La branche de l’aviation commerciale est l’une des plus éprouvées par la pandémie de coronavirus. Le staff aérien s’interroge, sauf pour l’instant chez Swiss et Edelweiss. Pour Easyjet et les services au sol, on est moins rassuré
Mise au point: «Le chiffre de 1,5 milliard de francs accordé par la Confédération qui a été articulé ici et là concernant l’aide à Swiss et à Edelweiss a été souvent mal interprété. Il ne s’agit pas d’un financement des deux compagnies comme c’est, par exemple, le cas chez la maison mère Lufthansa, dans le capital de laquelle le Gouvernement allemand est entré. «Il correspond, ici, à une “garantie de prêt” (avec intérêts), tient à préciser d’emblée Marc Vionnet, représentant syndical des pilotes de Swiss, Aeropers. Cela revient à dire que, si Swiss ou Edelweiss venaient à disparaître, la Confédération se porterait garante auprès des banques du remboursement de ces prêts qui permettent aujourd’hui d’avoir un cash-flow suffisant pour traverser la crise.» Swiss semble donc pouvoir accuser le coup après, notamment, trois années de bénéfices (636 millions de francs en 2017, 458 en 2018 et 578 en 2019).
Craintes pour le personnel?
Les employés de Swiss et d’Edelweiss ne sont, pour l’instant, pas trop mal lotis, car ils bénéficient du statut de chômage technique jusqu’en février 2021. Toutefois, si la situation devait se redresser plus lentement qu'espéré ou si des modèles de réduction de travail n'étaient pas mis en place de manière à absorber les places de travail surnuméraires, des licenciements deviendraient inévitables. Dans ce scénario, un plan social est-il prévu? «Notre Convention collective de travail comprend déjà un concept de plan social, y compris pour les cas de crises économiques, précise Sandrine Nikolic-Fuss, présidente de Kapers, le syndicat du personnel de cabine de Swiss. Nous avons connu des situations similaires en 2005 et en 2006, mais la situation du Covid-19 est différente. Nous ne savons pas si la pandémie continuera ou reprendra. Dans ce cas, impossible de négocier dans le flou.»
Les services au sol: on l’imagine, Swiss ne va pas intervenir auprès de la Confédération dans les négociations du soutien aux autres prestataires, même si elle a un besoin vital de leurs services au sol dans les aéroports suisses avec, en premier, Swissport, suivi d’autres entreprises, comme ISS Facility ou Gate Gourmet, qui anticipent des difficultés.
Flou total...
Comme l’explique Pablo Guarino, secrétaire syndical de SEV-GATA pour Swissport à Genève, la Confédération aurait d’abord évoqué un soutien global à toutes les entreprises au sol du secteur aérien, mais serait revenue en tout cas sur l’aide à Swissport, entreprise entre les mains de HNA (filiale de Hainan Airlines), laquelle n’offrirait pas de garantie suffisante pour que cette assistance sauvegarde réellement les emplois en Suisse et ne serve pas les intérêts globaux de la compagnie chinoise. La non-entrée en matière de la Confédération va certainement lui poser des problèmes de maintien d’emplois. Pendant les mois de confinement, l’activité de Swissport (environ 1300 personnes) a été réduite d’environ 95%, les 5% restants ayant assuré la bonne marche des vols cargo, soit du travail pour une poignée d’employés, les autres étant au chômage technique. Avec le déconfinement, les activités reprennent timidement, constate Pablo Guarino. Y aura-t-il des licenciements? «On s’en doute, commente le syndicaliste. Nous avons demandé à la direction qu’elle s’exprime sur les pertes financières et le traitement du personnel, mais, pour l’instant, c’est le flou total. Notre crainte est que HNA décide de donner un tour de vis supplémentaire et de proposer un statut d’embauche à la demande en adaptant son contrat à celui des autres pays et des autres compagnies du secteur.»
Réduire la casse...
Et Easyjet? La compagnie ne bénéficiera que d’un «crédit de transition» de 20 millions de francs, ces aides ayant pour contrepartie sous-entendue de maintenir les emplois, mais nullement, comme en France, de contribuer à la baisse du CO2. La direction d’Easyjet vient d’annoncer un plan de licenciement de 4500 personnes pour tout le groupe. Au prorata, on peut imaginer que, sur les quelque mille employés suisses, près de 300 personnes devraient pointer au chômage, mais le chiffre exact n’est pas encore dévoilé, d’après le secrétaire syndical SSP d’Easyjet, Jamshid Pouranpir, qui attend que les choses s’éclaircissent avec sa direction.
Le syndrome Ryanair: le secteur aérien est international par excellence et, plus que partout ailleurs, les directions des compagnies tendent à s’inspirer des stratégies de leurs collègues, notamment en matière de traitement du personnel. Avec le Covid-19, toutes veulent réduire la casse. La première méthode est, pour les consommateurs, de mettre en place un système visant à décourager les demandes de remboursement cash pour les vols annulés. La seconde consistera à licencier le maximum de personnes avec un minimum de compensations. Les méthodes cavalières de Ryanair en période de crise du transport aérien n’ont pas tardé à se faire connaître avec d’importantes baisses de salaires (déjà inférieures à la normale), un manque total de concertation et une priorité de mise à la porte des délégués syndicaux. «Impossible chez nous, affirme Sandrine Nikolic-Fuss, nos délégués syndicaux sont protégés contre le licenciement.» Qu’en sera-t-il des employés d’Easyjet? de Swissport? des autres? Affaire à suivre.