Images : Thierry Porchet & Virginie Zimmerli. Montage : Virginie Zimmerli.
«Ce soutien m’a émue aux larmes»

Le procès intenté contre un fast-food genevois par une employée victime de harcèlement sexuel s’est ouvert en présence de dizaines de militantes solidaires.
Le 5 février s’ouvrait le procès intenté par Jessica*, avec le soutien d’Unia, contre l’enseigne de fast-food Five Guys à Genève. Derrière celle-ci se trouve l’entreprise Pastem SA. La jeune femme, 28 ans aujourd’hui, déclare avoir subi du harcèlement sexuel à répétition sur son lieu de travail. D’autres collègues femmes sont concernées, mais elle est la seule à avoir saisi la justice afin d’exiger réparation pour les souffrances vécues tout au long de ses relations de travail. «J’ai failli abandonner mais je me suis ravisée, témoigne Jessica, contactée par téléphone. Je le fais pour moi, mais aussi pour celles qui n’ont pas réussi à parler, c’est une sorte de sacrifice.»
Pour rappel, n’ayant pas trouvé de soutien auprès de ses supérieurs, Jessica contacte le syndicat en 2021. Depuis, Unia l’accompagne dans sa procédure. Lors de cette première audience, environ 80 militantes féministes ont manifesté devant le Palais de justice, en soutien à la plaignante (voir notre vidéo ci-dessous). «J’ai été émue aux larmes face à tant de soutien, et cela m’a confortée dans l’idée de me battre jusqu’au bout», souligne la jeune femme, très affectée dans sa vie professionnelle et personnelle depuis ce qu’elle a subi.
Une personne sur deux
«Ce procès est emblématique, car le harcèlement sexuel est un problème structurel dans la société, et que l’on retrouve particulièrement dans la restauration, a commenté Aude Spang, secrétaire nationale à l’égalité chez Unia. A elle seule, Jessica vient porter un problème collectif.»
En effet, selon une étude du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, datant de décembre 2024, «plus de la moitié (52%) des personnes interrogées ont vécu au moins un des douze types de comportements sexistes ou sexuels non désirés soumis sur l’ensemble de leur vie professionnelle. Les femmes (58,8%) sont plus souvent concernées que les hommes (45,9%).»
D’après le syndicat, la problématique est connue, mais il semble que les employeurs aient de la difficulté à passer à l’action lorsqu’il s’agit de protéger leurs employés. «Unia souhaite que ce procès soit exemplaire pour toutes les personnes harcelées qui n’osent pas parler de ce qu’elles vivent, et pour celles qui font le pas de dénoncer publiquement ces pratiques archaïques. La honte doit changer de camp!»
Employeur pas au courant
Après plusieurs mois de bataille contre l’entreprise qui demandait que le procès soit à huis clos, Jessica a obtenu que l’audience soit publique. Lors de la première audience, elle a raconté que, dès 2018, année de son engagement, elle subit des frottements et des caresses. «Nous étions nombreux en cuisine et l’espace était étroit donc j’ai mis ça sur le compte du manque de place, mais ensuite, l’équipe s’est réduite mais les attouchements ont continué. Nos collègues hommes nous traitaient de putes et de salopes et nous demandaient quelles positions sexuelles on aimait. J’en ai parlé aux supérieurs, mais il n’y a pas eu de changements.»
Elle raconte ensuite s’être fait toucher le sein par un collègue qui la ramenait chez elle en voiture. «J’avais entièrement confiance en lui et il disait qu’il me considérait comme sa fille. J’étais choquée.» Elle en parle à ses managers, qui disent vouloir réagir. «Le temps a passé et les paroles déplacées et les agressions ont continué. On avait beau alerter les supérieurs, rien ne changeait. Certains collègues qui nous harcelaient ont été promus managers.»
Avant de démissionner, Jessica se confie à la direction. Cette dernière, au Tribunal, affirme ne pas être au courant des faits et dit tomber des nues. Prise de maux de tête, Jessica n’étant plus en capacité de répondre aux questions, l’audience a été levée et l’affaire a été reportée au 7 avril et au 14 mai.
* Prénom d’emprunt