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Connivence avec l’eau

Portrait de Damien Evéquoz avec sa baguette de coudrier.
© Thierry Porchet

«Le sourcier doit apprendre à se faire confiance», note Damien Evéquoz, baguette de coudrier en mains.

Sourcier et passeur d’âmes, Damien Evéquoz gravite dans le monde de l’invisible. Non sans garder les pieds sur terre...

Deux objets illustrent le travail de Damien Evéquoz: sa baguette de sourcier et son téléphone portable. Prélevée dans la nature, la branche de noisetier en forme de Y sert à la découverte de l’or bleu; le natel est utilisé pour la géolocalisation, la prise de photos ou encore les tâches administratives. Un outil rudimentaire et une technologie de pointe indissociables du métier. Mais comment le Vaudois d’adoption, originaire du Valais, est-il devenu ce chercheur d’eau sollicité par des communes, des architectes, des propriétaires de bâtiments, des agents d’assurances ou encore des agriculteurs? Quel étrange don lui permet depuis une quinzaine d’années de détecter, tapi à plusieurs dizaines de mètres sous terre, le précieux liquide? De repérer des infiltrations dans des constructions? D’intervenir lors de projets de géothermie? Vivant de son activité, Damien Evéquoz, 46 ans, réfute toute idée de surnaturel. La pratique, bien qu’il l’explique, conserve néanmoins un petit goût d’extraordinaire et de mystère.

Le mental hors jeu

Les premiers jalons du parcours de Damien Evéquoz sont posés durant l’enfance. A l’âge de 7 ans, le gamin d’alors voit un reportage télévisé consacré à un sourcier australien. Le chercheur opère dans le désert. Les emplacements qu’il signale entraînent des forages et le jaillissement d’impressionnants geysers. Fasciné, l’enfant décide qu’il exercera lui aussi ce métier. Les ans s’écoulent sans entamer l’intérêt de Damien Evéquoz pour le domaine, même s’il se concrétisera plus tard. L’homme effectue d’abord une maturité économique avant de croiser sur son chemin le directeur d’une école de géobiologie où il se forme durant deux ans. Cet art – et non une science, précise-t-il – il l’étudiera aussi en France. «Il vise à résoudre des problèmes telluriques et électriques entravant le bien-être dans un habitat», résume le spécialiste. Lors d’une conférence qu’il donne sur les lieux sacrés et la présence de veines d’eau souterraines, le géobiologue rencontre un sourcier valaisan. A la veille de prendre sa retraite, ce dernier souhaite transmettre son savoir et l’initie à la pratique. Une méthode qui exige la mise en veilleuse de l’intellect. Baguette en main, sens en alerte, Damien Evéquoz arpente un terrain désigné. «Je garde alors en tête le souvenir d’une eau courante, un ruisseau par exemple, tout en écartant le mental dans ma recherche. C’est là où réside la difficulté. En présence d’une veine d’eau souterraine, la baguette se baisse. On perçoit alors un malaise, une certaine tension. Comme si le corps, l’estomac se nouaient. L’être humain se révèle sensible aux discontinuités.»

«Rien de magique»

Le diagnostique s’affine. Damien Evéquoz évalue le débit et la profondeur de la source au moyen de sa branche, parfois d’un pendule, et toujours selon son ressenti. «Bien que tout se déroule dans le monde invisible, il n’y a rien de magique», affirme le quadragénaire, précisant que le processus génère beaucoup de fatigue. Un épuisement compensé par l’émotion que procure la découverte. «Il faut oser se faire confiance. Faire preuve d’un certain courage. Inciter par exemple un paysan à commanditer un forage de 90 mètres – une opération coûteuse – dans un endroit supposé sans eau, c’est assez couillu.» Prise de risque néanmoins largement limitée, l’homme ne se trompant que rarement. Et de se souvenir, sourire aux lèvres, de la lumière dans ses yeux espiègles, de joyeux apéritifs sur les alpages pour fêter des arrivées du précieux or bleu utilisé, dans ce cas de figure, pour le bétail. Ses connaissances, Damien Evéquoz les partage également avec ses élèves, dans le cadre de l’école de géobiologie qu’il a fondée à Eysins. «Le profil des intéressés? Pluriel. Il réunit des ingénieurs, hydrologues, boulangers, entrepreneurs, monsieur et madame Tout-le-Monde...» note le sourcier qui, parallèlement à ses différentes activités, intervient encore comme «passeur d’âmes».

En petites monnaies...

«J’ai été initié à la pratique par un pope orthodoxe il y a plus de vingt ans. Quand il m’en a parlé, j’ai fait des yeux de merlan mort», raconte, amusé, le sensible et sympathique géobiologue. Et d’expliquer: «Il arrive que des personnes se sentent mal à l’aise dans leur lieu de vie sans que le problème puisse être attribué au terrain et à des champs magnétiques, mais à la présence d’esprits. Des personnes qui sont décédées dans des contextes difficiles, pleines de colère, de frustration, de tristesse, etc.» Il s’agit alors de favoriser leur départ en suivant un rituel précis. «J’interviens comme un guide en haute montagne, je me borne à montrer le chemin. Qui mène où? Je l’ignore», poursuit Damien Evéquoz, soulignant qu’il ne souscrit à aucune religion, plus proche de concepts animistes. «Je suis un être cartésien. Dans tous les cas, je ne facture la prestation que si elle s’est révélée efficace. J’ai souvent des retours positifs impressionnants mais j’ai moins d’affinité avec ce procédé.» Enthousiaste, très sociable, Damien Evéquoz, en couple, apprécie particulièrement les rencontres et le partage avec les autres. La solitude, plus que la mort, effraie cet optimiste pour qui le bonheur se distille «en petites monnaies». Une jolie formule pour évoquer des choses simples de la vie, propres à le rendre heureux. L’éclosion d’une fleur, la mine satisfaite de ses chats paressant sur le canapé, un restaurant avec ses amis – aussi sollicités quand tout va mal... – sont autant de moments qui contribuent à enchanter sa vie. Pour se ressourcer, Damien Evéquoz privilégie les balades en nature et, savourant le calme, consacre volontiers du temps à écouter le silence. A contempler l’eau s’égayant dans le lit d’un ruisseau. De quoi entretenir une certaine connivence avec ce trésor qui se raréfie...