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Unia veut protéger les salaires, pas les frontières

banderole Unia
© Neil Labrador

Les syndicats sont bien décidés à faire barrage aux risques de sous-enchère salariale. Ils s’étaient déjà mobilisés en 2018, empêchant la conclusion d’un «accord-cadre institutionnel» négocié pendant sept ans et qui aurait mis à mal la protection des rémunérations en Suisse.

L’assemblée des délégués, réunie le 7 décembre à Berne, a adopté un manifeste en faveur de la libre-circulation des personnes, alors que les négociations avec l’Europe sur les Bilatérales III se terminent.

Ouvert à la main-d’œuvre étrangère, mais ferme sur la protection des salaires. C’est ainsi que s’affiche Unia, à l’heure où les négociations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) sur les Bilatérales III arrivent à bout touchant. L’assemblée des délégués, qui s’est tenue le 7 décembre à Berne, a adopté – à l’unanimité moins une abstention – un manifeste réaffirmant l’attachement du syndicat à la libre-circulation des personnes, tout en soulignant la nécessité d’éviter la sous-enchère salariale grâce à des mesures d’accompagnement encore plus efficaces.

L’immigration est l’un des points sensibles dans les négociations sur ce troisième volet des accords bilatéraux, qui ont débuté en mars dernier. Le Conseil fédéral espère en effet obtenir de Bruxelles une clause de sauvegarde qui lui permettrait de limiter temporairement la libre-circulation quand il estime que la situation économique l’exige. Mi-décembre, l’Union syndicale suisse a de son côté appelé le gouvernement à exiger un nouveau cycle de négociations, jugeant qu’en l’état, le projet d’accord ne protège pas suffisamment les salaires et le service public.

Les mêmes droits pour toutes et tous
Dans son manifeste, élaboré lors d’ateliers avec des militants de base, Unia s’engage pour sa part en faveur d’une Europe démocratique et sociale, où tous les travailleurs et les travailleuses ont les mêmes droits, peu importe leur origine ou leur nationalité. Sur le principe du socle social commun, le texte appelle à renforcer ces droits. Le syndicat considère que la Suisse doit intégrer dans sa législation les améliorations adoptées par l’UE, et combler les lacunes, par exemple en matière de salaires minimums, de protection contre les licenciements, de conciliation entre travail et vie privée, de responsabilité des entreprises ou d’égalité salariale.

Unia rappelle néanmoins la «ligne rouge» tracée par les syndicats il y a quelques années: «La Suisse doit garder sa capacité à prendre des mesures efficaces de façon autonome pour faire appliquer le principe du "salaire égal pour un travail égal au même endroit" pour toutes les composantes du salaire, y compris les frais.» Cela passe par le renforcement des conventions collectives de travail et des contrôles paritaires. Le manifeste plaide en outre pour le maintien de dispositifs tels que les cautions versées par les entreprises afin d’assurer le paiement des salaires, ainsi que les sanctions et l’exclusion éventuelle du marché national pour celles qui contreviennent aux conditions de travail en vigueur en Suisse. Enfin, Unia affirme sa volonté de ne pas baisser la garde sur la défense du service public, et de s’opposer notamment à la libéralisation totale du marché de l’électricité.

Salaires suisses très attractifs
«De nombreux points de négociations restent ouverts», a précisé Nico Lutz, membre du comité directeur d’Unia et responsable du secteur de la construction, en préambule au vote des délégués. Le syndicaliste explique que la Suisse est l’un des pays européens qui attirent le plus de travailleurs détachés, du fait que le salaire médian est trois fois plus élevé ici que dans l’UE. «Unia s’est toujours positionné en faveur de la libre-circulation avec l’UE, rappelle Nico Lutz. Avant l’introduction de celle-ci, la pression sur les salaires était très forte en Suisse, à cause du statut très précaire de saisonnier. Mais nous avons aussi toujours exigé des mesures d’accompagnement afin de protéger les salariés et les salariées. Nous protégeons les salaires, pas les frontières.»

Un délégué vaudois prend la parole. Il regrette que, malgré les mesures d’accompagnement, la libre-circulation profite surtout aux patrons, qui peuvent puiser à volonté dans la réserve de chômeurs de l’UE. «Cela a toujours été le cas, réplique Nico Lutz, sauf qu’avant la libre-circulation, la main-d’œuvre étrangère avait moins de droits et était dans une situation extrêmement précaire.» Autrement dit, la pression sur les salariés suisses était encore plus forte qu’aujourd’hui. Hormis cette réserve, l’adoption du manifeste par les délégués d’Unia n’a pas vraiment fait débat.

Dans la foulée, l’assemblée a aussi approuvé la prise de position contre l’initiative de l’UDC «Pas de Suisse à 10 millions». Un projet jugé démagogique, car il prétend, au nom de la durabilité, établir un contrôle strict de l’immigration, au besoin en dénonçant l’accord sur la libre-circulation des personnes.

Lire le manifeste

Les contremaîtres obtiennent aussi une augmentation générale

Les contremaîtres bénéficiant de la Convention des cadres de la construction auront une augmentation générale de salaire de 1,4% en 2025. Les syndicats ont obtenu de la Société suisse des entrepreneurs un alignement sur l’accord salarial récemment conclu pour la Convention nationale du secteur principal de la construction (CN). Pour la première fois depuis dix ans, les contremaîtres se retrouvent à égalité avec les adaptations générales de salaire de leurs collègues relevant de la CN. Unia, Syna et l’association de cadres Baukader n’ont, par contre, pas décroché une revalorisation des salaires minimums. La demande reviendra sur la table lors des négociations de l’année prochaine.

Jérôme Béguin

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