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Rendre le passeport rouge à croix blanche plus accessible en facilitant la procédure de naturalisation: la proposition n’a pas séduit le Conseil fédéral qui a rejeté il y a une dizaine de jours quatre motions déposées dans ce sens par des élus Vert’libéraux. Connue pour sa sévérité en matière d’octroi de la nationalité, la Suisse persiste et signe. Peu de chance de la voir remonter le classement qui la situe parmi les pays les plus restrictifs dans le domaine – elle occupe le 41e rang sur 56 Etats d’Europe et de l’OCDE. Et même la naturalisation facilitée pour les jeunes de la troisième génération d’immigrés adoptée dans les urnes en 2017 n’a pas généré de changements notables. La Commission fédérale des migrations a fait le point sur ce sujet en février dernier. Résultat: les étrangers nés sur sol helvétique et dont les grands-parents vivaient déjà en Suisse n’ont guère profité de cet assouplissement. Seuls 1847 d’entre eux ont obtenu le passeport sur les 25000 candidats potentiels à fin 2020. Et pour cause. Même pour cette catégorie de personnes, la démarche reste pesante, les obstacles bureaucratiques nombreux. Il faut entre autres réunir toute une série de preuves d’autorisations de séjour des deux générations antérieures, d’attestations de scolarité du père ou de la mère...  Pas simple, en particulier lors de décès ou de départs du pays. La question de l’âge, limité à 25 ans pour profiter des «facilités» introduites, pèse aussi négativement dans la balance. Un critère absurde, l’intérêt pour la question intervenant souvent plus tard dans la vie, avec une certaine stabilité professionnelle, lors de la fondation d’une famille...

La naturalisation ordinaire relève quant à elle toujours du parcours du combattant. Elle est soumise aux impératifs que posent communes, cantons et Conseil fédéral. Outre sa complexité et ses exigences, elle s’étire dans le temps – du dépôt de la requête à l’issue du processus, il faut compter au moins dix-huit mois. Sans oublier son coût: entre 600 et 3000 francs selon les cantons. Pour se faire une idée plus précise du processus, l’exposition que lui consacre le Musée gruérien à Bulle vaut le détour (voir ici). L’institution propose une immersion dans ce monde labyrinthique. Difficile ne pas penser à la comédie satirique à succès Les faiseurs de Suisses qui, bien que caricaturale, reste d’actualité plus de quarante ans après sa sortie. Et montre la persistance de clichés lors de l’examen auquel sont soumis les candidats. Un test pointilleux, entre connaissances générales et folkloriques, et après la constitution d’un épais dossier, censé agir comme baromètre pour mesurer leur degré d’intégration, de motivation. Notion pour le moins subjective. Ignorer le nombre de districts d’un canton ou la recette de la fondue par exemple ne disent rien de la valeur d’une personne et de son adaptabilité. Nombre d’indigènes seraient par ailleurs recalés au quiz...

La nature de cette fabrique de bons Helvètes ambitionnant de trier le futur citoyen méritant de l’étranger indigne de ce statut laisse ainsi toujours aussi songeur. Elle évoque en filigrane une prétendue supériorité suisse et reste soumise à l’arbitraire d’élus pouvant se montrer particulièrement sourcilleux. Elle interroge sur la définition de notre identité, sur les contours d’une «suisse attitude» face à cet autre qui agit comme un miroir, sur la place qu’on veut bien concéder à ce voisin venu d’ailleurs. Comme une faveur... La pratique questionne la pertinence d’un processus par trop exclusif, sachant que 25% de la population de notre pays ne possède pas le passeport rouge à croix blanche. Un quart de personnes qui participent à l’économie et à la vie sociétale sans pouvoir exercer l’essentiel des droits politiques...