Conditions de travail infernales pour des livreurs de DHL
Unia dénonce un nouveau cas d’abus parmi les sous-traitants de la multinationale de la logistique à Genève
Nouveau cas d’abus parmi les sous-traitants de DHL à Genève. Jeudi dernier, le syndicat a distribué aux employés du site de l’aéroport de la multinationale un tract dénonçant une «spirale irresponsable de précarisation»: «bas salaires, heures supplémentaires non enregistrées ou jamais indemnisées, assurances sociales perdues, surcharge de travail…»
Pour une partie de ses livraisons, le leader mondial de la logistique, détenu par Deutsche Post, fait appel à des prestataires externes, des sociétés au capital social limité qui se chargent d’embaucher et de rémunérer les chauffeurs. Il y en aurait quatre sur Genève. Le syndicat avait déjà eu maille à partir avec l’une d’entre elles, Colis Express Sàrl, obtenant devant le Tribunal des prud’hommes 70000 francs en faveur d’un livreur à titre d’heures supplémentaires jamais compensées. Or, l’administrateur de cette entreprise ne s’est pas acquitté de son dû, il a préféré mettre la clé sous la porte en décembre, tout en continuant cette activité sous une nouvelle raison sociale, HAS Sàrl. Et avec les mêmes méthodes.
Pas le temps pour une pause
«Je travaillais de 6h15 à 18h30, je n’avais pas le temps de prendre une pause à midi, je mangeais un sandwich à l’intérieur du véhicule», témoigne un chauffeur employé de HAS, qui a été victime d’un accident de travail en déplaçant un colis de près de trente kilos. «On travaillait quatre à cinq heures de plus par jour que les horaires normaux. Une tournée de DHL, c’est trente à quarante kilomètres, nous on en faisait cent», souligne l’un de ses collègues, qui souffre, lui, d’un burn-out. Chef d’équipe, il devait livrer 80 clients sur la rive gauche au volant, comme les autres employés des sous-traitants, des utilitaires jaunes et rouges de DHL. «On avait des colis prioritaires à livrer avant midi, si on était en retard, on prenait 300 à 400 francs d’amende, trois de loupés et c’était 1000 balles. On devait aussi s’acquitter des amendes et d’une franchise de 1000 francs pour les accidents. Il arrivait qu’on se fasse insulter et engueuler par les clients. Le soir, on notait nos heures sur une feuille remise à DHL. Si on indiquait nos horaires réels, il était certain qu’on se ferait allumer le lendemain par notre employeur. DHL est au courant de nos heures effectuées, puisque nous sommes toujours logués sur son système informatique, mais ferme les yeux», assure-t-il.
Des conditions d’emploi infernales pour un salaire brut de 3800 à 4100 francs, soit le minimum prévu par le contrat type de travail du transport à Genève.
Licenciés et impayés
Fin février, DHL décidait de cesser sa collaboration avec HAS laissant quinze à vingt travailleurs sur le carreau. «Les employés se sont retrouvés licenciés, sans emploi, sans indemnités et n’ont pas reçu leur solde de salaire», explique Umberto Bandiera, responsable romand du transport et de la logistique d’Unia. Le syndicat, qui défend quatre membres, a demandé des comptes à l’administrateur de HAS, qui a répondu être «en traitement et suivi par un médecin» et dans l’incapacité de travailler, ainsi qu’à DHL. Dans un courriel, le manager du site genevois de DHL se disait «plutôt favorable» à indemniser les personnes concernées, avant que l’avocat de la société n’écrive au syndicat que «sa responsabilité ne saurait être engagée».
Unia exige que DHL fournisse les données informatiques des heures effectuées. Faute de réponse, le syndicat va saisir l’Office cantonal de l'inspection et des relations du travail et les prud’hommes. «L’intervention d’Unia a au moins permis le retour à l’emploi d’une partie du personnel de HAS auprès de nouveaux sous-traitants, même si des doutes planent quant au respect des obligations légales et des conditions de travail», indique le secrétaire syndical, qui espère l’ouverture de négociations et la conclusion d’un accord-cadre sur la sous-traitance afin de «permettre aux travailleurs d’avoir un emploi stable et décent». «DHL s’est engagé, depuis 2014, à respecter les Principes directeurs de l’OCDE, notamment à veiller sur les droits des travailleurs et à encourager la responsabilité de ses partenaires et sous-traitants. A Genève, ces engagements ne sont malheureusement pas respectés.»