Trois ouvriers pour monter un échafaudage, c’est un minimum
Sur les échafaudages, le travail par équipe de deux tend à se généraliser malgré les risques d’accident qu’il fait endurer aux salariés. Unia veut imposer les équipes de trois
Les échafaudeurs d’Unia vont mener campagne pour l’interdiction du travail par équipe de deux. Présentée par le comité des échafaudeurs vaudois, une résolution en ce sens a été adoptée le 19 juin par la conférence de branche du syndicat. Le texte propose la création d’un groupe de travail de militants et de syndicalistes avec pour objectif, d’ici à la fin de l’année, l’ouverture de discussions avec la Suva sur cette problématique.
«Nous ne pouvons pas attendre de déplorer des accidents graves pour agir, explique Jean-Michel Bruyat, secrétaire syndical d’Unia Vaud. Si un travailleur tombe et reste pendu dans son harnais, ses collègues ne peuvent pas attendre les secours, ils n’ont que dix minutes pour intervenir afin d’éviter des risques pour la santé, le harnais coupant la circulation du sang. Avec une poulie, il est possible d’opérer le sauvetage, mais celui qui est à la manœuvre ne peut accompagner la descente de l’ouvrier suspendu qui risque de se retrouver coincé. C’est pourquoi il faut impérativement être trois. L’équipe de trois devrait aller de soi; malheureusement, depuis que la plus grande entreprise d’échafaudages, Roth, a mis en place l’équipe de deux, elle bénéficie de 30% de disponibilité en plus et mange le marché en pratiquant une certaine concurrence déloyale avec les autres sociétés qui avaient un comportement correct.»
Joint par téléphone alors qu’il se trouve au pied d’un échafaudage, Roberto (prénom d’emprunt), un membre du comité vaudois, corrobore cette dérive: «Aujourd’hui, je travaille en équipe de deux, ça arrive presque tous les jours; nous ne sommes trois que lorsqu’il faut terminer rapidement le travail.» Autres problèmes soulevés par ce chef d’équipe: «Là, nous ne disposons pas de poulie de sauvetage, elle se trouve au dépôt. Et mon patron engage beaucoup de temporaires, sont-ils capables de l’utiliser correctement? Certains n’ont pas reçu de formation.» Alors, comment faire pour secourir un collègue? «On utilise la grue, ce qui n’est pas facile, ou on appelle les pompiers.» Lui-même s’est retrouvé suspendu une fois, mais a réussi à descendre.
Manque de matériel et de formation
Unia a récemment mené une enquête sur la sécurité et la pénibilité du travail dans la branche: si 95% des 233 échafaudeurs interrogés jugent que deux travailleurs sont nécessaires pour sauver un collègue suspendu à son harnais, 47% déclarent être obligés de travailler par équipe de deux, 48% assurent ne pas disposer du matériel nécessaire pour intervenir en cas de chute, alors que 27% avouent ne pas avoir une formation suffisante en sécurité. «Non seulement, il faut être deux pour sortir un collègue suspendu, mais il faut aussi disposer du matériel requis et de la formation nécessaire. Dans beaucoup d’équipes, un ouvrier seulement a suivi le cours de sécurité», souligne Simon Constantin.
Le responsable de la branche échafaudage d’Unia fait aussi remarquer que «l’équipe de deux renforce la pression des délais, le stress et la pénibilité du travail: on est moins pour faire le même boulot». Roberto confirme: «A deux, on travaille comme des malades. Il faut vraiment que nous arrivions à imposer les équipes de trois.» «Nous allons essayer de faire avancer les normes de sécurité avec la Suva», indique Simon Constantin.
Avec Roberto, une vingtaine d’échafaudeurs des cantons de Vaud et de Genève se sont réunis à cette fin le 4 septembre à Nyon. «C’était une bonne réunion avec une vraie participation des travailleurs, des débats ouverts et intéressants et des prises de décision, se félicite Jean-Michel Bruyat. Nous avons désigné un groupe de travail qui fera fonction de comité de lutte pour l’interdiction des équipes de deux dans l’échafaudage.» L’assemblée a aussi nommé deux travailleurs à la délégation de négociation salariale de cet automne et décidé de mobiliser pour la grande manifestation intersectorielle du 30 octobre à Genève. «Nous devons davantage mettre en avant le métier d’échafaudeur au niveau des luttes.»