Tout nouveau président du second-œuvre vaudois, le plâtrier Giuliano Stabile s’engage pour les droits des travailleurs.
C’est dans le café tenu par son épouse à Yverdon que nous retrouvons Giuliano Stabile, plâtrier. A 17h30, son pull porte quelques traces de sa journée de labeur. Sa fatigue est perceptible. «Quand je bosse, je me donne à fond», dit-il en souriant. Avec une grande humilité, il partage son parcours migratoire, loin d’être linéaire, à l’image de celui de sa famille.
Dans les années 1950, son grand-père maternel arrive en Suisse, pour travailler dans une ferme, puis en usine. Sa mère a donc grandi ici. Son père, charpentier de métier, a émigré du sud de l’Italie. Quelques années plus tard, le couple décide de retourner au pays, près de Naples. Giuliano a 6 ans. «J’ai grandi dans un village où, dès qu’on avait un moment, on devait aider dans les champs. Le travail a toujours été une valeur forte pour moi.»
A 18 ans, il part travailler à 700 kilomètres au nord dans l’entreprise de ses cousins où il apprend, sur le terrain, le métier de plâtrier. «Je n’ai pas vraiment choisi ce métier. Mais quand on ne veut pas étudier, il faut bosser!»
Le jeune homme d’alors aime venir passer ses vacances dans le canton de Vaud où vit une partie de sa famille. «La Suisse m’a toujours manqué, se souvient le jeune quarantenaire. Je me suis toujours senti d’ici.»
Le 6 janvier 2012, son passeport suisse et son très bon français hérité de sa mère en guise de bagage, il décide de revenir s’installer à Yverdon avec son épouse et ses deux enfants. «On est arrivé ici avec pas grand-chose, deux ou trois mille euros de la vente des meubles qu’on avait en Italie. Mon grand-père nous a hébergés le temps de trouver un appartement. Et, en deux semaines, grâce à mon oncle paysagiste, j’ai trouvé un emploi de plâtrier. Presque treize ans après, je suis toujours dans la même boîte.»
De l’importance de s’engager
Son inscription au syndicat a été une évidence. «Un collègue m’a dit de me syndiquer. Je trouvais juste de se battre pour ses droits. Mon papa s’est toujours investi dans le village politiquement, avec sérieux, pour les travailleurs. Il m’a influencé. Mais je dois dire que si vous m’aviez demandé, il y a quelques années, ce que faisait le syndicat, je vous aurais répondu: rien. Depuis, j’ai compris que chaque petit progrès demande beaucoup de travail et de discussions. Sans le syndicat, nous n’aurions pas réussi à obtenir un 13e salaire, une semaine de vacances en plus. L’an passé, il y a eu enfin de grandes avancées dans les salaires, après dix ans sans augmentation. Surtout grâce à Nicolas d’Unia Yverdon, j’ai compris que ça valait la peine de s’engager et de faire valoir nos droits. Les secrétaires syndicaux sont toujours disponibles pour nous et se donnent à fond.»
Cette année, Giuliano Stabile est entré au comité et a été nommé président du second-œuvre vaudois, remplaçant ainsi Guillaume Racloz-Daiz devenu responsable du secteur artisanat du canton au sein d’Unia. «Mama mia, cette année, j’ai fait plein de réunions syndicales. Pour moi, au début, c’était de l’arabe. Pour pas faire traîner, pour apprendre plus vite, j’ai décidé d’aller à toutes les rencontres.» Très actif, il s’est aussi inscrit pour devenir juge aux Prud’hommes à Yverdon, motivé par sa volonté de défendre les travailleurs et les travailleuses. «J’aimerais aussi faire un CFC, avoir un papier et devenir chef d’équipe. Mais, renseignement pris, pour l’instant, je ne peux pas me permettre d’aller au cours 22 samedis sur 15 mois. Ma femme travaille ce jour-là et mon troisième enfant n’a que 8 ans. J’attendrai qu’il soit un peu plus grand.» Et d’ajouter: «J’aime beaucoup mon travail, mais je me rends compte qu’à partir d’un certain âge, ça se complique physiquement. Comme les maçons, on devrait aussi se battre pour la retraite à 60 ans.»