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Chine: libertés en voie de disparition

Ming Lam
© Niel Labrador

Ming Lam a brossé un tableau sombre de la situation des droits humains dans son pays.

Dans notre édition du 3 octobre, nous relations l’arrestation cet été de travailleurs chinois de l’usine de soudure Jasic Technology qui avaient manifesté après s’être vus refuser la création d’un syndicat au sein de leur entreprise. Ming Lam, de la Confédération des syndicats de Hong Kong, invité à Genève par l’ONU pour témoigner de la situation des droits de l’homme dans son pays, revient sur les faits.

Dans notre édition du 3 octobre, nous relations l’arrestation cet été de travailleurs chinois de l’usine de soudure Jasic Technology qui avaient manifesté après s’être vus refuser la création d’un syndicat au sein de leur entreprise. Ming Lam, de la Confédération des syndicats de Hong Kong, invité à Genève par l’ONU pour témoigner de la situation des droits de l’homme dans son pays, revient sur les faits. 

Comment en est-on arrivés là?

Les ouvriers de Jasic Technology étaient soumis à des conditions de travail scandaleuses (lire notre édition du 3 octobre). Ils ont suivi toutes les démarches administratives pour créer leur propre syndicat, mais le syndicat d’Etat, l’ACFTU, a décidé qu’il était illégal, sans donner plus d’explications. Les travailleurs ont été licenciés, mais comme ils ont refusé de partir, on les a jetés dehors manu militari. Ils ont alors décidé de protester une première fois, où ils ont été arrêtés puis relâchés quelques jours après, puis une seconde fois. C’est à ce moment-là qu’environ 50 personnes ont été arrêtées.

Quelle est la situation aujourd’hui?

Quatre leaders du mouvement sont toujours en détention et risquent au minimum deux ans de prison pour avoir «perturbé l’ordre public», à moins qu’ils présentent des excuses publiquement. Il a été très difficile de leur trouver des avocats, car tous les professionnels de la région ont été menacés par les autorités de perdre leur licence s’ils acceptaient de défendre ce cas. Un autre est accusé, à tort, d’avoir tout orchestré avec l’aide d’acteurs étrangers. Et des étudiants, qui ont soutenu les travailleurs, se trouvent toujours en maison d’arrêt.

Est-ce courant en Chine?

Il n’est pas rare que des manifestants soient arrêtés, mais souvent, ils sont relâchés dans les jours, voire les semaines qui suivent. Le cas de Jasic Technology est un cas très spécial en ce sens.

Honk Kong est frontalier avec Shenzen: avez-vous pu vous saisir de ce cas?

Non, nous ne sommes pas habilités à intervenir. C’est assez ironique, mais en tant que confédération syndicale basée à Hong Kong, nous sommes considérés comme une ONG étrangère, donc persona non grata au vu de la récente révision du statut de ces dernières. Cela fait des mois que je n’ai pas essayé de traverser la frontière, je risquerais de me faire arrêter. 

Quel regard portez-vous sur l’évolution des mouvements sociaux en Chine?

C’est en train de changer… en mal! Depuis l’élection de Xi Jinping, une succession de lois ont été mises en place pour limiter les libertés d’expression et d’information dans le but de contrôler et d’étouffer la société civile. Les arrestations se multiplient et certaines personnes disparaissent littéralement. 

Qu’en est-il à Hong Kong?

Quand Honk Kong a été rétrocédée à la Chine en 1997, elle a conservé son propre gouvernement, «un pays, deux systèmes». Alors que la Chine ne compte qu’un seul syndicat d’Etat, sous la coupe du gouvernement, notre Confédération rassemble 94 syndicats et 190000 militants pour 7 millions d’habitants. Nous sommes relativement tolérés mais, petit à petit, le Gouvernement chinois tente de s’immiscer dans nos affaires et de renforcer son emprise dans le but de nous contrôler. On ne peut plus parler de pleine démocratie aujourd’hui. C’est ainsi que plusieurs députés hongkongais, notamment des indépendantistes, ont été évincés ces derniers mois. En 2014, les autorités chinoises annoncent que les candidats au poste de chef de l’exécutif de Honk Kong seront sélectionnés par un comité de 1200 personnes et devront être «respectueux de la ligne définie à Pékin». Des manifestations en faveur de la démocratie et de l’autodétermination éclatent dans toute la région, ce qu’on a appelé la «révolution des parapluies».

Quelles problématiques syndicales se posent à Honk Kong?

Nous n’avons pas de limitation claire du temps de travail, ni du temps de repos. Plus de 400000 personnes travaillent plus de 50 heures par semaine, et plus de 200000 travaillent plus de 60 heures hebdomadaires. Les agents de sécurité sont à 72 heures par semaine, et nous avons mené une grosse grève en 2013 avec les dockers du port de Hong Kong qui travaillaient par cycles de 48 heures non-stop. Par ailleurs, les heures supplémentaires, devenues normales, ne sont ni payées, ni rattrapées. Quant au salaire minimum, nous avons uniquement un taux horaire minimal de 4 dollars américains, ce qui est trop peu vu le coût de la vie très élevé. En tant que syndicats, nous nous battons pour rehausser ce minimum à 6 ou 7 dollars de l’heure. Enfin, moins de 0,5% des employés sont couverts par une CCT, Hong Kong étant pourtant signataire de la Convention 98 de l’OIT. Cette faible protection amène à différents problèmes, notamment l’impossible conciliation entre vie privée et vie professionnelle, un pouvoir d’achat très faible, mais aussi de nombreux accidents et maladies liés au travail. 

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