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«Vous pouvez être fiers d’avoir amélioré votre CCT»

Près de 100 personnes ont participé à la conférence de branche de l’horlogerie le 6 mars à Neuchâtel. La nouvelle Convention collective de travail des industrie horlogère et microtechnique suisses a été votée à l’unanimité.
© Thierry Porchet

Près de 100 personnes ont participé à la conférence de branche de l’horlogerie le 6 mars à Neuchâtel. La nouvelle Convention collective de travail des industrie horlogère et microtechnique suisses a été votée à l’unanimité.

La nouvelle convention collective de travail de l’industrie horlogère et microtechnique a été adoptée officiellement par les partenaires sociaux le 3 mai. Retour sur la conférence de branche durant laquelle les délégués l’ont acceptée à l’unanimité.

Le 6 mars, une centaine de personnes ont fait le déplacement à Neuchâtel pour assister à la conférence des industries horlogère et microtechnique 2024. Presque à l’heure, Vincent Koloszczyk, président de la branche pour Unia, a ouvert les feux de ce moment clé. Soit le vote de la nouvelle convention collective de travail (CCT) par les 67 délégués présents (dont 63% de femmes). 

En préambule, le président est réélu à l’unanimité. A ses côtés, le responsable de la branche horlogère d’Unia, Raphaël Thiémard, remercie les délégués pour «leur superbe travail dans toutes les régions»: 1020 nouveaux membres ont été recrutés en 2023. 

Vincent Koloszczyk revient sur les différents rounds de négociations, parfois tendus, notamment concernant le jour de carence en cas de maladie que le patronat n’a pas réussi à imposer. «Après plusieurs interruptions de séances, nous sommes repartis avec le sourire», précise le président. Un bémol? «Nous souhaitions que la participation patronale à la caisse maladie (PPCM) soit un peu plus élevée et s’applique aussi aux temporaires. L’avis de droit d’Unia stipulait leur droit à toucher cette aide. Ce qu’a réfuté un autre avis obtenu par la faîtière patronale Swissstaffing.»

Raphaël Thiémard présente ensuite les avancées de cette nouvelle CCT avec la précision d’un horloger. 

Meilleur congé parental

Bonne nouvelle: le congé maternité, payé à 100%, atteint 17 semaines. Les mères obtiennent une semaine de congé supplémentaire, trois de plus que prévu par la loi. Si elles s’engagent à ne pas quitter l’entreprise dans les 12 mois qui suivent leur retour de congé, elles ont droit à 19 semaines. Le congé paternité passe à 3 semaines payées à 100%. Le congé pour soins à un membre de la communauté familiale, existant depuis longtemps dans cette CCT, a été adapté à la loi. «Auparavant, les notions de “caractère d’urgence”, de “cause grave” et de “parce qu’il n’y a pas d’autre solution” donnaient lieu à beaucoup de refus injustes des employeurs, après de véritables interrogatoires», indiquent les documents de travail d’Unia.

«La partie famille est très positive. En contrepartie, nous avons accepté de réduire la protection en cas de maladie lorsqu’elle survient après le licenciement, de 112 à 90 jours (de la 2e à la 5e année de service), et de 720 à 360 jours (à partir de la 10e année de service). C’est ce que prévoit la loi. En sus, nous avons réussi à obtenir que cette mesure ne soit pas appliquée pour les plus de 55 ans, précise Raphaël Thiémard. Concernant l’amélioration de l’accès du syndicat aux entreprises, les situations problématiques ont été exposées. Sur la protection des délégués syndicaux, on a avancé. Dorénavant, l’entreprise ne peut pas prendre de mesures de licenciement sans un délai de conciliation de deux semaines et des discussions avec les syndicats. C’est un frein pour les entreprises et donc une protection pour les délégués, encore trop peu protégés en Suisse.» Par ailleurs, nos membres auront droit à deux jours de congé, au lieu d’un seul, par an, pour participer à la Conférence de branche et à l’Assemblée des délégués de l’industrie.

Toujours pas de DFO

Point négatif: la déclaration de force obligatoire (DFO) n’a pas été obtenue. «Certaines entreprises conventionnées profitent de faire travailler des sous-traitants non conventionnés à des prix plus bas grâce à de moins bonnes conditions de travail…» déplore Raphaël Thiémard.

La question de la mise entre parenthèses de la CCT en cas de crise a été beaucoup discutée. «Nous nous sommes battus pour réduire la portée de cette concession. Finalement, la dérogation à la CCT peut être demandée, mais des preuves doivent être apportées de la part du patronat. Dans la pratique, ça va empêcher d’y recourir à la légère», souligne le responsable syndical.

Point positif: les employés âgés seront mieux protégés. La rente-pont augmente de 24000 à 30000 francs, un an avant l’âge de la retraite. Le licenciement d’une personne de plus de 55 ans, depuis dix ans dans l’entreprise, est toujours possible, mais l’employeur doit examiner avec elle si un reclassement interne ou d’autres mesures sont possibles.

Concernant le harcèlement, un groupe de travail paritaire va plancher sur le renforcement du dispositif actuel. Il faudra voir si les travaux aboutissent à des améliorations. 

Les discussions autour du temps de travail ont été compliquées tant les positions étaient diamétralement opposées, entre la semaine de 36 heures prônée par le syndicat et l’annualisation du temps de travail voulue par le patronat.

«Nous étions d’accord pour une annualisation, si l’on passait à 36 heures, sourit Raphaël Thiémard. Mais voilà, on a juste réussi à faire barrage à une vieille revendication patronale qui revient à chaque fois.» Par contre, le temps partiel bénéficie d’une petite ouverture. En cas de demande de l’employé, l’employeur doit l’examiner et motiver son refus.

Travail temporaire: 24 mois maximum

Le travail temporaire était le dossier majeur de ces négociations. «Les dérapages sont nombreux. Il est parfois utilisé pour mettre les gens en période d’essai pendant deux ans au prétexte de les former. Certains travailleurs sont intérimaires depuis des années et, dans certains ateliers, ils représentent près de la moitié des employés. Nous voulions poser une limite à la proportion de temporaires et imposer l’octroi d’une prime de précarité si ceux-ci n’étaient pas repris en fin de mission. Sans succès, déplore Raphaël Thiémard. Par contre, une commission paritaire est prévue pour traiter des cas spéciaux. Et je vous assure qu’on va les amener…» Point important: si un employé temporaire cumule 24 mois de mission, dans un délai-cadre de 30 mois, l’employeur doit lui proposer un CDI s’il veut continuer à l’employer. Une avancée qui exigera, pour qu’elle soit appliquée, une surveillance sur le terrain. 

La possibilité de négocier collectivement des hausses de salaires a été balayée, tout comme la progression minimale automatique.

Un petit pas tout sauf anodin en Suisse: la nouvelle CCT postule que les employés ont le droit de divulguer le montant de leur revenu. Ce qui était interdit dans certaines boîtes. «J’espère que cela va changer les mentalités pour de meilleures conditions salariales, afin de diminuer les inégalités hommes-femmes notamment», souligne Raphaël Thiémard.

Rapahel Thiémard explique les améliorations de la CCT

 

Pas de jour de carence

La délégation syndicale a obtenu une augmentation des salaires minimums rétroactivement au 1er janvier 2024. Exception faite des régions de Soleure, Bâle, Lengnau et du Tessin qui ont obtenu une augmentation plus élevée. Dans le canton italophone, un accord prévoit une hausse de 2,56% de 2022 à 2025. Une hausse bienvenue, mais les salaires tessinois restent trop bas.

Sur le pont de fin d’année, le syndicat a concédé la possibilité aux entreprises ne fermant pas plus d’une semaine en été de bloquer cinq jours de congé à Noël au lieu de trois actuellement.

Le permanent syndical est revenu sur le vote le 8 décembre dernier des délégués concernant le jour de carence. «Vous avez demandé à la délégation syndicale de ne pas faire de concession sur ce point. Cette position a été mal reçue par le patronat. Mais nous avons réussi», se réjouit Raphaël Thiémard. En effet, malgré ce blocage, la PPCM a pu augmenter de 20 francs. Le personnel fixe touchera donc 195 francs par mois, à partir du 1er janvier 2025 comme contribution à l’assurance maladie.

Employeurs inquiets

En ce 6 mars, si les avancées sociales ne sont pas aussi fortes que l’aurait espéré la délégation syndicale, elles semblent déjà poser des questions aux employeurs. Kedy-Joyce Pose, secrétaire syndicale à Unia Transjurane, indique: «Concernant les temporaires, deux patrons m’ont déjà contactée pour demander des dérogations… Donc je pense que cet article concernant l’obligation d’un CDI au bout de 24 mois va faire effet. Certains temporaires cumulent 5, 10, 20 ans de travail, dans un même groupe.»

Silvia Locatelli, secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel souligne: «Le temporaire, pour le patronat, ce n’est personne. Quand il doit licencier, il ne licencie donc personne. Nous avons été surpris, lors de la dernière séance, que des entreprises demandent à sortir de la CCT pour ne pas devoir appliquer cet article. Il faut nous faire remonter tous les cas, car nous ne manquerons pas de les médiatiser.»

Après une discussion riche et animée, une pause de dix minutes et un peu de retard, la nouvelle CCT a été acceptée à l’unanimité. 

Responsable du secteur Industrie d’Unia, Yves Defferrard demande alors une ovation pour la cheville ouvrière de cette nouvelle convention: Raphaël Thiémard. Celui-ci précise que le résultat ne peut être que le fruit d’un travail collectif, de la délégation, des experts juridiques et économiques, des travailleuses et des travailleurs. Deux résolutions sont encore votées. L’une de soutien au personnel de Micarna, alors en grève. Et une autre pour des salaires minimums tessinois décents. Yves Defferrard conclut: «La lutte continue, dans chaque entreprise. Vos collègues de l’industrie des machines ont juste pu repousser les attaques. Vous, vous pouvez être fiers d’avoir amélioré votre CCT.» 


Une implication de la base dès le début

Le succès des négociations, pour Yves Defferrard, responsable du secteur Industrie d’Unia, tient surtout à l’implication des membres, dès le début, déjà en 2021. «Cette participation active sur les lieux de travail est très positive. Toutes les régions se sont beaucoup engagées. La délégation de négociations a été remarquable. Connaissant les problèmes, ils ont su aussi garder leur calme face à des patrons parfois durs.»

Le responsable syndical note «des points d’ombre» bien sûr: «Il faut un meilleur rapport de force, à l’instar de nos camarades neuchâtelois qui ont réussi à permettre un certain renversement. On s’est aussi pris des baffes. On n’a pas été bon tout le temps. La période entre deux renouvellements doit permettre d’améliorer ce rapport de force. C’est central pour faire bouger les lignes. Il s’agit de remettre l’ouvrage sur le métier pour 2029 afin d’améliorer la CCT. Parallèlement, nous devons la faire respecter. Ce qui n’est pas toujours évident. Nous l’avons dit au patronat, la paix du travail a ses limites… Dans le contexte actuel, on peut être fiers du résultat. On a obtenu mieux que ce qu’on avait imaginé.»


2024-2029: les prochaines étapes

Le résultat des négociations ne pouvait être divulgué avant le 3 mai, car la CCT devait être ratifiée par la partie patronale, mais aussi par la direction du secteur Industrie et le comité central d’Unia. Dès lors, c’est maintenant que la campagne commence pour informer les employés et les employeurs, notamment les collaborateurs des ressources humaines (RH), de la nouvelle CCT qui entrera en vigueur le 1er juillet. 

Pour la suite, Raphaël Thiémard énonce déjà quelques thèmes de travail: suivre les questions ouvertes et les faire avancer, que ce soit sur la prévention des harcèlements, la durée des contrats temporaires, l’accès aux entreprises, l’égalité salariale, la formation des adultes, les préretraites... Pour Unia, il s’agit aussi de suivre l’application des nouvelles règles, telles que le congé pour soins aux proches, et de veiller au respect des jours fériés et des heures supplémentaires. La coordination doit continuer avec les femmes de l’horlogerie, et pas seulement le 14 juin. Une campagne ciblée est prévue sur la question des temporaires, mais aussi sur les apprentis, car le renouvellement des membres reste essentiel pour les luttes à venir. 


Témoignages de délégués

Sarah Neboux: «On a sauvé les meubles, mais on a aussi consolidé notre CCT. On est très contents. Reste qu’on aurait plus de poids si les temporaires se mobilisaient.»

Vincent Koloszczyk: «La case temporaire est le passage quasi obligé. C’est le temps d’essai en fait. Sauf qu’il peut durer 5, 10, 20 ans… La nouvelle CCT va empêcher ce type de contrat.»

Christian Weber: «Une secrétaire patronale m’a dit qu’on voulait l’Himalaya et que l’on a obtenu beaucoup. On ne pouvait pas aller plus loin. Les patrons ont lâché un peu. Reste une frustration sur le nombre de temporaires. Leur recours permet aux boîtes de licencier, sans officiellement licencier. C’est une variable d’ajustement.»

Mohamed Ezz El Din: «La nouvelle CCT est très bien, même si l’on n’a pas tout obtenu. Les patrons tenaient à leur jour de carence, mais on a gagné. Heureusement, parce qu’avec les salaires très bas de la branche, ce n’est pas possible de perdre une journée. Les discussions ont été tendues, mais on a même réussi à augmenter la PPCM.»

Valérie: «Il y a de bonnes avancées dans les congés paternité et maternité, ainsi que dans la participation à l’assurance maladie. C’est important aussi de ne pas avoir cédé sur le jour de carence. Les patrons ont été scotchés. La protection licenciement et la limitation du temps comme temporaire sont une bonne chose aussi.»

Ricardo: «La fermeture absolue des patrons sur la DFO et sur la protection des salaires doit nous alerter.»

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