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Unia se dote de nouveaux statuts

Le congrès
© Olivier Vogelsang

Plus de 230 déléguées et délégués des régions, secteurs et groupes d’intérêts du syndicat ainsi qu’une septantaine d’invités ont participé au Congrès consacré à la révision des statuts d’Unia. Des résolutions relatives à des sujets d’actualité ont également été débattues.

Réunis samedi dernier à Berne en Congrès extraordinaire, les délégués d’Unia se sont prononcés sur une réforme des statuts du syndicat. Ils ont également adopté des résolutions en faveur de meilleurs salaires, d’une réduction du temps de travail et pour la défense des retraites

«Unia 2.0 – Unia pour toutes et tous». Tel était le titre du Congrès extraordinaire d’Unia qui s’est tenu samedi dernier au Kursaal de Berne. Plus de 230 déléguées et délégués des régions, secteurs et groupes d’intérêts du syndicat ainsi qu’une septantaine d’invités étaient présents pour une journée consacrée à la révision des statuts d’Unia. Des résolutions relatives à des sujets d’actualité (voir ici) ont également été débattues.

Accueillant les participants, Vania Alleva, présidente d’Unia, s’est exprimée sur le sombre tableau du monde. Elle a mentionné la guerre en Ukraine qui fait rage depuis 605 jours avec des destructions dramatiques et les «millions de personnes qui souffrent aujourd’hui de l’escalade de la violence en Israël et en Palestine». «La spirale de la violence n’est jamais une solution, a-t-elle déclaré. En tant que syndicat, nous défendons fermement la paix et les droits de la personne. Nous appelons la communauté internationale et la Suisse à faire tout leur possible pour un cessez-le-feu immédiat, pour arrêter cette spirale de la violence, pour que les terroristes et les criminels de guerre soient tenus pour responsables et pour susciter un processus permettant à tous les peuples du Moyen-Orient, quelles que soient leur nationalité et leur religion, de vivre en sécurité et en paix.» Elle a ajouté que les ressources mises aujourd’hui dans l’armement à l’échelle planétaire font défaut aux besoins économiques et sociaux des populations et créent un sentiment d’insécurité favorisant les forces populistes et xénophobes. La réponse? C’est d’œuvrer concrètement à la justice sociale. Tel est le rôle du syndicat dans cette situation, a-t-elle souligné, avant d’énumérer les récentes actions menées dans ce sens: grève féministe en juin, manifestation pour les salaires à la mi-septembre ou encore celle des électriciens et des techniciens du bâtiment à Zurich le 7 octobre. «Cela montre comment, dans un monde complètement fou, nous pouvons être utiles aux travailleurs, c’est notre travail, notre responsabilité.»

Vania Alleva a ensuite introduit le débat sur la révision des statuts. Elle a salué l’implication des militantes et des militants dans les nombreuses discussions ayant abouti aux propositions de réforme. «Lors de la fondation d’Unia en 2004, nous voulions construire une organisation interprofessionnelle, qui reste proche de la réalité de ses membres. Une organisation qui dépasse les clivages des secteurs et qui parvienne à verdir les déserts syndicaux dans les services. Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin d’un syndicat politisé au sens positif du terme, de secrétaires syndicaux compétents et de vous, des délégués actifs. Mais aussi d’une bonne base organisationnelle.» Le coup d’envoi des échanges était donné. Durant toute la matinée, les participants ont débattu, point par point, des diverses variantes proposées (voir L’ES du 11 octobre). Des délégués ont exprimé leurs doutes face au projet, estimant par exemple qu’il fallait d’abord regagner le terrain perdu dans les entreprises et se consacrer aux déserts syndicaux qui n’avaient guère reverdis. D’autres ont soutenu les projets de réforme, émettant parfois des réserves sur l’une ou l’autre des variantes.

Au terme des discussions, la petite réforme s’est profilée en matière d’élargissement de la représentation militante au comité central. Les délégués formeront plus de la moitié des membres de cette instance à laquelle participeront aussi des professionnels. Pour les deux autres grands paquets du projet, c’est la grande réforme qui s’est imposée. Enfin, les délégués ont rejeté, à 5 voix près, la modification de l’article concernant la votation générale.

Un vote final a opposé la version complète de la révision aux statuts actuels. Et c’est par 195 voix contre 32 et quelques abstentions que la réforme a été approuvée. Elle sera mise en œuvre d’ici à la fin de l’année prochaine. Le Congrès ordinaire d’Unia, prévu en 2025, en tirera le bilan.

«Cette révision clarifie les rôles»

Eric Ducrey, délégué de la région Unia Fribourg

Le militant Eric Ducrey, machiniste, est monté à la tribune pour défendre la position d’Unia Fribourg: il faut opter pour la grande réforme, sinon ce ne serait «qu’un pansement sur une jambe de bois». Il a mis en évidence la séparation entre décisions opérationnelles, dans les régions et au niveau national, et décisions stratégiques: «Les professionnels du syndicat auront le pouvoir de décision sur toutes les questions opérationnelles et les militants le pouvoir de direction politique.»

Quelles sont vos impressions après le vote?

Je m’exprime maintenant en mon nom propre. Je suis très content du résultat. S’il faut changer, autant changer comme il faut, c’est pourquoi Fribourg soutenait la grande réforme. Le prochain congrès tirera un bilan de ces changements et nous pourrons de nouveau discuter s’il y a d’autres aménagements à faire.

J’avais participé aux groupes de rédaction des statuts, notamment aux séances zoom mises en place durant le Covid. Ce qui a été présenté est le reflet de ces discussions. Bien sûr, beaucoup d’autres thèmes ont été débattus, mais ils ne pouvaient être réglés par les statuts.

Quelles implications aura cette réforme?

Cela clarifie les rôles des instances professionnelles et militantes. Il y avait jusque-là beaucoup d’ambiguïté notamment dans les tâches d’un secrétaire régional. Ce dernier devait assurer l’opérationnel et en même temps représenter les militants au comité central. Cette révision importante donne plus de pouvoir stratégique aux militants. Mais cela implique que l’on reçoive suffisamment tôt les ordres du jour pour que l’on puisse en discuter auparavant dans nos groupes.

Un autre point réjouissant est la fin du principe des quatre secteurs (construction, artisanat, industrie et tertiaire) et de leur fonctionnement en silo. Ils seront décloisonnés et cela permettra de donner plus d’attention aux multiples branches. Si, par exemple, la construction a besoin de forces, il sera possible de demander du renfort au tertiaire.


«L’urgence est de renforcer le travail sur le terrain»

Jocelyne Haller, déléguée de la région Unia Genève

Lors du débat, Jocelyne Haller a défendu la position de la région Unia Genève. Elle a exprimé les craintes que cette réforme, présentée comme un renforcement de la participation de la base, semble plutôt donner plus de pouvoir au comité directeur national au détriment des régions et des groupes de militants. La région Genève plaidait pour la variante de la «petite» réforme, voire du statu quo. Le Congrès s’est profilé sur la grande réforme, à l’exception du premier paquet où la petite réforme a été choisie.

Quelle est, à chaud, votre réaction après la décision du Congrès?

A partir de maintenant, il faudra veiller à une bonne mise en œuvre de la nouvelle structure et à son fonctionnement dans la mesure où il a été dit que les militants auraient plus de place. La question est de savoir comment on les accompagne. De mon point de vue, l’intégration des militants de base se fait par deux vecteurs: par les collègues syndiqués expérimentés sur le terrain et par les secrétaires régionaux. Concernant ces derniers, je m’étonne de l’acceptation d’une flexibilité dans leur nomination, qui sera remise en jeu tous les quatre ans. Cela ne correspond pas aux exigences qu’un syndicat devrait avoir en matière de protection du personnel.

Qu’est-ce que cette réforme va apporter?

Je ne suis pas certaine que cette révision des statuts renforce vraiment le pouvoir des militants de base dans le syndicat contrairement à ce qui a été énoncé. Le changement pour le changement n’est pas une bonne chose. Il faut que le changement ait du sens et permette d’atteindre les objectifs visés.

La réforme comporte des risques et aurait mérité mieux. Il faudra être très attentifs à utiliser les instances pour faire entendre les besoins de la base. L’urgence aujourd’hui est de renforcer le travail sur le terrain, soutenir les militants de base et les secrétaires syndicaux face à l’intensification de la dégradation des conditions de travail.


«Nous devons donner le pouvoir aux gens d’agir par eux-mêmes»

Robin Augsburger, militant d’Unia Neuchâtel

Robin Augsburger, chômeur, est militant d’Unia Neuchâtel. Sa région a soutenu la grande réforme. Elle a attiré l’attention du Congrès sur la nécessité d’être vigilants dans la mise en place des nouvelles structures reposant sur des gens qui travaillent, ont une vie familiale et sociale. La région a appelé à trouver des solutions pour rendre compatible le travail militant avec ces impératifs. Robin Augsburger a aussi plaidé, à titre personnel, pour la grande réforme et pour un renforcement de la démocratie sur le terrain, dans la vie quotidienne, dans les entreprises et dans les branches.

Êtes-vous satisfait de l’acceptation de la réforme?

Le mandat pour le Congrès était de sortir d’une situation où, dans le fonctionnement d’Unia, l’appareil occupe une place importante et les militants se reposent beaucoup sur lui, sur les secrétaires syndicaux. Il est positif que les militants de la base soient plus nombreux au comité central. La distinction entre opérationnel et stratégie est aussi importante, mais je ne suis pas sûr que cela était nécessaire. Car cela ne change pas la manière dont les décisions sont construites. Ce n’est pas uniquement avec des changements formels que l’on renforcera la démocratie à l’interne.

Qu’entendez-vous par là?

Le problème est que les propositions viennent souvent de l’appareil. Les membres se prononcent sur leur acceptation ou non, mais n’ont plus de force de propositions. Il n’y a plus vraiment de porte d’entrée pour la pratique syndicale. Soit on demande tout de suite à une personne d’intégrer un comité où de grandes décisions se prennent, soit elle reste dans un rôle passif. On a perdu ce côté militant où les gens tractaient, préparaient les banderoles, présidaient les séances.

Nous sommes aujourd’hui dans une logique où les membres attendent qu’Unia leur offre quelque chose. C’est ce que l’on fait quand on présente le syndicat. Nous devons au contraire ouvrir un espace pour donner le pouvoir aux gens d’agir par eux-mêmes. Leur donner la parole, les laisser prendre des responsabilités. Et laisser de la place à la créativité.

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