Uber, le bon marché est trop cher payé
A Genève, les partenaires sociaux des transports à l’unisson mettent en garde contre les dangers des plateformes numériques
Unia n’est plus tout à fait seul à prêcher contre Uber et compagnie. L’Association genevoise des entreprises de transport et l’Association genevoise des entreprises de déménagement s’inquiètent du dumping salarial et de la concurrence déloyale pratiqués par les plateformes numériques. La Commission paritaire genevoise des transports et déménagements, qui réunit ces deux faîtières patronales et le syndicat, a envoyé un communiqué de presse à la mi-juin pour dénoncer le danger pesant sur la pérennité des sociétés locales et sur l’emploi. «Ces nouvelles formes de travail créent une distorsion de concurrence importante pour les employeurs qui respectent les dispositions légales et conventionnelles en matière de droit du travail et cotisent aux assurances sociales», écrit la commission paritaire. Quant aux travailleurs, ils sont victimes d’une «précarisation de l’emploi, alors que des conventions collectives et des contrats types existent dans les branches économiques concernées». Constatant «l’absence de toute intervention des autorités fédérales», la commission invite les autorités locales à mettre en œuvre «toutes les mesures nécessaires pour que ces nouveaux acteurs assument leurs responsabilités sociales» et les citoyens à une «prise de conscience».
«Pour la première fois syndicat et patrons partagent une vision sur les menaces que la numérisation sans règles pose à l’économie, l’emploi et le partenariat social», se félicite Umberto Bandiera, responsable romand des transports et de la logistique pour Unia. «Cet appel commun est un pas en avant important. Car il est évident que si ce modèle économique s’impose, les emplois classiques vont disparaître. C’est une question de société et il est important que se tienne un débat public. La vitesse des changements ne nous permet pas de traîner. Il faut sortir de l’enfumage publicitaire et commencer à responsabiliser les citoyens-consommateurs. Les choix de consommation ont aussi un impact. Il faut éviter de tomber dans le piège du “moins cher“, qui cache des dégâts économiques et sociaux graves.» Comme on dit, le bon marché est toujours trop cher.
Uber Eats mis en demeure
Par hasard, le jour même où était envoyé le communiqué de la commission paritaire, la chaîne de télévision Léman Bleu annonçait que le Département de l’emploi, dirigé par le conseiller d’Etat Mauro Poggia, avait mis en demeure Uber Eats, la plateforme de livraison de repas préparés par des restaurants, de se plier à la législation en vigueur. «Nous attendions cette décision depuis des mois et nous ne pouvons que saluer cette volonté de faire respecter le cadre légal, c’est une première en Suisse, commente Umberto Bandiera. Nous n’en connaissons pas les détails, mais nous pouvons imaginer que le magistrat partage les conclusions que nous avions tirées cet hiver: Uber Eats doit être enregistré au Registre du commerce et son activité considérée comme de la location de services et, à ce titre, obtenir une autorisation du Canton; les salaires de la Convention collective nationale de l’hôtellerie-restauration doivent être appliqués puisqu’il s’agit de livraison de repas.» Selon nos informations, l’entreprise technologique avait jusqu’au week-end dernier pour obtempérer à cette mise en demeure. Un recours suspensif était attendu. La justice pourrait être appelée à trancher.
En attendant, une décision cantonale est encore espérée sur l’autre volet des activités d’Uber, le transport de personnes.