Peur, intérêts égoïstes, arguments à l’emporte-pièce ont une nouvelle fois donné le ton à la politique d’asile de la Suisse. Avec, pour conséquence, la suspension de la signature du Pacte sur les migrations de l’ONU dont le sort sera tranché au Parlement. Après le Conseil des Etats, la Chambre du peuple s’est elle également prononcée dans ce sens. Situation expliquant l’absence de la Suisse, le 10 décembre dernier, à Marrakech où les représentants de quelque 160 Etats s’étaient réunis pour signer cet accord. Défection et aveu de faiblesse du gouvernement – alors que le document avait été négocié avec la contribution active de son ambassadeur à l’ONU! – cédant le pas à l’Assemblée fédérale. Pathétique volte-face dictée par les réticences et critiques des partis bourgeois. Et l’hostilité claire de l’UDC, tirant à boulets rouges sur le traité, ravie de revenir sur son terrain favori après l’échec dans les urnes de son initiative pour l’autodétermination. Et prête, à n’en pas douter, à porter au besoin le sujet devant le peuple.
Le Pacte en question n’a pourtant rien de révolutionnaire. Non-contraignant, il établit un cadre de coopération pour réguler la migration. Il plaide pour un consensus global minimal misant sur la responsabilité des Etats appelés à respecter les droits humains des exilés et à lutter contre les discriminations. A combattre leur exploitation et garantir leur accès à des services de base comme l’éducation ou à des procédures équitables. Sans interférer sur la souveraineté des Etats signataires conservant leur totale autonomie dans la gestion de l’arrivée des migrants. Après l’avoir approuvé, le Conseil fédéral a pourtant pris le parti de surseoir à sa décision – comme si notre pays pouvait faire cavalier seul face à un problème qui ne cessera de prendre de l’ampleur. Et à l’instar d’une dizaine d’autres reportant ou refusant de parapher ce texte. Dont une majorité d’Etats menés par des formations nationalistes partisanes d’une fermeture des frontières. Triste alignement même si l’image d’une Suisse humanitaire ne fait plus illusion depuis longtemps. Avec des exemples négatifs à répétition. Notamment sur sa manière d’appliquer le règlement Dublin signé il y a exactement dix ans. Un accord permettant à la Confédération de renvoyer les requérants d’asile dans le pays d’arrivée en Europe. Une possibilité dont elle a, cette décennie, usé et abusé, expulsant 4,5 fois plus de personnes qu’elle n’en a accueillies. Sans égards pour les requérants d’asile les plus vulnérables, malgré les appels réitérés de la société civile en ce sens. Même posture égoïste concernant l’Aquarius. Berne a récemment refusé d’accorder au bateau humanitaire le pavillon rouge à croix blanche. Quand bien même il a rempli une mission essentielle, sauvant plusieurs dizaines de milliers de vies en Méditerranée.
A la veille de formuler des vœux pour la nouvelle année, exprimons celui d’une approche plus empathique et ouverte de la migration. Puisse 2019 se solder par la signature du Pacte onusien. Un petit pas qui aurait le mérite de redonner un semblant de crédit à une Suisse des Conventions de Genève toujours plus repliée sur elle-même. Un signal où, dans un jeu de miroir avec les personnes qui sollicitent notre aide et protection, nous jouons tous notre humanité…