Victoire d’une employée discriminée en raison de son sexe
Soutenue par Unia, une ex-employée de McDonald’s obtient gain de cause devant la justice neuchâteloise à la suite de propos sexistes tenus à son égard par une responsable
«C’est un message d’espoir pour toutes les femmes qui subissent des discriminations, un signal fort rappelant aux employeurs qu’ils ne peuvent ignorer les dispositions légales.» à la suite du verdict rendu par le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers le 7 février dernier, Virginie Ribaux, juriste à Unia, n’a pas caché sa satisfaction. Et a souligné le courage de l’ex-employée de McDo qu’elle a représentée et qui «a osé se battre pour faire reconnaître ses droits». La plaignante – que nous appellerons Alice pour préserver son anonymat et favoriser la compréhension du récit – sort victorieuse d’un combat qui aura duré plusieurs mois. Et devrait recevoir à titre de réparation une indemnité de 6000 francs, «l’équivalent de deux mois de salaire environ», sous réserve qu’un recours ne soit pas déposé. Les frais et les dépens sont également mis à la charge de l’employeur. L’histoire d’Alice avec McDo débute en novembre 2017 sous de bons auspices. A cette date, la jeune femme décroche un poste dans le fastfood de Marin-Epagnier, dans le canton de Neuchâtel. Ses bons états de service lui valent, au début du mois de novembre 2019, de devenir formatrice. A la fin de ce même mois, elle accepte que son contrat soit repris par le nouveau franchisé du restaurant, propriétaire d’autres McDo encore. En janvier 2020, des postes de managers s’ouvrent. La salariée manifeste alors son intérêt et sa motivation à briguer une de ces places. Et en parle avec la responsable de l’établissement de Marin.
Espoir douché
A l’issue d’un premier entretien durant lequel elle évoque son mariage prévu dans les mois à venir, Alice ne doute pas de ses chances d’obtenir la promotion espérée. Pour elle, au regard de ces échanges, ses chances sont excellentes. Espoir douché. Quelques jours plus tard, sa supérieure l’informe que son dossier a été écarté. La raison invoquée? Son mariage imminent, la forte probabilité d’une grossesse et le fait que la situation aurait été appréhendée différemment si elle avait été un homme. «Vraiment? Doit-on comprendre qu’une femme de 30 ans n’ayant pas de volonté d’enfanter n’est pas épanouie», se fâche Virginie Ribaux. Dans ce contexte, Alice demande à l’employeur de s’expliquer sur les raisons de sa rétraction. Une rencontre enregistrée est organisée entre les différentes parties. Il ressort de cette réunion qu’aucune décision n’aurait, à ce stade, été prise, que la promotion visée n’aurait jamais été validée. Quelques jours plus tard, Alice donne sa démission. Et sollicite l’aide du Service de l’égalité qui l’oriente vers Unia. Le tribunal est saisi. Devant la justice, le patron affirme n’avoir jamais tenu les propos qu’on lui a prêtés, pas plus qu’il ne se serait engagé à proposer ou non un poste de manager à Alice. L’affaire reposerait sur un malentendu, sur la possibilité que la plaignante ait mal compris son interlocutrice n’ayant, au demeurant, est-il précisé, pas de pouvoir décisionnaire. De son côté, cette dernière réfute aussi les dires d’Alice tout en admettant ne plus être sûre... Le Tribunal a tranché. S’il n’a pas retenu un refus de promotion en raison du genre, il a jugé la teneur des propos discriminants de la responsable particulièrement grave, justifiant dès lors l’octroi d’une indemnité.
Pierre à l’édifice de l’égalité
«Le verdict a été fondé sur un faisceau d’indices convergents et la vraisemblance des faits. La mauvaise foi de l’employeur a été vaine. Unia se réjouit particulièrement de l’effet de précédent engendré par une telle décision», commente encore Virginie Ribaux. Reste qu’engager une procédure et obtenir la reconnaissance d’une discrimination subie en raison du genre relève le plus souvent du parcours du combattant. «Avec une ténacité exemplaire, cette salariée a tenu bon afin de faire reconnaître la discrimination du genre... C’est rare et, souvent, les personnes ne vont pas au bout du processus en raison de sa lourdeur et de sa longueur. Au-delà de sa triste expérience, cette femme donne une voix à de nombreuses autres, bien trop souvent désarmées, devant faire face à de telles discriminations banalisées sur leur lieu de travail.» Les violations de la Loi sur l’égalité, bien qu’entrée en vigueur il y a 25 ans, le 1er juillet 1996, restent effectivement nombreuses. «Il est fréquent que l’on soit confronté à de telles discriminations en raison du sexe. Parfois, les victimes n’en sont même pas conscientes, d’où l’importance de médiatiser ce genre de jugement. Il rappelle à toutes les employées qu’elles ont des droits et que l’employeur à l’obligation de veiller à leur respect, au sein de son organisation du travail au sens large», ajoute Virginie Ribaux non sans se désoler du fait que nombre d’injustices en la matière sont aussi souvent commises par d’autres femmes. «Chacune doit être consciente de ce type de dérives et être actrice du changement. La victoire remportée dans cette affaire est une pierre à l’édifice de l’égalité. Au-delà de l’argent obtenu, elle sert la cause.»