Alessandro Pelizzari se tourne vers de nouveaux horizons
Le secrétaire régional d’Unia Genève quittera Unia fin juin. Il a été nommé à la tête de la Haute école de travail social et de la santé à Lausanne
Après 14 ans d’intense activité syndicale, Alessandro Pelizzari va donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle. Entré en 2006 à Unia Genève pour le secteur de la construction, il est à la tête de la région depuis 2008. Il vient d’être nommé directeur de la Haute école de travail social et de la santé (EESP) à Lausanne, poste qu’il occupera à temps partiel dès le 1er juin, avant de quitter Unia le 30 juin.
Le parcours du syndicaliste est marqué par un engagement inlassable en défense des intérêts des travailleurs et des luttes collectives emblématiques notamment chez Merck Serono, ABB Sécheron ou encore récemment chez Epsilon. Avec l’équipe syndicale et les militants de sa région, il a fait de la lutte contre le dumping salarial et le racisme anti-frontalier une priorité de la région, en imposant notamment, en 2016, l’Inspection paritaire des entreprises (IPE), et en portant l’initiative syndicale cantonale pour un salaire minimum, soumise au vote le 17 mai prochain.
Avec un tel actif, pourquoi cette décision de réorientation? «Il y a plusieurs raisons. D’abord, je pense que la pire des choses pour le mouvement syndical, c’est des personnes qui s’accrochent à leur siège. Le syndicat doit être en mutation permanente pour s’adapter à un monde du travail qui change continuellement. J’ai toujours considéré le travail syndical comme un travail collectif, dont les décisions démocratiques sont appropriées par les travailleurs sur leurs lieux de travail et prises en toute indépendance des patrons ou des partis politiques. C’est ce projet syndical qui était au cœur du travail syndical de la région Unia de Genève, et il n’est pas l’affaire d’un seul homme. Je suis convaincu qu’il y a suffisamment de compétences et de convictions partagées dans la région pour garantir la continuité de ce projet. En même temps, même si j’ai eu le privilège d’œuvrer dans un poste qui a du sens, qui est varié et toujours aussi passionnant, j’avoue aussi une certaine envie de changement. Il faut savoir saisir les opportunités quand elles se présentent.» A 45 ans, confie-t-il, il ne se voyait pas encore 20 ans au même poste. Et se profiler pour le Comité directeur n’était pas dans ses intentions. «Ce n’est pas ce syndicalisme-là qui m’intéresse. Ma place était dans un syndicalisme sur les lieux de travail, proche des salariés, pas dans un syndicalisme de dossiers et d’institutions.»
Pour le secrétaire régional, l’affaire du comportement inadéquat d’un secrétaire syndical de la région révélée en décembre par la presse n’a pas du tout impacté sa décision. Son départ n’étant pas prévu avant cet été, il aura le temps de tirer les conclusions de la procédure qu’il a activée à l’interne.
Nouveaux défis à relever
Comme directeur de l’EESP, Alessandro Pelizzari renouera avec son parcours académique. Sociologue, il a été chargé de cours et de recherches dans le domaine de la politique sociale et du travail social à l’Université de Fribourg, puis a effectué une thèse à l’Université de Genève sur la précarisation des conditions de travail. «Le domaine du travail social et de la politique sociale pose aujourd’hui des défis extrêmement intéressants. Nous avons un grand besoin de recherches sur les problèmes sociaux, mais aussi de professionnels du social formés aux questions brûlantes de l’actualité. L’EESP forme quelque 300 personnes à chaque volée, dont nombreux se politisent aujourd’hui avec les mouvements sociaux. Ce nouveau poste ouvre la perspective de renforcer les passerelles entre le monde du social et le monde académique.»
Dans un communiqué, la haute école se félicite de l’arrivée d’Alessandro Pelizzari, qui remplacera la socialiste jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, élue au Conseil des Etats en octobre: «La vision stratégique de M. Pelizzari, son parcours alliant des compétences académiques à celles d’une direction d’institution sont autant d’atouts pour conduire l’EESP et apporter une contribution forte à son devenir.»
Appui essentiel pour les militants
Du côté d’Unia Genève, l’annonce de son départ a surpris. «Je vais beaucoup le regretter. Il a fait un excellent travail au niveau syndical. C’est un lutteur, avec beaucoup de souplesse. Je suis conscient qu’après tant d’années au syndicat, il puisse saisir l’occasion de revenir à ses premières amours, souligne Christian Berlemont, délégué syndical chez Coop et coprésident de la région. Maintenant, nous allons œuvrer à trouver un successeur compétent, dans sa ligne syndicale. Nous avons besoin d’une personne voulant faire avancer la machine et non quelqu’un qui soit dans le consensus. Alessandro savait très bien faire ça, sans aller au clash.» Président de la délégation syndicale de Givaudan Vernier, Xavier Henauer abonde: «Il a été un appui essentiel pour nous, représentants syndicaux dans les entreprises. Il a de l’influence à Genève, tant dans le milieu patronal qu’au niveau politique. Une expérience et une manière de parler qui amène à l’écoute. Il s’est aussi beaucoup investi dans la CGAS, et a toujours défendu nos valeurs genevoises vis-à-vis de la centrale, par exemple nos positions contre la RIE 3 ou la hausse de l’âge de la retraite des femmes et le projet PV 2020.» Vice-président de la région, Xavier Henauer tient aussi à ce que le comité régional soit un acteur dans le choix du futur secrétaire régional, pour «trouver une personne revendicatrice, à l’image des militants, et porteuse de ces valeurs».