Unia et Syna ont mené une vaste enquête sur les chantiers, qui révèle que les employeurs se sont montrés bien pingres alors que le secteur bénéficie d’une bonne conjoncture
Malgré la pénibilité du métier, l’inflation et la bonne conjoncture du secteur, un maçon sur deux n’a reçu aucune augmentation salariale en 2024; 46% ont touché un supplément qui ne couvre même pas le renchérissement. Seule une poignée de travailleurs de la construction ont perçu une revalorisation permettant de faire face au coût de la vie. Tel est le cruel constat d’Unia et de Syna.
Ces dernières semaines, les deux syndicats ont mené une vaste enquête sur les chantiers; 34000 travailleurs de 700 entreprises ont été interrogés dans toute la Suisse. Résultat: 48% des salariés n’ont reçu aucun kopeck; 12% une revalorisation salariale mensuelle jusqu’à 75 francs; 34% une augmentation comprise entre 76 et 125 francs; et 6% une majoration de plus de 125 francs.
Sept années de perdues...
«Pour compenser le renchérissement de 2,1% et maintenir le pouvoir d'achat, une augmentation de 128 francs en moyenne aurait été nécessaire», constate Nico Lutz, membre du comité directeur d’Unia et responsable du secteur construction. Ceux qui n’ont rien touché essuient donc, pour 2024, une baisse de salaire réel supérieure à 2%. «En données corrigées du renchérissement, les salaires pratiqués dans le secteur principal de la construction sont aujourd'hui inférieurs à ceux de 2016 dans presque toutes les catégories. Les sept dernières années ont été sept années perdues pour les maçons, malgré le dur labeur accompli dehors, par n’importe quel temps, et malgré leur dévouement. Pas étonnant donc que les métiers de la construction perdent de leur attrait et que la main-d'œuvre qualifiée fasse défaut.»
Cette baisse de salaire réel n’est pas indolore sachant que les maçons ne roulent pas sur l’or, le salaire moyen toutes catégories confondues (du manœuvre au chef d’équipe) s’élevait à 6094 francs en 2023. Le niveau général des prix est aujourd’hui supérieur de 7% à ce qu’il était fin 2020. Le carburant et l’énergie ont subi des hausses de 30% et de 60%, respectivement. Les primes maladie ont pris 15% depuis 2022 et les loyers 3% en un an. «A la fin du mois, les travailleurs de la construction ont de moins en moins d’argent dans leur porte-monnaie», déplore Guido Schluep, coresponsable de la construction de Syna.
Indicateurs conjoncturels au beau fixe
A l’automne dernier, les représentants de la Société des entrepreneurs avaient rompu les négociations salariales en prétendant que les entreprises accorderaient d’elles-mêmes des augmentations salariales. La réalité est tout autre. Selon le sondage des syndicats, 73% n’ont accordé aucune augmentation, 18% ont délivré des augmentations individuelles, 2% seulement des augmentations générales et 7% un mélange des deux.
«Les sociétés correctes qui maintiennent le pouvoir d'achat de leur personnel, voire qui les font participer aux bénéfices générés en leur accordant une augmentation de salaire réelle, sont pénalisées sur le marché. Parce que les entreprises qui tirent les salaires réels vers le bas ont des coûts salariaux plus faibles», souligne Nico Lutz.
Les indicateurs conjoncturels sont pourtant au beau fixe. «La conjoncture de la construction ne connaît qu’une seule direction depuis des années: vers le haut. Les perspectives sont aussi très prometteuses, en raison de différents facteurs structurels, aussi bien dans le bâtiment que dans la construction d’infrastructures. La nouvelle baisse des taux d’intérêt devrait avoir un effet positif supplémentaire», estime Chris Kelley, coresponsable du secteur construction d’Unia.
Revendications à fixer
En juin prochain, lorsque les prévisions du renchérissement pour 2024 seront connues, les conférences professionnelles des deux syndicats fixeront les revendications en vue des négociations salariales de l’automne. «Une augmentation des salaires pour tous est nécessaire. Elle doit être plus élevée que le renchérissement et également tenir compte du retard salarial de ces dernières années», conclut Simon Constantin, membre de la direction du secteur construction d’Unia.