Site internet: entreechezsoi.ch
Architecte et naturopathe de l’espace, Catherine Ehrhardt pense l’habitat comme un miroir et un prolongement de soi. Une approche aux ancrages pluriels
Si Catherine Ehrhardt souhaite à chacun de trouver sa «mission intérieure, utile à la création du monde de demain», elle n’a aucun doute sur la sienne. La jeune femme de 36 ans consacre sa vie professionnelle à rendre des lieux agréables, à favoriser le bien-être de leurs occupants. Un objectif soutenu par la prise en compte de paramètres pluriels. L’architecte a en effet élargi ses connaissances pour devenir naturopathe de l’espace. «Il s’agit de penser l’habitat d’une manière globale, holistique, en privilégiant une architecture qui soigne, qui maintient l’équilibre de la personne, la ressource et la vitalise. Un concept qui place l’humain au centre», explique Catherine Ehrhardt, soulignant que les bâtisseurs d’antan bénéficiaient d’une vision plus complète de cet art et tenaient compte des orientations cardinales, de la course du soleil, des composants de la nature avoisinante, etc. «Aujourd’hui, on loge les gens dans des boîtes, coupés de leur environnement», affirme la titulaire d’un master en architecture et patrimoine effectué à Strasbourg, en Alsace, sa région d’origine. «Les bâtiments anciens possèdent une âme particulière qu’on ne retrouve pas dans les constructions modernes. Le mode actuel tend à diviser, séparer, recourir à des matières synthétiques, des couleurs froides, des formes géométriques. Il faut davantage penser le bâti comme une continuité de notre corps», estime la trentenaire, portant une attention particulière aux caractéristiques de la région, au relief, à la géologie, au climat, etc.
Chaque terrain a son visage
«La rencontre avec un terrain est pareille à celle avec un être. Il présente son visage propre. Outre le contexte, la réflexion doit être menée quant à la destination du bâtiment. A quoi servira-t-il?» complète Catherine Ehrhardt, qui insiste encore sur la nécessité d’anticiper en matière d’architecture. «La démarche doit intégrer le passé, le présent mais aussi l’avenir au risque de ne pouvoir accompagner l’évolution de la société.» Pour mener à bien sa mission, la passionnée s’est formée en géobiologie. Une discipline qui étudie les influences de l’environnement sur le vivant. «La présence par exemple d’eau, de failles, de champs électromagnétiques peut nuire au bien-être dans une maison», illustre Catherine Ehrhardt, également sensible aux matériaux utilisés, privilégiant les éléments respirants et les processus naturels, et promouvant une décoration «consciente» du lieu. Formée au feng shui occidental, elle insiste encore sur l’importance de l’aménagement des pièces, du mobilier, des couleurs, de l’éclairage... «L’habitat est un miroir, une projection de soi, comme un second corps», explique encore la jeune femme, mains éloquentes et paupières mi-closes, déroulant le fil de ses pensées. Autant de données entrant en ligne de compte dans les diagnostics que pose cette architecte pour favoriser l’harmonie. L’indépendante, fondatrice de la structure «Entrée chez soi», prodigue ainsi ses conseils et partage son inventivité dans la réalisation ou l’optimisation d’espaces de vie intégrant la notion de «médecine de l’habitat». Avec l’idée de permettre à ses occupants d’être «alignés, heureux, épanouis» dans leurs murs.
Nature et lieux sacrés
Mais qu’en est-il de son appartement à Vevey? Correspond-il à sa vision? «En transition, je ne dispose pas encore de l’habitat idéal. Mais celui-ci sera un laboratoire d’accueil et de ressourcement où j’exprimerai ma créativité dans les formes, les matières, les coloris. Avec une quête de la beauté, de la poésie. Et l’intention que l’on s’y sente particulièrement bien, naturellement», rêve l’architecte, drapée dans des vêtements aux tonalités automnales, elle qui aime tant les couleurs, et en particulier le vieux rose «pour sa douceur, son côté maternel».
Optimiste, déterminée, ayant foi en l’être humain, la Française – qui, dans nos frontières depuis treize ans, se sent aujourd’hui Suisse – aime rassembler des gens autour d’elle, œuvrer collectivement. Elle a d’ailleurs, avec une amie, créé un groupe, Alchimie de la construction, qui réunit une vingtaine d’acteurs du domaine mais aussi d’artisans partageant sa philosophie. Conférences, ateliers, visites de chantiers fédèrent les membres collaborant sur différents projets. Pour se ressourcer, la pétillante architecte s’évade dans la nature mais aussi dans «des lieux sacrés aux vibrations spécifiques qui élèvent». «Comme l’église Saint-Vincent, dans la vieille ville de Montreux, pourvue d’un vortex énergétique au niveau de son chœur, déployant un manteau bienveillant de force et de vitalité», symbolise celle qui puise à la source de différentes croyances. Un éclectisme mâtiné de bouddhisme, d’hindouisme, de chamanisme ou encore d’anthroposophie.
Actrice de son monde
«Je ne cautionne pas de religion en particulier, mais je pense que la mort n’est pas une fin en soi. Je crois à la réincarnation. Raison de mon optimisme», déclare la trentenaire, accompagnant son propos d’un rire cristallin. Et confiant sa peur face à un matérialisme coupé du spirituel, l’absence de la dimension du cœur, les ruptures d’équilibre. Heureuse – «Le bonheur, c’est entrer chez soi, en soi, connecté à ses valeurs» – Catherine Ehrhardt n’en ressent pas moins parfois de la colère contre les «déviances autoritaires, les prises de pouvoir entravant la liberté individuelle». «Mais je ne suis pas du genre à manifester. Je préfère m’engager à travers mon métier.» Admirative du parcours effectué par Nelson Mandela – «Rien que d’y penser, j’en ai des frissons», remarque cette hypersensible – Catherine Ehrhardt conjugue son maître-mot avec «lumière». «Il est nécessaire d’incarner le changement que l’on souhaite. Mon atout? La magie du monde découle de son propre regard. Et je suis actrice de mon monde.» Un microcosme qu’elle entend faire rimer avec fluidité, art de vivre et harmonie qui l’ont conduite à embrasser une profession qu’elle s’est aménagée sur mesure.