Cancers de la chimie: Sygenta et Unia passent un accord
Mardi 05 décembre 2006
Atteint d'un cancer de la vessie, Raphy Udressy, retraité de la Ciba, fait partie des malades qui recevront une aide financière
Le Galecron, un insecticide fabriqué dans le passé par la Ciba - aujourd'hui Syngenta - est-il responsable des cancers de la vessie ayant frappé plusieurs collaborateurs affectés à sa production? Chargé d'analyser la question, un groupe d'experts de l'entreprise et d'Unia n'a finalement pas établi de lien formel entre le composant chimique et la maladie. Les victimes bénéficieront tout de même d'une aide financière. Comme Raphy Udressy qui, s'il est reconnaissant, ne peut pas pour autant tourner la page.
Du rire aux larmes, tantôt ironique, tantôt reconnaissant, Raphy Udressy éprouve des émotions contradictoires. Il y a bien sûr de la satisfaction. Le combat mené contre son ex-employeur a porté ses fruits. Les malades ou leurs survivants ne sont pas purement et simplement abandonnés à leur sort. Ils recevront une aide financière comme le prévoit l'accord signé entre Syngenta et Unia. De quoi conforter cet ancien syndicaliste qui n'a jamais baissé les armes. «Enfin, pour autant qu'il en ait la volonté et qu'il soit syndiqué, l'ouvrier peut se défendre. Ma reconnaissance va d'abord à Unia.» Mais la victoire a aussi un goût amer: Syngenta déclare ouvrir son porte-monnaie à «titre gracieux»; la responsabilité de son prédécesseur n'est pas implicitement reconnue. «C'est un paradoxe! Une manière aussi de faire taire les victimes. Ponce Pilate qui se lave les mains...», lance le retraité dans ce franc-parler qui le caractérise et donne de l'étoffe à sa personnalité.
Merci quand même
Critique, Raphy Udressy ne se montre pas ingrat pour autant. «Je dis tout de même merci à Syngenta. Je n'en veux pas aux dirigeants actuels mais aux chimistes de l'époque qui, bien que connaissant les risques liés au produit, n'ont pas pris les précautions nécessaires et ne nous ont jamais informés. Difficile de leur pardonner.» Pour cet homme de 77 ans, aucun doute n'est en effet possible: le cancer de la vessie contracté il y a deux ans résulte directement de ses contacts avec l'insecticide le Galecron, fabriqué jadis dans l'usine. Dans cette perspective, l'indemnité relève plus d'un droit que d'un geste à bien plaire. Une largesse qui ne sera toutefois pas chiffrée, celle-ci restant secrète. Quoi qu'il en soit, le retraité juge le montant accordé aux victimes «honnête». «On ne s'est pas moqué de nous», affirme-t-il avant d'ajouter, un rien narquois: «Aucun souci toutefois pour les actionnaires du groupe. Cette somme n'aura pas d'incidence sur leurs dividendes.» Une ironie qui aide aussi Raphy Udressy à supporter les souffrances endurées.
Que de souffrances...
«L'argent ne me rendra pas la santé», soupire l'homme qui lutte sans relâche contre son mal et vient de subir un nouvel examen médical. Un contrôle extrêmement douloureux que le malade compare à «un accouchement sans péridurale». Et de raconter, à demi-mot, l'horreur d'une canule insérée dans l'urètre, les hémorragies qui s'en suivent des jours durant, les menaces d'incontinence... «Le pronostic est bon pour l'instant, mais il n'est pas synonyme de guérison» confie, lucide, Raphy Udressy avant d'enchaîner les yeux voilés de larmes : «Un de mes ex-collègues est décédé il y a quelques mois. 56 ans! Je pense à sa veuve, aux projets prématurément interrompus. Je ne suis pas seul à souffrir. Combien de familles anonymes auront perdu de proches? J'ai mené ce combat d'abord pour les autres.»
Fan de basket féminin
Si l'accord met un terme à l'engagement de l'ancien syndicaliste, ce dernier sait qu'il ne pourra pas clore l'affaire pour autant. «Cet arrangement enlève de la charge, mais il m'est impossible de tourner la page. Je vis avec le virus du cancer dans le corps. A tout moment, il est susceptible de se développer.» Ni apitoiement, ni dramaturgie mais un constat posé froidement qui ne fait toutefois pas obstacle à la force de vie et au courage de Raphy Udressy. «Je ne souhaite pas devenir centenaire et fou, mais j'espère profiter encore quelques années de l'existence.» Avec l'idée, derrière la tête, d'assister encore à de nombreux matchs de l'équipe féminine de basket de Troistorrents que le retraité admire tant. «Vous expliquer cette passion? Difficile. Disons que c'est physique sans être brutal. Il y a un véritable esprit de camaraderie. Bien qu'elles soient dix joueuses, elles n'en forment qu'une sur le terrain.» Encore et toujours ce sens du collectif et de la solidarité qui n'a jamais fait défaut à Raphy Udressy et qui lui a donné un cœur plus gros qu'une usine...
Sonya Mermoud
Des millions déjà versés aux Etats-Unis
Ni responsable, ni négligente: voilà la position qu'a toujours adoptée la Ciba - aujourd'hui Syngenta - sur la question du Galecron. Une ligne de défense qui n'a pas empêché la société de passer à la caisse. En 1995, révèle une enquête menée par l'Hebdo dans son numéro de mai 2005, le groupe a effectué un arrangement à l'amiable avec le Tribunal de l'Alabama et a déboursé quelque 80 millions de dollars. Ce montant a été versé en faveur de 30000 personnes ayant été exposées à l'insecticide. En 2001, un employé de l'entreprise a, en Louisiane, obtenu près d'un demi-million de dollars pour souffrances physiques et morales. Toujours selon cette même source, la facture pourrait encore s'alourdir, des procédures courant encore aux Etats-Unis.
SM
Du rire aux larmes, tantôt ironique, tantôt reconnaissant, Raphy Udressy éprouve des émotions contradictoires. Il y a bien sûr de la satisfaction. Le combat mené contre son ex-employeur a porté ses fruits. Les malades ou leurs survivants ne sont pas purement et simplement abandonnés à leur sort. Ils recevront une aide financière comme le prévoit l'accord signé entre Syngenta et Unia. De quoi conforter cet ancien syndicaliste qui n'a jamais baissé les armes. «Enfin, pour autant qu'il en ait la volonté et qu'il soit syndiqué, l'ouvrier peut se défendre. Ma reconnaissance va d'abord à Unia.» Mais la victoire a aussi un goût amer: Syngenta déclare ouvrir son porte-monnaie à «titre gracieux»; la responsabilité de son prédécesseur n'est pas implicitement reconnue. «C'est un paradoxe! Une manière aussi de faire taire les victimes. Ponce Pilate qui se lave les mains...», lance le retraité dans ce franc-parler qui le caractérise et donne de l'étoffe à sa personnalité.
Merci quand même
Critique, Raphy Udressy ne se montre pas ingrat pour autant. «Je dis tout de même merci à Syngenta. Je n'en veux pas aux dirigeants actuels mais aux chimistes de l'époque qui, bien que connaissant les risques liés au produit, n'ont pas pris les précautions nécessaires et ne nous ont jamais informés. Difficile de leur pardonner.» Pour cet homme de 77 ans, aucun doute n'est en effet possible: le cancer de la vessie contracté il y a deux ans résulte directement de ses contacts avec l'insecticide le Galecron, fabriqué jadis dans l'usine. Dans cette perspective, l'indemnité relève plus d'un droit que d'un geste à bien plaire. Une largesse qui ne sera toutefois pas chiffrée, celle-ci restant secrète. Quoi qu'il en soit, le retraité juge le montant accordé aux victimes «honnête». «On ne s'est pas moqué de nous», affirme-t-il avant d'ajouter, un rien narquois: «Aucun souci toutefois pour les actionnaires du groupe. Cette somme n'aura pas d'incidence sur leurs dividendes.» Une ironie qui aide aussi Raphy Udressy à supporter les souffrances endurées.
Que de souffrances...
«L'argent ne me rendra pas la santé», soupire l'homme qui lutte sans relâche contre son mal et vient de subir un nouvel examen médical. Un contrôle extrêmement douloureux que le malade compare à «un accouchement sans péridurale». Et de raconter, à demi-mot, l'horreur d'une canule insérée dans l'urètre, les hémorragies qui s'en suivent des jours durant, les menaces d'incontinence... «Le pronostic est bon pour l'instant, mais il n'est pas synonyme de guérison» confie, lucide, Raphy Udressy avant d'enchaîner les yeux voilés de larmes : «Un de mes ex-collègues est décédé il y a quelques mois. 56 ans! Je pense à sa veuve, aux projets prématurément interrompus. Je ne suis pas seul à souffrir. Combien de familles anonymes auront perdu de proches? J'ai mené ce combat d'abord pour les autres.»
Fan de basket féminin
Si l'accord met un terme à l'engagement de l'ancien syndicaliste, ce dernier sait qu'il ne pourra pas clore l'affaire pour autant. «Cet arrangement enlève de la charge, mais il m'est impossible de tourner la page. Je vis avec le virus du cancer dans le corps. A tout moment, il est susceptible de se développer.» Ni apitoiement, ni dramaturgie mais un constat posé froidement qui ne fait toutefois pas obstacle à la force de vie et au courage de Raphy Udressy. «Je ne souhaite pas devenir centenaire et fou, mais j'espère profiter encore quelques années de l'existence.» Avec l'idée, derrière la tête, d'assister encore à de nombreux matchs de l'équipe féminine de basket de Troistorrents que le retraité admire tant. «Vous expliquer cette passion? Difficile. Disons que c'est physique sans être brutal. Il y a un véritable esprit de camaraderie. Bien qu'elles soient dix joueuses, elles n'en forment qu'une sur le terrain.» Encore et toujours ce sens du collectif et de la solidarité qui n'a jamais fait défaut à Raphy Udressy et qui lui a donné un cœur plus gros qu'une usine...
Sonya Mermoud
Des millions déjà versés aux Etats-Unis
Ni responsable, ni négligente: voilà la position qu'a toujours adoptée la Ciba - aujourd'hui Syngenta - sur la question du Galecron. Une ligne de défense qui n'a pas empêché la société de passer à la caisse. En 1995, révèle une enquête menée par l'Hebdo dans son numéro de mai 2005, le groupe a effectué un arrangement à l'amiable avec le Tribunal de l'Alabama et a déboursé quelque 80 millions de dollars. Ce montant a été versé en faveur de 30000 personnes ayant été exposées à l'insecticide. En 2001, un employé de l'entreprise a, en Louisiane, obtenu près d'un demi-million de dollars pour souffrances physiques et morales. Toujours selon cette même source, la facture pourrait encore s'alourdir, des procédures courant encore aux Etats-Unis.
SM