Une histoire d'amitié entre un photographe et un conducteur de cyclo-pousse
Mardi 10 octobre 2006
Jean-Marie Jolidon sort un livre et un spectacle multivision sur le Gange, dont les bénéfices iront à la famille de Surendra
Le photographe de Moutier, Jean-Marie Jolidon s'apprête à arpenter les salles de Suisse romande pour présenter un spectacle multivision dédié à la plaine du Gange. Fruit de ses nombreux voyages sur les rives du fleuve sacré de l'hindouisme, ce reportage complété par un livre a pour fil conducteur Surendra, un conducteur de cyclo-pousse avec qui l'auteur s'est lié d'amitié.
Cette belle histoire d'amitié commence en 2000. Cette année-là, Jean-Marie Jolidon, photographe de Moutier, au retour d'un reportage au Tibet, décide de s'arrêter en Inde pour y découvrir les rives du Gange, le fleuve sacré de l'Inde. Et c'est au cours de ce périple qu'il fait la rencontre dans la ville de Bénarès (aujourd'hui Varanasi) de Surendra, un rickshaw-man, autrement dit un conducteur de cyclo-pousse. «Il m'a tout de suite fasciné par son sens de l'amitié, par sa bonté, son intelligence aiguë et son immense générosité.» Cet homme de 45 ans, père de trois enfants, ne gagne que deux à cinq francs par jour pour un travail harassant qui lui permet de compléter les maigres revenus que lui rapporte sa petite rizière familiale, dans un petit village de l'Inde profonde, à deux heures de route de Varanasi. «Surendra n'a pas grand-chose pour vivre, mais quand il est sollicité par quelqu'un de plus pauvre que lui, il s'empresse de lui rendre service, de lui offrir un bol de riz ou ce qu'il peut. A mon départ de l'Inde lors d'un précédent voyage, j'ai oublié de le payer pour toute une semaine de travail qu'il avait effectué pour moi. M'en rendant soudainement compte, je fais stopper le taxi qui entamait sa course pour l'aéroport et je m'excuse auprès de Surendra de ne pas pouvoir le payer tout de suite, faute d'argent liquide. Il me répond avec un large sourire «pas de problème, tu me paieras dans quelques années, quand tu reviendras en Inde. Je l'ai donc retrouvé six ans plus tard et il m'a dit ne s'être jamais impatienté, il était sûr de me voir revenir. Il n'avait pourtant aucune garantie, pas de reçu, rien, sinon une confiance sans calcul.»
Une amitié extraordinaire
Lors du dernier voyage de Jean-Marie Jolidon, cette année en Inde, Surendra a accepté de lâcher son rickshaw quelques semaines pour devenir l'accompagnateur du photographe jurassien. «Avec Surendra, j'ai pu ouvrir des portes ordinairement fermées, découvrir l'Inde profonde. Il était mon assistant mais certains ne comprenaient pas qu'il puisse être autre chose qu'un serviteur de basse caste. Il est arrivé que des hôteliers refusent de lui louer une chambre. Ce comportement tranche avec le sens de l'accueil et du respect dont font preuve les gens du village d'Arkhapur dans lequel les familles paysannes m'ont reçu avec une touchante hospitalité.»
De cette aventure-là et de ses autres périples en Inde, Jean-Marie Jolidon a tiré un remarquable reportage photographique. Les images qu'il a captées font l'objet d'un livre qui vient de sortir de presse, «Le Gange, la vie au bord du fleuve sacré» dont les textes sont signés Christine Grobéty et la préface, Pierre Rouyer, rédacteur en chef de la revue Animan. Ces images sont également rassemblées dans un spectacle de diaporama en multivision, avec commentaires en direct, qui sera présenté cet automne un peu partout en Suisse romande. Le public est invité à découvrir la vie quotidienne sur les rives de ce fleuve mythique qui prend sa source dans les contreforts de l'Himalaya, à 4000 mètres d'altitude, pour se déverser, après un parcours de plus de 3000 km, dans le delta du Bengale, près de Calcutta. Le photographe jurassien n'a pas seulement posé son objectif sur les cérémonies religieuses de la puja, les ghâts de Varanasi ou les poses des sâdhus (ermites hindous) mais aussi l'activité des coiffeurs, des marchés, des pêcheurs ou de la médecine traditionnelle. «J'ai cherché à montrer cette région dans toutes ses dimensions, y compris à travers les anecdotes comme l'enchevêtrement des fils électriques ou les inévitables traces de crachat rouge que l'on trouve dans les auberges bon marché, le résultat du pan, ces feuilles de bétel épicées que les Indiens se plaisent à mâcher à longueur de journée.»
«Ce n'est pas de l'aumône»
Le photographe jurassien a décidé d'attribuer les bénéfices de son spectacle à un projet en faveur de son ami Surendra et de sa famille. «J'ai envie de lui permettre de construire dans son village un modeste gîte, une guesthouse comportant deux chambres pour lui et sa famille et deux autres, indépendantes, avec quelques commodités, pour les touristes de passage.» Jean-Marie Jolidon a également offert à son ami un rickshaw flambant neuf après lui avoir fait réparer son ancien engin. «Cela lui faisait deux machines. Je lui ai suggéré d'en louer une, mais j'ai appris plus tard qu'il l'avait prêtée à un ami dans le besoin. Ce que je fais n'est pas de l'aumône. J'offre à Surendra ce que je lui dois car c'est un homme sage au sens noble du terme et à ce titre, il m'a appris le sens de l'amitié, de l'abnégation, de la vie.» Si l'administration consent à lui délivrer un visa, Surendra est invité par son hôte à participer à la tournée romande de multivision. «Cela devrait lui permettre d'apprendre quelques rudiments de français et d'allemand ainsi que les habitudes des Occidentaux, histoire de les utiliser pour sa guesthouse.» Une raison de plus de ne pas manquer ce spectacle.
Pierre Noverraz
Dates et lieux du spectacle multivision:
En octobre, le 30 à Moutier, le 31 à Delémont.
En novembre, le 2 à Porrentruy, les 4 et 5 à Genève, le 6 à Sion, le 7 à Morges, le 8 à Neuchâtel, le 13 à Fribourg, le 14 à Tramelan, les 25 et 26 à Lausanne et le 28 à Vevey.
Les spectacles sont à 20h15. A Genève et Lausanne, des séances supplémentaires se dérouleront à 17h.
L'auteur
Jean-Marie Jolidon, 52 ans, est enseignant, sophrologue et photographe. Ce montagnard domicilié à Moutier est un passionné de grands espaces et de rencontres humaines. Il a réalisé de nombreux reportages dans les régions reculées du Tibet et il fut l'un des photographes officiels du Dalaï-Lama. Il y a deux ans, il a publié un remarquable ouvrage consacré aux Yadaws, la caste des laitiers-lutteurs de Bénarès.
PN
Cette belle histoire d'amitié commence en 2000. Cette année-là, Jean-Marie Jolidon, photographe de Moutier, au retour d'un reportage au Tibet, décide de s'arrêter en Inde pour y découvrir les rives du Gange, le fleuve sacré de l'Inde. Et c'est au cours de ce périple qu'il fait la rencontre dans la ville de Bénarès (aujourd'hui Varanasi) de Surendra, un rickshaw-man, autrement dit un conducteur de cyclo-pousse. «Il m'a tout de suite fasciné par son sens de l'amitié, par sa bonté, son intelligence aiguë et son immense générosité.» Cet homme de 45 ans, père de trois enfants, ne gagne que deux à cinq francs par jour pour un travail harassant qui lui permet de compléter les maigres revenus que lui rapporte sa petite rizière familiale, dans un petit village de l'Inde profonde, à deux heures de route de Varanasi. «Surendra n'a pas grand-chose pour vivre, mais quand il est sollicité par quelqu'un de plus pauvre que lui, il s'empresse de lui rendre service, de lui offrir un bol de riz ou ce qu'il peut. A mon départ de l'Inde lors d'un précédent voyage, j'ai oublié de le payer pour toute une semaine de travail qu'il avait effectué pour moi. M'en rendant soudainement compte, je fais stopper le taxi qui entamait sa course pour l'aéroport et je m'excuse auprès de Surendra de ne pas pouvoir le payer tout de suite, faute d'argent liquide. Il me répond avec un large sourire «pas de problème, tu me paieras dans quelques années, quand tu reviendras en Inde. Je l'ai donc retrouvé six ans plus tard et il m'a dit ne s'être jamais impatienté, il était sûr de me voir revenir. Il n'avait pourtant aucune garantie, pas de reçu, rien, sinon une confiance sans calcul.»
Une amitié extraordinaire
Lors du dernier voyage de Jean-Marie Jolidon, cette année en Inde, Surendra a accepté de lâcher son rickshaw quelques semaines pour devenir l'accompagnateur du photographe jurassien. «Avec Surendra, j'ai pu ouvrir des portes ordinairement fermées, découvrir l'Inde profonde. Il était mon assistant mais certains ne comprenaient pas qu'il puisse être autre chose qu'un serviteur de basse caste. Il est arrivé que des hôteliers refusent de lui louer une chambre. Ce comportement tranche avec le sens de l'accueil et du respect dont font preuve les gens du village d'Arkhapur dans lequel les familles paysannes m'ont reçu avec une touchante hospitalité.»
De cette aventure-là et de ses autres périples en Inde, Jean-Marie Jolidon a tiré un remarquable reportage photographique. Les images qu'il a captées font l'objet d'un livre qui vient de sortir de presse, «Le Gange, la vie au bord du fleuve sacré» dont les textes sont signés Christine Grobéty et la préface, Pierre Rouyer, rédacteur en chef de la revue Animan. Ces images sont également rassemblées dans un spectacle de diaporama en multivision, avec commentaires en direct, qui sera présenté cet automne un peu partout en Suisse romande. Le public est invité à découvrir la vie quotidienne sur les rives de ce fleuve mythique qui prend sa source dans les contreforts de l'Himalaya, à 4000 mètres d'altitude, pour se déverser, après un parcours de plus de 3000 km, dans le delta du Bengale, près de Calcutta. Le photographe jurassien n'a pas seulement posé son objectif sur les cérémonies religieuses de la puja, les ghâts de Varanasi ou les poses des sâdhus (ermites hindous) mais aussi l'activité des coiffeurs, des marchés, des pêcheurs ou de la médecine traditionnelle. «J'ai cherché à montrer cette région dans toutes ses dimensions, y compris à travers les anecdotes comme l'enchevêtrement des fils électriques ou les inévitables traces de crachat rouge que l'on trouve dans les auberges bon marché, le résultat du pan, ces feuilles de bétel épicées que les Indiens se plaisent à mâcher à longueur de journée.»
«Ce n'est pas de l'aumône»
Le photographe jurassien a décidé d'attribuer les bénéfices de son spectacle à un projet en faveur de son ami Surendra et de sa famille. «J'ai envie de lui permettre de construire dans son village un modeste gîte, une guesthouse comportant deux chambres pour lui et sa famille et deux autres, indépendantes, avec quelques commodités, pour les touristes de passage.» Jean-Marie Jolidon a également offert à son ami un rickshaw flambant neuf après lui avoir fait réparer son ancien engin. «Cela lui faisait deux machines. Je lui ai suggéré d'en louer une, mais j'ai appris plus tard qu'il l'avait prêtée à un ami dans le besoin. Ce que je fais n'est pas de l'aumône. J'offre à Surendra ce que je lui dois car c'est un homme sage au sens noble du terme et à ce titre, il m'a appris le sens de l'amitié, de l'abnégation, de la vie.» Si l'administration consent à lui délivrer un visa, Surendra est invité par son hôte à participer à la tournée romande de multivision. «Cela devrait lui permettre d'apprendre quelques rudiments de français et d'allemand ainsi que les habitudes des Occidentaux, histoire de les utiliser pour sa guesthouse.» Une raison de plus de ne pas manquer ce spectacle.
Pierre Noverraz
Dates et lieux du spectacle multivision:
En octobre, le 30 à Moutier, le 31 à Delémont.
En novembre, le 2 à Porrentruy, les 4 et 5 à Genève, le 6 à Sion, le 7 à Morges, le 8 à Neuchâtel, le 13 à Fribourg, le 14 à Tramelan, les 25 et 26 à Lausanne et le 28 à Vevey.
Les spectacles sont à 20h15. A Genève et Lausanne, des séances supplémentaires se dérouleront à 17h.
L'auteur
Jean-Marie Jolidon, 52 ans, est enseignant, sophrologue et photographe. Ce montagnard domicilié à Moutier est un passionné de grands espaces et de rencontres humaines. Il a réalisé de nombreux reportages dans les régions reculées du Tibet et il fut l'un des photographes officiels du Dalaï-Lama. Il y a deux ans, il a publié un remarquable ouvrage consacré aux Yadaws, la caste des laitiers-lutteurs de Bénarès.
PN