Uber condamné à payer des cotisations sociales
Le Tribunal des assurances sociales de Zurich a jugé que la multinationale est un employeur et doit, à ce titre, s’acquitter des charges sociales. La décision vaut pour toute la Suisse
Un peu partout dans le monde, des autorités politiques et judiciaires se penchent sur les services de transport Uber. Fin novembre, la justice belge a ainsi interdit à l’entreprise de réservation de voitures avec chauffeur d’exercer dans la région bruxelloise à la suite d’une plainte d’une compagnie de taxis. Début décembre, la Commission européenne a, de son côté, présenté toute une série de mesures visant à renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques et qui seront discutées dans les mois prochains. En Suisse aussi, l’étau se resserre autour de la société californienne.
Le Tribunal des assurances sociales de Zurich a ainsi rejeté le 20 décembre cinq plaintes d’Uber envers la Suva et le Bureau des assurances sociales zurichois, a rapporté la NZZ. Uber contestait toute une série de décisions l’assujettissant au paiement des assurances sociales. Le Bureau des assurances réclamait à Uber 5,2 millions de francs de cotisations sociales pour 2014. Le Tribunal des assurances sociales n’a pas suivi la société technologique qui prétendait que les chauffeurs ne sont pas des employés, mais des indépendants. Il a constaté, au contraire, une «relation de subordination marquée» et confirmé le statut d’employeur de la société de transport. La décision vaut pour toute la Suisse, les cantons ayant centralisé leurs dossiers au Bureau des assurances de Zurich. Le tribunal a, en revanche, jugé que le montant de 5,2 millions était peu étayé et a demandé aux caisses d’assurances de revoir leur copie.
C’est un nouveau revers pour la multinationale présente en Suisse dans une dizaine de villes depuis 2013 avec quelque 2300 chauffeurs. En 2019, Uber a été condamné par le Tribunal des prud’hommes de Lausanne pour le licenciement abusif de l’un de ses conducteurs, soutenu par Unia, jugement confirmé l’année suivante par la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois. Au bout du lac, la multinationale est obligée de salarier depuis 2020 les livreurs de son service Uber Eats. Genève a aussi prononcé en 2019 une interdiction de poursuivre l’activité de transport, qui n’est toutefois pas encore appliquée.
«Une décision attendue depuis longtemps»
Dans un communiqué, Unia a salué un «jugement clair», qui a valeur de «signal pour toutes les entreprises qui transmettent des mandats à leurs employés sous forme numérique». «C’est une décision extrêmement importante que nous attendions depuis longtemps, se félicite Roman Künzler, responsable de la branche transport pour Unia. Uber a annoncé le dépôt d’un recours au Tribunal fédéral, nous verrons si c’est vraiment le cas. La société pourrait ainsi retarder l’action des assurances sociales d’une année peut-être, mais je suis assez confiant que le Tribunal fédéral confirme le jugement zurichois.»
Le syndicat appelle les cantons à prendre leurs responsabilités: «Les offices cantonaux du travail doivent faire respecter la Loi sur le travail et garantir qu’Uber décompte correctement les cotisations aux assurances sociales de ses employés et qu’il ne les emploie pas de facto au noir comme jusqu’à présent», plaide Roman Künzler. En plus d’une action résolue, une protection efficace des travailleurs de plateformes implique, pour le syndicaliste, une inversion du fardeau de la preuve: «Il faut une présomption fondamentale de dépendance jusqu’à ce qu’une entreprise, respectivement un employeur, prouve le contraire aux autorités.»