, notamment celui de l'automobile. Le cas de General Motors est à cet égard emblématique. Créée en 1935, la filiale biennoise du géant automobile américain vouée au montage des voitures occupait à ses débuts un peu plus de 300 ouvriers dont la production annuelle s'élevait à environ 1000 automobiles. Trente ans plus tard, la productivité est multipliée par quatre (18256 autos pour 1403 travailleurs). Mais cette automatisation galopante, accompagnée par son lot de restructurations, finira par tuer les postes de travail. En 1975, l'usine ferme définitivement ses portes, entraînant la perte de 450 places. Cette issue est également le reflet du recul prononcé du secteur industriel, lequel régresse d'environ 25000 emplois en 1965 à 9000 aujourd'hui dont un peu plus de la moitié dans l'horlogerie alors que durant cette même période, le secteur des services voit son nombre d'emplois doubler pour s'établir actuellement à plus de 30000 postes.
«Hello Robot»
Mais au-delà des statistiques, l'exposition s'attache avant tout à raconter les choses de manière didactique et ludique, avec de nombreuses photos, vidéos et des éléments interactifs. Exemple, un «cabinet des savoirs perdus» regroupe plusieurs machines et outils insolites dont on ne sait plus à quoi ils avaient bien pu servir. Les visiteurs à même de fournir des réponses sont invités à les écrire sur des étiquettes. Côté vidéo, à noter un remarquable documentaire sur la gare de triage de Bienne. Depuis 1917, le système d'aiguillage très complexe est effectué manuellement à l'aide de leviers et de câbles. Ce système éprouvé a miraculeusement traversé les décennies sans se plier aux révolutions technologiques. Mais il est aujourd'hui en cours de démantèlement pour céder sa place à un centre de contrôle numérique.
L'exposition parallèle intitulée «Hello Robot.» complète le thème des révolutions industrielles en mettant en perspective une collection de plus de 200 objets illustrant l'essor et les enjeux de la robotique dans les domaines de l'industrie, des soins, du confort domestique et des multimédias. En évidence: le rôle important des designers qui conçoivent les interfaces entre les humains et les machines. La présentation met également en lumière les questions éthiques, sociales et politiques que soulève l'impact grandissant des robots dans la société et les entreprises. Un souci dont on rappelle qu'il figure parmi les préoccupations majeures d'Unia. «La robotisation sape nos assurances sociales. Les robots et les ordinateurs ne paient pas de cotisations AVS: cela ne peut se résoudre qu'en changeant progressivement les sources de financement des systèmes d'assurance sociale», lit-on sur le site d'Unia. Mais le syndicat ne s'oppose pas pour autant aux avancées des technologies numériques: «La numérisation ne constitue pas une menace. Mais pour que chacune et chacun puisse en bénéficier, elle doit être adaptée.» Il faut des règles justes permettant «de profiter des progrès technologiques, tout en préservant nos précieux acquis sociaux». A cet égard, «la consultation des travailleurs et des travailleuses sur les décisions technologiques et l'élaboration des processus de travail est primordiale.» L'exposition du Nouveau Musée de Bienne contribue à sa manière à mieux faire comprendre cette nécessité.
Les «4 révolutions industrielles» à Bienne
De 1800 à 1900 (1.0)
Production de masse. Concentration de la production au sein de fabriques mécanisées.
Machines à vapeur et force hydraulique.
Division du travail.
Circulation accélérée des marchandises grâce au chemin de fer et aux bateaux à vapeur.
De 1900 à 1960 (2.0)
Electrification.
Travail à la chaîne.
Entreprises multinationales.
Communication globale entre producteurs et marchés grâce au télégramme, au téléphone et au réseau postal mondialisé.
De 1970 à 1990 (3.0)
Robots industriels.
Technologies de l'information.
Développement de la microélectronique et des logiciels.
Boom du pétrole et allègement ou suppression des barrières douanières.
Prix des transports allégés.
Délocalisation de la production dans les pays à bas salaires.
De 1990 à... (4.0)
Intelligence artificielle.
Mise en réseau des personnes, des machines et des produits dans le processus de fabrication.
Production en flux tendu, en «juste-à-temps», en fonction de la demande des consommateurs.
Vente en ligne.
Equipes de travail globales réparties dans le monde entier par le biais d'Internet et des clouds.