C’est l’une des conventions collectives de travail (CCT) les plus emblématiques. En vigueur depuis 1937, la CCT de l’industrie horlogère et microtechnique est l’un des éléments clés du succès de la montre suisse. Les partenaires sociaux, d’un côté la Convention patronale de l’industrie horlogère et, de l’autre, Unia, ont conclu vendredi son seizième renouvellement en 87 ans. Bénéficiant à près de 55000 salariés et salariées dans plus de 500 entreprises, ce contrat collectif reste à la pointe du progrès social.
Entre autres améliorations, mentionnons que le congé maternité est porté de 17 à 19 semaines payées à 100% (alors que la loi ne prévoit que 14 semaines à 80%), tandis que le congé paternité, renommé «congé de naissance pour l’autre parent», atteint 3 semaines. Une protection contre le licenciement des collaborateurs âgés de plus de 55 ans est introduite, alors que la rente-pont, accessible un an avant l’âge de référence, augmente, elle, de 6000 francs pour atteindre 30000 francs sur l’année. La participation patronale aux frais maladie passe de 175 à 195 francs par mois.
Notons aussi que le travail temporaire, très répandu dans l’horlogerie, se voit limité à deux ans. L’employeur aura l’obligation au bout de ce délai de proposer un contrat à l’intérimaire. Deux ans, c’est long et on imagine que le dispositif est contournable, mais une limite est posée et la mesure, qui devrait inspirer d’autres secteurs de l’économie, pourra être améliorée ultérieurement.
Tout n’est pas rose pour autant. Toutes les revendications des travailleurs n’ont pas passé la rampe. Les négociations ont duré près d’une année et les discussions ont été, disons, franches. L’association patronale refuse de demander la déclaration de force obligatoire, du coup, quelque 10000 travailleurs ne sont pas couverts par la CCT, ce dont profitent les sociétés non conventionnées pour verser de faibles salaires, parfois en dessous de 3500 francs, et ce sans treizième salaire évidemment. De plus, la CCT n’est souvent pas respectée par les entreprises signataires, y compris par de grands groupes, obligeant le syndicat à intervenir.
Or, l’accès des syndicalistes aux entreprises n’est plus évident. Comme l’a pointé, lors de la signature de la CCT, le responsable de l’industrie d’Unia, Yves Defferrard, «de vastes centres de production intègrent ateliers et espaces de détente et accueillent le personnel du matin au soir, les entrées se font directement par des rampes de garages ou des accès piétons ultrasécurisés, de sorte que pouvoir attendre les gens devant les entrées ou discuter pendant les pauses cigarette devient l’exception».
Rappelons enfin que l’horlogerie se distingue par les inégalités salariales entre hommes et femmes, qui y atteignent 24,8%, contre 18% en moyenne. Unia a d’ailleurs fait inscrire dans la CCT un nouvel article proscrivant les clauses contractuelles sur la confidentialité du salaire.
Pour faire appliquer tant la Loi sur l’égalité que la CCT, pour l’étendre et décrocher de nouveaux avantages lors du prochain renouvellement, la présence du syndicat dans les entreprises, avec un maximum de membres, est indispensable. Un millier d’adhérents ont été recrutés en 2023, c’est très encourageant, il faut poursuivre dans cette voie.
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