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De la philo à la truelle

Portrait de Mila Taylor.
© Olivier Vogelsang

Mila Taylor a choisi son métier après un stage en maçonnerie. Même si travailler dans un domaine essentiellement masculin reste particulier, elle a accepté de faire partie d’une minorité. La jeune maçonne s’investit aussi syndicalement, contre l’exploitation et pour de bonnes conditions de travail.

Unia Genève a remis le prix de l’apprentissage à une maçonne passionnée par son métier et engagée syndicalement

Double motif de satisfaction pour Mila Taylor. La jeune femme de 23 ans a non seulement reçu le 26 septembre dernier, dans le cadre de la remise officielle des CFC à l’Arena de Genève, son certificat de maçonne mais aussi un prix Unia de 300 francs. Ce dernier récompense chaque année un ou une apprentie qui a terminé sa formation avec succès en dépit de difficultés qui ont pu intervenir sur le parcours. «Nous avons désigné Mila Taylor, et parce qu’il est rare de rencontrer une femme dans le domaine de la construction et pour son engagement syndical», précise Deniz Coskun, secrétaire syndical d’Unia, soulignant les qualités de la militante qui a décroché son CFC en deux ans au lieu des trois réglementaires et participé à plusieurs assemblées syndicales. «Avant d’emprunter cette voie, j’avais effectué deux ans d’université en philosophie», indique Mila Taylor, tout en précisant qu’elle n’a pas été séduite par ces études. «Je n’avais pas vraiment réfléchi à l’orientation professionnelle que je voulais prendre. Je me suis lancée dans une trajectoire intellectuelle sans réellement me demander ce que j’envisageais faire de ma vie. Mais passer mon existence devant un ordinateur ne m’a pas donné envie.» L’universitaire décide alors de suivre un stage en maçonnerie.

Maîtriser les gestes techniques

«J’ai aimé travailler dehors, voir un résultat concret, créer quelque chose d’essentiel pour les personnes puisqu’il s’agit d’habitations.» Aussi, sa décision est-elle prise: Mila Taylor deviendra maçonne. «Si mes parents ont été surpris, ils se sont montrés néanmoins compréhensifs, voyant que j’allais mieux.» Mila Taylor travaille dans une entreprise de construction employant une dizaine de personnes. «C’est une petite structure où les ouvriers ne sont pas considérés comme des numéros. L’aspect humain est privilégié», apprécie Mila Taylor, tout en reconnaissant la pénibilité du job. «Je n’ai pas encore la condition physique maximale. Mais ça vient. Et il y a des machines pour les charges trop lourdes. Le plus difficile n’est néanmoins pas l’effort à fournir mais les connaissances en matière de mathématiques et de physique à acquérir. Il faut maîtriser beaucoup de gestes techniques, disposer d’un savoir-faire.» La société qui l’emploie compte une autre maçonne. Une situation plutôt rare. «Bien sûr, nous ne disposons pas des mêmes capacités physiques que les hommes mais l’entreprise développe également beaucoup de projets techniques adaptés au personnel des deux sexes.»

S’unir contre l’exploitation

Travailler dans un domaine essentiellement masculin reste toutefois particulier. «Mais j’ai choisi cette situation, j’ai accepté de faire partie d’une minorité. Si je suis traitée différemment? Oui, car je suis une femme, jeune, et moins expérimentée que mes collègues. Mais ce n’est pas pesant, cela ne pose pas de problèmes. Il y a une bonne ambiance. J’avais en revanche une camarade d’apprentissage formée dans une entreprise comptant plus de 100 personnes. Pour elle, c’était compliqué au niveau relationnel.» Ravie d’avoir reçu le prix Unia, Mila Taylor estime la mission du syndicat très importante. «Les employés doivent s’unir contre l’exploitation et défendre de bonnes conditions de travail. Heureusement, dans mon entreprise, nous sommes bien lotis», affirme encore la syndiquée.

Son CFC en poche, Mila Taylor n’entend pas s’arrêter en si bon chemin et envisage de poursuivre une formation pour devenir contremaître. A terme, elle rêve de posséder sa propre entreprise. «Je n’engagerai alors que des femmes, plaisante-t-elle, mais encore faudrait-il les trouver.» Et la travailleuse de regretter, plus sérieusement, que trop de métiers restent genrés et considérés comme inaccessibles par des intéressées potentielles. Quant à ce que nous pouvons lui souhaiter, la maçonne répond sans hésitation: «Une bonne santé»...

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